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La persévérance, souvent louée comme une vertu essentielle, est perçue comme la clé du succès, de la résilience et de l’accomplissement des objectifs à long terme. Pourtant, des recherches récentes révèlent que cette ténacité constante, surtout face à des situations de stress chronique, peut avoir des effets négatifs insoupçonnés sur la santé cérébrale, en particulier au sein de certaines communautés déjà vulnérables.
Le paradoxe de la persévérance et de la santé cérébrale
En psychologie, la persévérance – ou « grit » – est définie comme la passion et la persistance pour atteindre des buts à long terme. Cette qualité aide à surmonter les difficultés et à maintenir un état d’esprit résilient. Un concept proche, le « coping actif », correspond à une gestion directe et proactive des problèmes, apportant souvent une réduction du stress et une meilleure perception du contrôle personnel.
Toutefois, malgré leurs effets protecteurs traditionnels, ces stratégies peuvent parfois engendrer des risques pour la santé, notamment au niveau cérébral. Le concept de « John Henryism », introduit dans les années 1970 par l’épidémiologiste Sherman James, illustre ce phénomène. Cette stratégie de coping se caractérise par un effort persistant et intense face à un stress chronique, surtout chez les populations marginalisées.
Ce terme fait référence au héros populaire afro-américain John Henry, connu pour s’être épuisé lors d’un combat contre une machine à vapeur. Cette histoire symbolise la lutte acharnée contre des obstacles structurels, parfois au prix de la santé.
Par exemple, une personne quadragénaire exerçant deux emplois physiquement exigeants pour subvenir aux besoins de sa famille, malgré une fatigue chronique, peut développer au fil du temps des affections graves comme l’hypertension, les accidents vasculaires cérébraux ou la dépression, toutes associées à un déclin cognitif.
Persévérance et déclin cognitif : un lien inquiétant
Des recherches récentes, dont une étude menée auprès de 158 hommes noirs aux États-Unis, montrent que des niveaux élevés de persévérance peuvent coexister avec des difficultés cognitives croissantes, telles que troubles de concentration, oublis fréquents et fatigue mentale. Ces observations suggèrent que le fait de s’efforcer constamment sans relâche pourrait avoir un coût sur le fonctionnement cérébral.
Une explication possible réside dans la notion de « charge allostatique », désignant l’usure progressive du corps liée à une exposition répétée au stress. Cette charge excessive peut provoquer des lésions cérébrales, affecter la mémoire, la capacité d’apprentissage et accélérer le vieillissement cognitif.
Les individus qui font preuve d’une grande ténacité face à l’adversité peuvent ainsi subir une intensification de cette charge physiologique, entraînant un déclin cognitif prématuré. Cette hypothèse est corroborée par des études antérieures démontrant que le stress chronique peut altérer la mémoire et les fonctions exécutives.
De plus, pour des personnes confrontées régulièrement à des facteurs de stress tels que le racisme, la discrimination, les difficultés économiques et un accès limité aux soins, cette persévérance intense sans repos adéquat peut engendrer un stress chronique délétère pour le cerveau.
L’effort mental et émotionnel soutenu, sans moments de récupération, risque de provoquer une surcharge cognitive, réduisant la capacité à maintenir une résilience mentale, ce qui accélère le vieillissement cérébral et augmente le risque de troubles cognitifs.
Contrairement au stress ponctuel lié à un projet ou une échéance, cette surcharge permanente ressemble à un réveil quotidien dans la fatigue, avec la nécessité de gérer plusieurs emplois, des inquiétudes financières et des responsabilités familiales sans soutien suffisant, érodant progressivement la clarté mentale malgré une apparente robustesse extérieure.
Vers une nouvelle approche de la persévérance
Les chercheurs adoptent désormais une vision plus nuancée de la persévérance, remettant en question l’idée qu’elle soit toujours bénéfique. Cette nouvelle perspective redéfinit la notion de force face à l’adversité en intégrant des éléments essentiels comme le soin de soi et le repos.
Savoir quand s’arrêter ou privilégier le bien-être personnel apparaît comme une stratégie pragmatique pour préserver la santé cognitive malgré les défis.
Par ailleurs, des pratiques telles que la méditation, la respiration profonde ou la relaxation guidée peuvent aider à réguler les réponses au stress et minimiser la charge cognitive. En complément, s’appuyer sur un réseau social solide et entretenir des relations significatives est crucial pour maintenir une bonne santé cérébrale à long terme.