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Le 6 mai dernier, la Banque Royale du Canada (RBC), la plus grande institution bancaire du pays, a annoncé un revirement majeur dans sa stratégie en matière de finance durable. Elle a décidé d’abandonner un de ses engagements clés en faveur du climat et de suspendre la publication de ses rapports relatifs à ses avancées dans ce secteur, invoquant notamment de nouvelles réglementations liées à l’écoblanchiment.
Crédit photo : Dilok Klaisataporn / iStock
Abandon d’un objectif majeur de financement durable
Dans son dernier rapport sur le développement durable, RBC révèle avoir renoncé à son objectif initial de faciliter 500 milliards de dollars canadiens (environ 335 milliards d’euros) de financement durable. Cette décision fait suite à la découverte de failles dans la méthodologie utilisée pour mesurer cet engagement.
La banque cite également les récents amendements apportés à la Loi sur la concurrence, qui imposent des exigences strictes sur les déclarations environnementales, comme facteur ayant conduit à ce retrait.
Suspension de la divulgation de données clés
Par ailleurs, RBC a choisi de ne plus publier son ratio d’approvisionnement en énergie, un indicateur essentiel qui compare les financements alloués aux énergies fortement émettrices de carbone par rapport à celles à faibles émissions. Cette décision est également justifiée par les modifications législatives récentes exigeant la justification rigoureuse de toute déclaration environnementale.
L’année précédente, la banque s’était engagée à communiquer ce ratio sous la pression d’actionnaires, dont le fonds de pension de New York. De plus, RBC ne divulguera pas non plus ses progrès concernant son engagement de dédier 35 milliards de dollars canadiens (environ 23 milliards d’euros) aux énergies à faible teneur en carbone d’ici 2030.
Réactions officielles et justifications de RBC
Jennifer Livingston, vice-présidente en charge du climat chez RBC, a déclaré que la banque reste fière de ses efforts en matière climatique et de l’augmentation de ses financements en faveur des énergies à faibles émissions. Cependant, elle précise que la banque a choisi de ne pas dévoiler davantage d’informations externes.
Elle explique : « De récents amendements à la loi canadienne sur la concurrence limitent les informations que nous pouvons partager concernant certaines divulgations en matière de développement durable. »
Jennifer Livingston souligne également l’absence de méthodologies internationalement reconnues pour certaines mesures, ce qui complique leur communication externe. Elle ajoute : « Nous sommes déçus de ne pas pouvoir partager ces mesures publiquement, mais nous continuerons à les suivre et à les communiquer en interne afin d’évaluer nos progrès. »
Critiques et enjeux méthodologiques
Tanya Jemec, avocate spécialisée en finance et membre de l’association environnementale Ecojustice, nuance ces justifications. Selon elle, les dispositions relatives à l’écoblanchiment de la loi sur la concurrence ne prohibent pas les déclarations d’activités justifiées de manière adéquate.
Elle affirme par courriel : « Le refus de RBC de publier son ratio de financement énergétique indique un manque de confiance dans sa propre méthodologie. »
Elle précise que la méthodologie du ratio d’approvisionnement en énergie développée par BloombergNEF pourrait servir de référence. Selon ces standards, RBC figure parmi les banques les moins performantes à l’échelle mondiale dans ce domaine.
Adopter une telle norme permettrait à RBC de répondre aux exigences canadiennes en matière d’écoblanchiment, mais exposerait également ses résultats médiocres.
Une démarche jugée préoccupante par les défenseurs du climat
Richard Brooks, directeur des finances climatiques chez Stand.earth, considère ce retrait d’informations comme un recul décevant et inquiétant de la part de la plus grande banque canadienne.
Selon lui, cette décision démontre qu’une action plus ferme de la part des autorités est nécessaire pour faire avancer l’agenda climatique.
« RBC fait un pas en arrière, donc à mon avis, cela signifie que le premier ministre Mark Carney doit franchir un pas en avant et reconnaître que les mesures volontaires ne suffiront pas et que la réglementation doit être accélérée », déclare-t-il.