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Abattage de loups en Suisse : Un record inquiétant en 2024

by Sara
Suisse

En 2024, la Suisse a battu un record inquiétant en matière d’abattage de loups avec 101 individus légalement prélevés. Malgré ce prélèvement important qui représente un tiers de la population observée cette année-là, le nombre de loups reste stable, retrouvant presque le niveau de 2022. Cette situation soulève des questions sur la viabilité à long terme de la stratégie actuelle de régulation.

La louve Dajana à Bruderhaus, Winterthur, entourée d’arbres et baignée de lumière, le 7 octobre 2009.

Un bilan record et un débat politique tendu

Le Conseil des États suisse a déjà donné son feu vert, en décembre dernier, à une motion qui propose l’étude de zones « zéro loup » dans certains cantons, afin de réduire les conflits entre l’homme et ce prédateur. Ce texte prévoit aussi une régulation moins bureaucratique du loup et sera discuté à la session spéciale du National le 6 mai. Ce sujet divise profondément, opposant ceux qui défendent une mesure nécessaire à ceux qui dénoncent un permis de tuer.

Selon les données de la fondation Kora, depuis le retour du loup en Suisse dans les années 1994-1995, 2024 est l’année avec le plus grand nombre d’abattages légaux, totalisant 101 loups. Ces tirs ont principalement eu lieu dans les cantons du Valais et des Grisons. Malgré cette pression, la population reste robuste, avec environ 200 loups recensés, similaire à 2022, sur un total d’environ 320 individus estimés.

Coûts et bénéfices de la régulation

Positions divergentes au sein de la Commission de l’environnement

Nicolas Kolly, membre de l’UDC et de la Commission de l’environnement au Conseil national, s’inquiète de la croissance rapide du nombre de meutes, qui est passé d’une seule en 1995 à plus d’une trentaine aujourd’hui. Il estime que si cette tendance se poursuit, la Suisse pourrait compter plus de 900 loups d’ici 2028. Sans prédateur naturel, il considère que l’homme doit assurer la régulation afin d’éviter une prolifération incontrôlée.

À l’opposé, Christophe Clivaz, représentant des Verts et également membre de la même commission, doute de l’efficacité d’une régulation basée sur l’abattage massif. Pour lui, les loups compenseraient rapidement les pertes par la reproduction, rendant la méthode coûteuse et inefficace. Il préconise plutôt le renforcement des mesures de protection des troupeaux et le maintien des indemnisations aux éleveurs, soulignant que ces dispositifs ont contribué à la diminution des attaques animales en 2023 et 2024.

Dix moutons morts gisant sur le sol à Valeyres-sous-Rances après une attaque probable de loup, avec deux personnes debout à proximité. ©Florian Cella / Tamedia

Limites des mesures actuelles et appel aux zones « zéro loup »

Nicolas Kolly souligne cependant les limites des protections actuelles, surtout en milieu urbain comme à Fribourg où un loup a attaqué des moutons à proximité d’une école, rendant impossible l’utilisation de chiens de protection. Il rappelle aussi que les indemnisations financières ne couvrent pas toutes les pertes, notamment l’impact émotionnel pour les éleveurs victimes.

La proposition de zones « zéro loup » vise donc à créer des espaces où la présence du prédateur serait interdite pour protéger les populations humaines et agricoles, mais cette mesure reste très controversée.

Une tendance européenne vers une régulation renforcée

Le débat suisse s’inscrit dans une dynamique plus large au niveau européen. En décembre 2023, la Convention de Berne a décidé de déclasser le loup, le sortant des espèces de faune strictement protégées pour le classer parmi les espèces protégées, ouvrant ainsi la voie à une régulation accrue.

En Suisse, la loi sur la chasse a été modifiée en 2022 pour permettre une régulation préventive, avec pour objectif la réduction des meutes de plus de trente à une douzaine, conformément aux directives fixées par le conseiller fédéral Albert Rösti. Cette politique fait face à l’opposition des associations écologistes et a été contestée en justice, mais elle répond aux préoccupations liées aux attaques sur le bétail et aux risques pour les humains.

Le retour du loup : une croissance rapide et inattendue

Willy Geiger, biologiste et ancien vice-directeur de l’Office fédéral de l’environnement, revient sur le retour du loup en Suisse. Il rappelle que lors de la réapparition du prédateur dans les années 1990, peu imaginaient une population de 300 loups trente ans plus tard. La croissance a été plus rapide que prévu, bien que la population tende à s’autoréguler naturellement en fonction des ressources disponibles.

Selon lui, la régulation stricte est illusoire à moins d’investir des ressources considérables dans l’abattage. Il insiste sur l’importance d’apprendre à cohabiter avec le loup en favorisant le retour des bergers et l’utilisation de chiens de troupeau, méthodes qui ont fait leurs preuves en réduisant les attaques sur les animaux d’élevage, notamment dans les zones où la protection est appliquée.

Il reconnaît néanmoins que le loup peut constituer un problème lorsqu’une meute se spécialise dans les bovins, cas où une régulation ciblée devient nécessaire.

Portrait de Willy Geiger, biologiste et ancien directeur de l’Office fédéral de l’environnement, concernant la loi sur la chasse.

source:https://www.24heures.ch/suisse-un-loup-sur-trois-a-ete-abattu-l-an-dernier-211084180558

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