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Vous est-il déjà arrivé de perdre toute attention à ce qui vous entoure, de vous perdre dans vos pensées ou d’avoir du mal à saisir un souvenir ? Ces expériences sont souvent liées au phénomène appelé « vide mental », une situation courante qui recouvre diverses définitions, allant d’une sensation de somnolence à une absence totale de conscience active.
Comprendre le vide mental : entre neurosciences et philosophie
Une équipe de neuroscientifiques et de philosophes européens, en collaboration avec l’Université Monash en Australie, vient de publier une étude dans la revue Trends in Cognitive Sciences compilant les connaissances actuelles sur le vide mental, enrichies par leurs propres observations de l’activité cérébrale des individus.
Ils expliquent : « Pendant l’état de veille, nos pensées passent d’un contenu à un autre. Pourtant, il existe des moments apparemment dépourvus de contenu rapportable, que l’on nomme vide mental. »
Selon le Dr Jennifer Windt, du Centre pour la conscience et les études contemplatives de Monash, ces épisodes de vide mental surviennent surtout lorsque le cerveau est dans un état d’activation très élevé ou très faible.
L’attention qui dérive : un phénomène fréquent
« Même lorsque nous essayons de nous concentrer sur une tâche, notre attention s’éloigne fréquemment de ce que nous faisons et du moment présent », souligne le Dr Windt.
Lors de ces pertes d’attention, nous pouvons avoir des états mentaux variés : rêveries, pensées errantes, ou même l’absence totale de pensées, caractéristique du vide mental.
Antoine Lutz, chercheur au Centre de neuroscience de Lyon, ajoute que leur objectif est d’initier un débat sur la manière dont le vide mental pourrait se rapprocher d’expériences similaires, comme la méditation.
Analyse approfondie grâce aux données cérébrales
Athena Demertzi, coordinatrice du projet à l’Université de Liège en Belgique, explique qu’ils ont analysé 80 articles de recherche, y compris leurs propres travaux où ils ont enregistré l’activité cérébrale de personnes affirmant ne « penser à rien ».
Principaux résultats observés :
- La fréquence du vide mental varie énormément d’une personne à l’autre, mais en moyenne, il survient entre 5 et 20 % du temps.
- Les expériences associées au vide mental incluent des pertes d’attention, des troubles de la mémoire et l’arrêt du discours intérieur.
- Ces épisodes apparaissent souvent vers la fin de tâches exigeant une attention prolongée, comme les examens, après un manque de sommeil ou un exercice physique intense, mais ils font aussi partie de l’état de veille ordinaire.
- Les enfants atteints de trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) rapportent davantage de moments de vide mental que les enfants neurotypiques.
- Lors de ces épisodes, la fréquence cardiaque et la taille des pupilles diminuent, tandis que l’activité cérébrale se caractérise par une complexité réduite, semblable à celle observée chez les personnes inconscientes. On note aussi des perturbations dans le traitement sensoriel et des ondes cérébrales lentes, comparables à celles du sommeil, qualifiées d’« épisodes de sommeil local ».
Un cadre explicatif basé sur l’état d’éveil
Les chercheurs supposent que le facteur commun à ces formes diverses de vide mental serait lié à des variations des niveaux d’éveil (arousal), provoquant des dysfonctionnements dans des mécanismes cognitifs clés comme la mémoire, le langage ou l’attention.
Étant donné la grande diversité des expériences subjectives et des patterns neuronaux associés, ils proposent un cadre conceptuel où le vide mental est décrit comme un ensemble dynamique d’états physiologiques influencés par le niveau d’éveil, ou vigilance physiologique, d’une personne.
Thomas Andrillon, auteur principal et chercheur à l’Université de Liège, souligne : « Étudier le vide mental est à la fois pertinent, important et opportun. Pertinent car cela remet en question l’idée que l’éveil comprend un flux ininterrompu de pensées. Important parce que le vide mental révèle les différences interindividuelles dans l’expérience subjective. »