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Au procès de Joël Le Scouarnec, un policier a témoigné de son expérience traumatisante après avoir été agressé sexuellement par l’ex-chirurgien. Lors de son témoignage, il a affirmé : « Je ne voulais pas faire partie des victimes ».
Un témoignage poignant
Cédric, 38 ans, arrive à la barre visiblement stressé mais déterminé. Dans un moment de confrontation, il déclare à Joël Le Scouarnec : « Je me permets de vous regarder ». Il explique à la cour criminelle du Morbihan, tout en lisant une déclaration qu’il a préparée, qu’il a prêté serment de protéger les personnes, tout comme l’accusé avait prêté le serment d’Hippocrate. Cédric, policier, a vu son nom mentionné dans les journaux intimes de l’accusé, associés à une série d’agressions sexuelles survenues les 17, 18 et 19 mars 2001.
Des souvenirs d’enfance troublants
À l’époque des faits, Cédric n’avait que 14 ans. Hospitalisé en urgence à la polyclinique du Sacré-Cœur de Vannes pour une péritonite, il ne se souvient pas de son séjour à l’hôpital : « C’est comme si j’avais fait une croix dessus », confie-t-il. Ce n’est qu’en 2019, lorsque les gendarmes le contactent, qu’il fait face à son passé. « Ça a été un choc », décrit-il en se remémorant la photo de son agresseur, aujourd’hui âgé de 74 ans. « Je l’ai très bien reconnu, mais j’ai dit que je ne l’avais pas reconnu car je me suis enfermé dans le mutisme ».
Un silence pesant
Son épouse, également policière, a passé des années à la brigade des mineurs à Paris. Cédric explique : « Les viols et les agressions sexuelles, c’était son quotidien. Je ne voulais pas faire partie de ces victimes-là ». Dans la salle d’audience, son épouse l’observe, émue, tandis que son meilleur ami est assis à côté d’elle.
Le policier a longtemps gardé le silence sur son agression, préférant se consacrer à l’activité physique. « Je faisais vingt-quatre heures de sport par semaine », admet-il. Malheureusement, il n’a jamais consulté de psychologue, même si le traumatisme est palpable. « Je me suis senti sali, très anxieux vis-à-vis de mes enfants », relate-t-il.
Une lutte intérieure
Cédric a tardé à porter plainte contre Joël Le Scouarnec, bien qu’il soit habituellement un fervent défenseur des victimes. « Je suis le premier à dire de le faire quand j’interviens auprès des victimes de violences conjugales. Mais quand ça change de camp, ce n’est pas pareil… », déclare-t-il, conscient des contradictions de son propre parcours.
La présidente Aude Buresi lui demande son avis sur les femmes qui ne déposent pas plainte après une agression : « On essaie de leur faire prendre conscience que les féminicides, ce n’est pas qu’à la télé », répond Cédric, qui admet avoir « mis un couvercle sur cette affaire ».
Des répercussions sur la vie scolaire
Alors que ses souvenirs sont flous, Cédric se rappelle d’un homme « positionné au-dessus de moi » pour l’ausculter. Deux experts psychologues ont témoigné des effets des traumatismes sexuels sur les victimes, notamment la dégradation des résultats scolaires. « Il n’y a qu’aujourd’hui que je me suis rendu compte que j’ai eu une chute brutale de mes notes après mon opération », indique Cédric.
Un cheminement vers la vérité
Cinq ans après avoir été confronté à son passé, Cédric a finalement décidé de se constituer partie civile. « Je ne savais pas comment j’allais réagir, c’est pour ça que je me cachais. Mais ce procès, c’est une thérapie », confie-t-il. « Voir Monsieur Le Scouarnec et comprendre que je ne suis pas tout seul : nous sommes tellement de victimes ».
Interrogé par son avocate sur son ressenti face aux discours de l’accusé, Cédric répond : « Mal. À mes yeux, c’est un manipulateur qui tire une jouissance d’être présent et d’entendre ses victimes ». Pour lui, il est impensable que ceux qui entouraient le chirurgien n’aient rien vu pendant toutes ces années. « Il est un humain comme les autres. Il n’est pas au-dessus des lois », conclut-il.