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Des mutations génétiques prédisent l’apparition de l’Alzheimer

by Sara
Des mutations génétiques prédisent l'apparition de l'Alzheimer

De récentes recherches publiées dans la revue Molecular Neurodegeneration ont mis en lumière le rôle prédictif de mutations dans trois gènes responsables de la maladie d’Alzheimer familiale. En analysant comment ces mutations modifient la production des peptides amyloïdes beta dans le cerveau, les scientifiques ont découvert que chacune agit comme une horloge moléculaire, influençant ainsi l’âge d’apparition des symptômes. Ces avancées offrent une meilleure compréhension de la maladie et pourraient aider les cliniciens à estimer plus précisément le début des troubles tout en développant des traitements ciblés.

Des mutations génétiques au cœur de la maladie d’Alzheimer précoce

La majorité des cas d’Alzheimer surviennent de manière sporadique chez les personnes âgées, mais une petite proportion héritent de mutations génétiques qui garantissent presque systématiquement une démence à début précoce. Ces formes familiales sont généralement associées à des mutations dans l’un des trois gènes suivants : PSEN1, PSEN2 ou APP. Les personnes porteuses de ces mutations développent habituellement les premiers symptômes avant 65 ans.

Étudier ces cas familiaux permet aux chercheurs de mieux comprendre les mécanismes biologiques responsables de la maladie et offre des pistes pour des interventions potentielles.

Le rôle des mutations sur la production d’amyloïde beta

L’équipe dirigée par la professeure Lucía Chávez Gutiérrez au sein du VIB-KU Leuven avait déjà démontré que les mutations dans le gène PSEN1 influençaient le moment d’apparition des symptômes via leur effet sur la gamma-sécrétase, un complexe enzymatique.

Cette enzyme transforme la protéine APP en fragments appelés peptides amyloïdes beta, qui s’accumulent ensuite sous forme de plaques dans le cerveau, une caractéristique majeure de la pathologie d’Alzheimer.

Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont étendu leur analyse aux mutations dans PSEN2 et dans la région transmembranaire du gène APP, afin d’étudier si des mécanismes similaires peuvent prédire le début des symptômes.

Analyse biochimique des mutations et prédiction de l’âge d’apparition

Les scientifiques ont examiné 28 mutations dans PSEN2 et 19 mutations dans APP, incluant des mutations pathogènes ainsi que d’autres dont l’impact est incertain ou bénin. Ces mutations ont été introduites dans des modèles cellulaires afin de mesurer leur effet sur la production des peptides amyloïdes beta.

L’attention s’est portée sur le ratio entre les peptides courts, moins toxiques, et les peptides longs, plus nocifs. Ce ratio est déterminant dans la formation et la vitesse d’accumulation des plaques amyloïdes dans le cerveau.

Les résultats sont frappants : pour PSEN2 comme pour APP, une modification accrue vers la production de peptides toxiques est corrélée à un âge d’apparition des symptômes plus précoce. Cette relation est linéaire, ce qui signifie que de petites variations dans l’équilibre des peptides permettent de prédire des changements significatifs dans l’âge d’apparition.

Différences entre les mutations PSEN1, PSEN2 et APP

Bien que les mutations des trois gènes perturbent la production des peptides de façon similaire, l’âge d’apparition des symptômes varie :

  • Les mutations PSEN2 se manifestent en moyenne 27 ans plus tard que celles de PSEN1.
  • Les mutations APP retardent l’apparition des symptômes d’environ 8 ans comparé à PSEN1.

Ces différences pourraient s’expliquer par les fonctions distinctes de ces protéines dans les cellules cérébrales et leur localisation spécifique.

Variabilité dans l’âge de début et facteurs modificateurs

Dans certains cas, l’âge d’apparition prédit par les ratios de peptides ne correspondait pas aux observations cliniques, surtout chez les porteurs de mutations PSEN2 et APP. Certains individus présentaient des symptômes bien plus tôt ou tard que prévu, ce qui suggère l’influence d’autres facteurs génétiques ou environnementaux.

Par exemple, au sein de certaines familles, des membres portant la même mutation montraient des débuts de symptômes décalés de plusieurs décennies. Ces variations pourraient indiquer l’existence de modificateurs protecteurs ou aggravants, encore mal compris mais potentiellement exploitables pour de nouvelles thérapies.

Un paradoxe dans les mutations PSEN1 particulièrement délétères

Un cas particulier concerne les mutations fortement inactivantes de PSEN1 qui, bien que causant un changement important vers la production de peptides toxiques, étaient étonnamment associées à un retard dans l’apparition des symptômes.

Ce paradoxe pourrait s’expliquer par une réduction globale du volume total de peptides produits, compensant ainsi partiellement les effets délétères. Cette découverte suggère que non seulement la qualité, mais aussi la quantité de l’activité enzymatique peut moduler la progression de la maladie.

Modèles prédictifs et limites actuelles

Les chercheurs ont développé des modèles basés sur les ratios de peptides pour estimer l’âge d’apparition selon chaque mutation, puis ont comparé ces prédictions aux données cliniques réelles.

Si ces modèles sont efficaces dans la plupart des cas, des écarts importants existent, indiquant que des mécanismes supplémentaires, tels que des variations dans l’expression génétique ou l’épissage de l’ARN, pourraient influencer la quantité de protéine mutée produite dans le cerveau.

Par exemple, certaines mutations de PSEN2 entraînent une moindre stabilité ou expression de l’allèle pathogène, ce qui expliquerait un retard dans le déclenchement des symptômes.

Rôle de l’agrégation des peptides dans le gène APP

Chez certains porteurs de mutations APP, outre l’altération du ratio des peptides, on observe une augmentation de la capacité des peptides à s’agréger. Cette tendance à former des amas pourrait accélérer la formation des plaques amyloïdes indépendamment des variations enzymatiques.

Ce mécanisme supplémentaire pourrait expliquer pourquoi certains patients développent des symptômes beaucoup plus tôt que prévu uniquement sur la base de l’activité gamma-sécrétase.

Un modèle unifié de la maladie d’Alzheimer familiale

En confrontant les données des trois gènes PSEN1, PSEN2 et APP, l’étude propose un modèle commun pour la maladie d’Alzheimer familiale. Tous montrent une relation linéaire entre les modifications moléculaires et l’âge d’apparition, mais avec des bases différentes selon l’importance de la contribution de chaque gène à la production des peptides amyloïdes beta.

Ces résultats suggèrent qu’un ajustement thérapeutique, même modeste, du ratio des peptides pourrait retarder significativement l’apparition des symptômes. Par exemple, une modification de seulement 12 % de ce ratio pourrait théoriquement repousser le début des troubles de cinq ans dans certains cas.

Perspectives thérapeutiques

Ces avancées ouvrent la voie à des traitements ciblés. Des modulateurs de l’activité de la gamma-sécrétase, favorisant la production de peptides plus courts et moins toxiques, sont en cours de développement. Ces médicaments pourraient ralentir ou prévenir la maladie chez les personnes à risque génétique élevé, voire chez un plus large public souffrant de formes sporadiques.

source:https://www.psypost.org/genetic-mutations-predict-alzheimers-onset-like-a-ticking-clock-study-finds/

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