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Un calme précaire le long de la frontière Inde-Pakistan
Les armes se sont momentanément tues le long de la frontière tendue entre l’Inde et le Pakistan, après un cessez-le-feu qui semble avoir tenu pendant trois nuits consécutives.
Le 7 mai, l’Inde a lancé des attaques avant l’aube contre plusieurs « sites terroristes » au Pakistan, en représailles à l’assassinat, le 22 avril, de 26 hommes, en grande majorité des touristes, dans la station touristique de Pahalgam, dans la région du Cachemire administrée par l’Inde. New Delhi a accusé Islamabad de soutenir les assaillants, accusation démentie par le Pakistan.
Cette offensive aérienne indienne a déclenché quatre jours de tensions accrues, avec des tirs de missiles et des attaques de drones entre les deux voisins. Cette escalade rapide a mené les deux pays au bord d’une guerre totale.
Chacune des parties affirme avoir infligé des dégâts décisifs, voire détruit, les installations stratégiques majeures de l’autre, bien que les premières analyses indiquent que les dommages subis par les bases militaires des deux côtés restent limités.
Cependant, les experts soulignent qu’un élément fondamental a été profondément affecté, peut-être irrémédiablement : les anciennes lignes rouges qui régissaient la relation tendue entre ces voisins sud-asiatiques.
“L’Inde et le Pakistan sont entrés dans une phase de ‘coexistence armée’ avec peu de place pour la diplomatie et une marge d’erreur étroite, malgré une frontière sensible et active”, a déclaré Praveen Donthi, analyste principal à l’International Crisis Group à New Delhi.
“Cette situation est préoccupante pour les deux pays et la région, car même un incident accidentel pourrait entraîner une escalade vers un conflit ouvert sans garde-fous.”
Origines et enjeux du conflit Inde-Pakistan
Les racines du conflit entre l’Inde et le Pakistan remontent à leur indépendance de la domination britannique en 1947, accompagnée de la partition du sous-continent indien qui a donné naissance au Pakistan.
- Depuis, les deux pays ont mené quatre guerres, dont trois autour du Cachemire, une région partagée entre l’Inde, le Pakistan et la Chine.
- L’Inde revendique l’intégralité du Cachemire, tandis que le Pakistan revendique toutes les parties non contrôlées par la Chine, son allié.
- Après la guerre de 1971, qui a conduit à la création du Bangladesh, un accord de paix appelé Accord de Simla a été signé, stipulant que les différends seraient réglés pacifiquement par des négociations bilatérales.
Le Pakistan a souvent sollicité une médiation internationale via les Nations unies pour la question du Cachemire, alors que l’Inde s’appuie depuis plus de cinquante ans sur l’Accord de Simla pour insister sur une résolution bilatérale exclusive.
Les États-Unis sont intervenus à plusieurs reprises pour apaiser les tensions, notamment en 1999 lors de la crise de Kargil, mais sans médiation officielle reconnue.
Cependant, le samedi précédent, le président américain Donald Trump a annoncé un cessez-le-feu “total et immédiat” entre l’Inde et le Pakistan, avant même que les gouvernements concernés ne le confirment.
Trump a ensuite évoqué une possible solution au conflit du Cachemire, et a déclaré que l’administration américaine avait utilisé la pression commerciale pour obtenir ce cessez-le-feu, soulignant l’importance du commerce dans les négociations.
Cette médiation américaine, si elle se confirme, remettrait en cause la ligne rouge indienne de ne pas accepter d’intervention extérieure dans ce différend.
Attaques inédites et escalade militaire
Selon le politologue Sumantra Bose, l’Inde et le Pakistan ont franchi des lignes rouges, voire un point de non-retour, en attaquant des cibles urbaines densément peuplées la semaine dernière.
L’Inde a mené, dans le cadre de l’opération Sindoor, la plus vaste offensive contre des infrastructures terroristes au Pakistan jamais réalisée hors guerre ouverte. Cette opération fait référence au vermillon traditionnel indien et aux témoignages indiquant que les assaillants à Pahalgam auraient ciblé spécifiquement les non-musulmans.
Modi a affirmé que les attaques avaient tué plus de 100 “terroristes”, tandis que le Pakistan a déploré la mort de 31 civils, dont deux enfants.
- Les frappes indiennes ont touché des villes du Cachemire pakistanais et plusieurs localités de la province du Pendjab, un centre économique et démographique majeur du Pakistan.
- C’est la première fois depuis 1971 que l’Inde frappe le Pendjab.
- Des échanges de tirs de missiles et d’attaques de drones ont eu lieu, atteignant même des bases militaires situées loin du Cachemire disputé.
Le Pakistan a riposté avec l’opération Bunyan Marsoos, ciblant plusieurs bases aériennes et installations militaires en territoire indien, notamment au Cachemire et au Pendjab indien.
Les forces indiennes ont indiqué avoir intercepté la majorité des missiles et drones ennemis, mais certaines bases ont subi des dégâts limités.
Cette escalade marque une nouvelle étape dans le conflit, avec des attaques d’une ampleur et d’une portée inédites.
Crise hydrique et risques nucléaires
Outre les missiles et drones, la crise a également affecté les accords hydriques entre les deux pays.
Après l’attaque de Pahalgam, l’Inde a suspendu sa participation au Traité des eaux de l’Indus de 1960, un accord crucial qui avait survécu à trois guerres. Ce traité partage les eaux des six rivières de la région entre l’Inde et le Pakistan.
Le Pakistan dépend fortement de ces eaux et considère cette suspension comme un “acte de guerre”.
Dans un contexte d’extrême tension, un ancien ministre pakistanais a déclaré que “soit l’eau coulera, soit leur sang”, une menace explicite à l’encontre de l’Inde.
Malgré le cessez-le-feu, l’Inde n’a pas encore réengagé sa participation au traité, indiquant une persistance des tensions sur ce front.
Par ailleurs, la perspective d’un conflit nucléaire hante la région. Jusqu’alors, la menace nucléaire jouait un rôle de dissuasion dans les décisions de New Delhi.
Mais le Premier ministre Modi a récemment affirmé que l’Inde ne tolérerait aucun “chantage nucléaire” et qu’elle frapperait précisément les refuges terroristes, marquant un changement fondamental dans la posture des deux États.
Cette nouvelle dynamique augmente les risques d’escalade sous le seuil nucléaire, rendant la région plus que jamais un point de tension mondiale dangereux.
Une politique indienne plus ferme face au terrorisme
La déclaration de Modi selon laquelle l’Inde ne fera plus la distinction entre les groupes terroristes et les gouvernements qui les soutiennent marque une rupture.
Jusqu’ici, l’Inde ciblait officiellement les bases terroristes et évitait les installations militaires pakistanaises, mais cette nouvelle position implique une attribution directe de responsabilité à l’État pakistanais.
Les experts préviennent que cette confusion entre terroristes et autorités officielles augmente considérablement le risque de conflit armé.
Un analyste de l’International Crisis Group a souligné que, bien que le cessez-le-feu signé en 2003 le long de la Ligne de Contrôle soit resté globalement effectif jusqu’à récemment, la situation est désormais fragile.
La plus petite étincelle pourrait déclencher un conflit majeur, sans possibilités diplomatiques ni garde-fous, laissant la porte ouverte à des provocations extérieures pouvant aggraver la crise.