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Plus d’une dizaine de députés français de gauche se sont rendus samedi à Sétif, en Algérie, pour commémorer la répression sanglante des manifestations indépendantistes du 8 mai 1945, un événement marquant de la mémoire coloniale franco-algérienne.
Un hommage au mémorial de Saâl Bouzid
La délégation parlementaire, dont faisait partie Sabrina Sebaihi, députée Europe Écologie-les Verts, a déposé une gerbe de fleurs au mémorial dédié à Saâl Bouzid. Ce militant anticolonialiste est la première victime de ces manifestations pacifiques, tué par la police coloniale française alors qu’il brandissait un drapeau algérien.
« Nous sommes un groupe d’élus qui travaillons activement sur la question mémorielle et sur la reconnaissance des massacres du 8 mai 1945. Nous avons demandé au président Macron de les reconnaître comme un crime d’État », a déclaré Sabrina Sebaihi.
La députée a souligné « une vision commune de la relation franco-algérienne : le dialogue, la reconnaissance et le respect », après un accueil chaleureux par le ministre des Moudjahidines, le wali et le maire de Sétif.
Danielle Simonnet, une autre députée de gauche présente, a qualifié cette commémoration d’« émouvante » et insisté sur la nécessité que la France reconnaisse ces massacres comme des crimes d’État.
Les massacres du 8 mai 1945 : un bilan tragique
Le 8 mai 1945, alors que la France célébrait la victoire sur le nazisme, des manifestations indépendantistes éclatèrent à Sétif, Guelma et Kherrata dans l’est de l’Algérie. Ces rassemblements, considérés comme le premier acte majeur du mouvement pour l’indépendance algérienne, furent violemment réprimés par les forces coloniales françaises.
Le bilan reste controversé : selon les autorités algériennes, 45 000 personnes auraient été tuées, tandis que les estimations françaises oscillent entre 1 500 et 20 000 victimes.
Ces événements tragiques surviennent après l’assassinat de Saâl Bouzid, un militant pacifique, et entraînèrent des émeutes qui firent 102 victimes européennes. Les forces coloniales répondirent par une répression sanglante qui s’étendit jusqu’à la fin juin 1945.
Une demande de reconnaissance officielle
Pour Toufik Khadim, député algérien, « la France officielle doit reconnaître les crimes qu’elle a commis et sa responsabilité dans ces massacres ». La question mémorielle reste un enjeu central dans les relations entre les deux pays.
Lors de la cérémonie, de nombreux habitants de Sétif se sont rassemblés pour assister au dépôt de gerbes. Le long de la rue où Saâl Bouzid est tombé, le drapeau algérien flottait partout et des chants patriotiques résonnaient via des haut-parleurs.
Salim Ayadi, un jeune Algérien de 26 ans, a exprimé son émotion : « C’est beau de voir que, 80 ans après ce massacre, des Français exigent de leur gouvernement qu’il reconnaisse les crimes commis par leurs aïeux contre nos ancêtres désarmés et innocents. »
Il a rappelé que ces manifestants étaient venus célébrer la fin de la Seconde Guerre mondiale tout en réclamant l’indépendance de leur pays, refusée par le système colonial qui a choisi de réprimer cette aspiration dans le sang.
Contexte diplomatique tendu entre Alger et Paris
Cette commémoration intervient dans un contexte de tensions diplomatiques entre Alger et Paris, notamment autour du renvoi de ressortissants algériens jugés indésirables en France, ainsi que de la détention depuis plusieurs mois à Alger de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal.
Jeudi dernier, des milliers d’Algériens ont manifesté à Sétif pour réclamer la reconnaissance officielle par la France de ses crimes coloniaux. Pour Sabrina Sebaihi, « il n’y a qu’avec le dialogue que l’on pourra avancer sur toutes ces questions. »