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Face aux embouteillages chroniques au tunnel du Gotthard, principal passage routier en Suisse, une taxe sur le trafic est débattue avec intensité. Malgré un rejet serré au Nationalrat, des élus envisagent désormais de lancer une initiative populaire pour instaurer une redevance dynamique qui limiterait les congestions et financerait les infrastructures alpines.
Des embouteillages fréquents et des mesures contestées
Les files s’allongent désormais plus de 100 jours par an au tunnel du Gotthard, avec des congestions pouvant atteindre jusqu’à cinq heures, comme ce fut le cas le dimanche dernier à l’entrée sud. Le trafic de retour après un long week-end génère ainsi des ralentissements majeurs. La situation est similaire au col du Saint-Bernard, avec environ 20 jours de bouchons annuels.
Les riverains subissent de plein fouet bruit, pollution et trafic de déviation dans les villages, mettant leur patience à rude épreuve. Le Nationalrat a examiné plusieurs propositions visant à réduire ce trafic de vacances, notamment la mise en place d’une taxe. Toutefois, cette dernière a été rejetée de justesse, avec 91 voix contre 90.
Une initiative du canton d’Uri proposait un système numérique de réservation de créneaux (slot-system) pour réguler le nombre de véhicules traversant le tunnel. Cette idée a été refusée. En revanche, deux mesures ont été adoptées :
- Lutte législative contre le trafic de déviation via routes secondaires.
- Obligation pour les systèmes de navigation d’indiquer les fermetures de routes imposées.
Un projet de restrictions temporaires de circulation sur certaines routes cantonales a également obtenu une majorité, malgré l’opposition du Conseil fédéral.
Maut Gotthard : une taxe variable au cœur du débat
Le sujet le plus débattu demeure la mise en place d’une taxe sur le transit aux tunnels alpins du Gotthard et du Saint-Bernard. Trois motions, portées par Simon Stadler (Centre), Corina Gredig et Matthias Jauslin (Verts libéraux), réclament une tarification variable selon les pics de trafic. Cette approche vise à lisser la fréquentation, tout en participant au financement d’infrastructures évaluées à plusieurs milliards d’euros.
Lors des échanges, Corina Gredig a résumé : « Impôts plutôt qu’embouteillages », tandis que Simon Stadler a souligné la nécessité « d’un tournant politique en matière de mobilité ». Selon lui, la taxe serait l’outil le plus efficace pour lutter contre les embouteillages persistants, puisque 80 % des véhicules en heures de pointe viennent de l’étranger, et que les conducteurs sont sensibles au prix.
La Suisse reste isolée en maintenant des tunnels gratuits, contrairement à ses voisins. Stadler propose des exonérations ou tarifs réduits pour les navetteurs locaux, par exemple via des abonnements multiples ou cartes de pendulaire.
Comparaison internationale
Les péages alpins sont courants en Europe :
- Mont-Blanc : 68,40 € pour un aller-retour.
- Autriche : jusqu’à 29 € supplémentaires pour les tunnels du Tauern et du Brenner, en plus de la vignette autoroutière.
- Grand-Saint-Bernard entre le Valais et l’Italie : environ 50 CHF (environ 50 €) pour un aller-retour.
Simon Stadler interpelle : « Pourquoi la traversée ici resterait-elle gratuite ? » Malgré ces arguments, le Nationalrat a rejeté la taxe, mais les partisans envisagent désormais une initiative populaire.
Perspectives et opposition politique
Un rapport commandé par le Conseil fédéral et publié au printemps 2024 conclut que le système numérique de réservation « slot-system » n’est pas viable. En revanche, une taxe, gérée via application, portail web ou postes de péage classiques, est réalisable.
Le Conseil fédéral refuse cependant la taxe, non pour des raisons techniques, mais politiques. Il craint que celle-ci n’isole le canton du Tessin, seul territoire à perdre une liaison gratuite permanente avec le reste du pays, ce qui pourrait fragiliser la cohésion nationale.
L’association Pro Alps, défenseur de l’environnement alpin, critique cette position. Son porte-parole Silvan Gnos déclare : « La région alpine submergée par le trafic de transit souffre de bruit, d’embouteillages et de pollution. Une taxe dynamique serait un instrument de gestion précis. Le refus du Conseil fédéral pour des raisons politiques est incompréhensible. »
Simon Stadler partage cet avis et prévoit d’étudier, avec des alliés, le lancement d’une initiative populaire. Les sondages montrent une majorité favorable à la taxe, y compris au Tessin.
Pro Alps soutient également cette voie, voyant dans cette initiative un outil efficace face à l’accroissement du trafic.