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Il y a six ans encore, le quai Branly s’étendait sur plus d’un kilomètre, longeant le célèbre musée du même nom. Ce quai emblématique, bien connu des Parisiens, a vu son existence profondément modifiée à la suite du décès de Jacques Chirac. La disparition de l’ancien président a entraîné une réorganisation urbaine qui a abouti à la disparition quasi totale du quai Branly au profit du quai Jacques-Chirac.
Un hommage rapide pour Jacques Chirac
Jacques Chirac s’est éteint le 26 septembre 2019, et un peu plus de deux ans plus tard, le 29 novembre 2021, son quai a été inauguré à Paris. Cette cérémonie, qui s’est tenue en présence de sa fille Claude Chirac, ainsi que de personnalités comme Gabriel Attal, Alain Juppé et Anne Hidalgo, a dérogé à la règle traditionnelle des cinq ans entre le décès d’une personnalité et la dénomination d’une voie à son nom. Cette règle, instaurée après la mort du général de Gaulle en 1970, est souvent ignorée pour les présidents de la République, témoignant d’un traitement particulier pour ces figures nationales.
Des présidents aux rues diverses
Avant la Ve République, les hommages aux présidents se faisaient souvent via des avenues (comme Mac-Mahon ou Raymond Poincaré), des boulevards (Vincent Auriol), ou encore des rues ou allées. Certains présidents n’ont jamais eu de voie à leur nom. Depuis, la tradition s’est surtout orientée vers le baptême de quais à Paris, à l’image de la place Charles-de-Gaulle ou de la voie Georges-Pompidou. Chirac, Mitterrand et Pompidou ont ainsi chacun un quai à leur nom, formant une sorte de parallèle entre leur mandat et l’espace urbain parisien.
Chirac, un quai plus long que celui de Mitterrand
En termes de longueur, le quai Pompidou, qui s’étend sur 13 kilomètres, domine largement ses successeurs. Pour ce qui est de François Mitterrand et Jacques Chirac, la comparaison est plus équilibrée : le quai Mitterrand mesure environ 700 mètres sur la rive droite, tandis que le quai Jacques-Chirac atteint près de 900 mètres sur la rive gauche. Cet avantage en longueur s’explique en partie par le fait que Chirac fut également maire de Paris pendant 18 ans, renforçant son lien avec la capitale.
Le quai porte d’ailleurs sur ses plaques la double mention de Jacques Chirac en tant que président de la République et maire de Paris. La section choisie s’appuie sur une portion du quai Branly, devant le musée éponyme, un projet cher à Chirac, qui portait déjà son nom depuis 2016.
Un choix stratégique pour limiter les désagréments
Le choix d’un quai plutôt qu’une avenue ou une rue trouve aussi une justification pratique : ces lieux sont souvent moins densément peuplés, ce qui limite les changements d’adresses et les désagréments pour les riverains. Le quai Branly, bordé principalement d’institutions, était donc un choix judicieux pour renommer une portion sans trop perturber le voisinage.
Cependant, une question restait en suspens : quelle longueur du quai Branly serait sacrifiée pour le quai Jacques-Chirac ? Le projet initial prévoyait une extension jusqu’à la tour Eiffel, mais cette proposition aurait cantonné le quai à un seul arrondissement (le 7e), ce qui a suscité le mécontentement du 15e arrondissement, qui revendiquait aussi un segment du quai Chirac.
Extension du quai Jacques-Chirac dans le 15e arrondissement
Le maire du 15e arrondissement, Philippe Goujon, a insisté pour que le quai Jacques-Chirac s’étende aussi dans son territoire, notamment près de la place des Martyrs-Juifs-du-Vélodrome-d’Hiver, un lieu chargé d’histoire et de mémoire, proche du jardin du Souvenir où Chirac avait prononcé un discours mémorable en 1995. Cette extension a permis au quai Jacques-Chirac d’atteindre environ 900 mètres, dépassant ainsi le quai François-Mitterrand.
La disparition presque totale du quai Branly
Conséquence directe de cette réorganisation, le quai Branly a été quasiment effacé. La partie restante se révèle très réduite, et même la cathédrale russe de la Sainte-Trinité, située initialement sur le quai Branly, porte désormais l’adresse « 1, quai Jacques-Chirac ». Le palais de l’Alma, voisin, est également domicilié au 11, quai Jacques-Chirac.
Officiellement, la délibération municipale prévoyait de conserver une portion du quai Branly, mais un dysfonctionnement administratif a fait que les plaques indiquant ce nom ont disparu, sans que cela ne suscite aucune protestation notable, y compris de la famille Branly.
Le souvenir d’Édouard Branly, physicien pionnier
Édouard Branly, physicien célèbre pour la découverte de la radioconduction, avait une place symbolique devant la tour Eiffel, lieu où les ondes radios furent utilisées pendant la Première Guerre mondiale. Pourtant, aujourd’hui, son nom est presque absent de la carte parisienne, victime de ce réaménagement. Certains soulignent que l’origine du baptême du quai Branly, qui remonte à l’époque de Vichy, pourrait avoir nuit à la pérennité de son nom dans l’espace urbain.
Le quai Valéry Giscard d’Estaing, un hommage plus discret
Le dernier président décédé après Chirac, Valéry Giscard d’Estaing, est aussi honoré par un quai à Paris, inauguré le 14 mars 2023, environ deux ans et demi après sa disparition. Ce quai, situé le long du musée d’Orsay, remplace la moitié du quai Anatole-France et intègre également la place Henry-de-Montherlant.
Avec environ 400 mètres, ce quai est nettement plus court que celui de Chirac ou Mitterrand, et dessert principalement trois institutions : la Caisse des dépôts et consignations, le musée d’Orsay et l’arrière du palais de la Légion d’honneur. La mémoire d’Anatole France et Montherlant s’est ainsi estompée, absorbée par ce nouveau nom, sans protestations visibles des familles concernées.