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Marco : la fausse mémoire d’un homme face à la Shoah

par Sara
France, Espagne

Marco, une énigme au cœur d’une sombre farce, navigue entre mensonge et vérité dans le film d’Aitor Arregi et Jon Garaño. Ce récit délicat met en lumière l’art ambigu du mensonge de celui qui présida l’association espagnole des victimes de la Shoah.

Un imposteur au visage humain

Enric Marco se présentait comme un survivant de la déportation nazie, affirmant avoir été interné au camp de concentration sous le numéro 6448. Considéré sans réserve, il s’engageait activement à transmettre la mémoire de cet épisode tragique dans les écoles, avec émotion et conviction. Son engagement semblait sincère, difficile alors de douter de son histoire.

Le film débute avec son voyage en Bavière, où il tente d’obtenir un certificat officiel de son internement à Flossenbürg. L’administration locale ne retrouve pourtant aucune trace de sa présence. Marco avance alors des explications confuses sur un changement de nom, tandis qu’un historien scrupuleux s’intéresse de près à ses déclarations. Sous la pression croissante et à l’approche d’une cérémonie commémorative où doit assister l’ancien président Zapatero, Marco se replie, évite les confrontations et ses collègues s’interrogent, choqués par ses contradictions.

La révélation d’une imposture

Ce récit mêle vérité et fiction, à la manière d’un conte borgésien. Initialement, Arregi et Garaño envisageaient un documentaire, mais face au refus de leur sujet, ils optèrent pour une fiction. Le vertige s’installe lorsque le romancier Javier Cercas, auteur du livre L’Imposteur, rencontre Marco, incarné par Eduard Fernández, dont le jeu reflète la complexité du personnage.

Est-il un cas pathologique, un mégalomane, ou simplement un conteur habile ? Les preuves s’accumulent contre lui, mais il nie obstinément, s’enfonçant dans ses contradictions. L’historien poursuit son enquête, approfondissant le mystère autour de cette fausse mémoire.

Les conséquences au sein de l’association

Les révélations bouleversent les membres de l’association, qui se détournent progressivement de Marco. La trahison est douloureuse, d’autant que le mensonge est d’une ampleur considérable. Malgré cela, Marco s’entête et prononce son discours lors de la cérémonie, mêlant pathétique et outrance, sans laisser de place au remords.

Le film intègre des images d’archives authentiques, montrant notamment que l’Espagne n’a pas été étrangère aux mécanismes du travail forcé similaires au STO français. Il brosse ainsi un portrait historique précis, offrant un contexte à cette affaire singulière.

Un personnage complexe et fascinant

Marco incarne un homme ordinaire au physique banal, qui aimait partager des moments simples avec ses amis, tout en recherchant l’attention et la reconnaissance. Sa capacité à raconter des histoires avec éloquence et passion est au cœur de son imposture. Jusqu’au bout, il restera fidèle à son mensonge, suscitant autant la pitié que la réprobation.

Cette sombre farce cinématographique rappelle l’affaire L’Adversaire d’Emmanuel Carrère, où la frontière entre vérité et fiction s’efface dans une histoire personnelle complexe. Arregi et Garaño nous offrent ainsi une réflexion profonde sur la mémoire, l’identité et la manipulation historique.

source:https://www.lefigaro.fr/cinema/notre-critique-de-marco-quand-un-homme-s-invente-un-passe-inspire-par-la-shoah-20250513

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