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La Ligue Anti-Diffamation (LAD), organisation juive américaine fondée en 1913, se présente comme un acteur majeur dans la lutte contre la diffamation et pour la justice civile. Initialement créée pour combattre l’antisémitisme, elle est aujourd’hui une force influente dans la politique américaine, notamment en soutenant fermement Israël.
Avec une présence nationale dotée d’environ 30 bureaux aux États-Unis, un siège à New York, ainsi que des représentants en Israël, à Rome et à Moscou, la Ligue exerce un rôle très actif auprès des gouvernements, médias, institutions éducatives et forces de l’ordre. Cependant, son engagement pro-israélien suscite des controverses liées à ses méthodes et à ses positions sur le conflit israélo-palestinien.
Origines et Fondation
Créée à Chicago par l’avocat Sigmund Livingston, soutenu par l’organisation B’nai B’rith, la Ligue Anti-Diffamation avait pour objectif primordial de combattre « l’antisémitisme » suite à l’affaire Leo Frank, un événement de 1913 marqué par une forte discrimination et un lynchage populaire aux États-Unis.
Les premières actions de la Ligue visaient à dénoncer les groupes racistes et à contrer les stéréotypes antisémites propagés dans les médias, le théâtre, le cinéma et la presse, tout en engageant un dialogue légal et éthique pour défendre la communauté juive.
Au fil des années 1920, son influence s’est accrue, conduisant notamment à la condamnation et à la fermeture du journal Derkborn Independent, accusé de propager des théories conspirationnistes antisémites avec le soutien du président Woodrow Wilson.
Face à la montée des mouvements fascistes aux États-Unis, comme le German American Bund, la Ligue a initié des campagnes de sensibilisation pour contrer ces menaces dans les années 1930.
Engagement en faveur des Droits Civiques
Après la Seconde Guerre mondiale, la Ligue devient un acteur important dans le combat pour les droits civiques aux États-Unis. Elle collabore avec d’autres organisations pour lutter contre la discrimination dans le logement, l’emploi et l’éducation.
- Participation active au soutien des lois sur les droits civiques de 1964 et sur le droit de vote de 1965.
- Défense de la séparation de l’Église et de l’État et protection des droits des minorités religieuses, en contestant notamment les quotas limitant l’admission des étudiants juifs dans certaines universités.
Elle joue aussi un rôle dans la lutte contre l’antisémitisme via des études et enquêtes sociologiques dès les années 1960, fournissant des données précieuses pour mesurer et dénoncer les préjugés antijuifs aux États-Unis.
Combat contre l’antisémitisme et éducation
Jusqu’aux années 1970, la Ligue concentre ses efforts sur la surveillance des organisations antisémites traditionnelles. Elle développe ensuite des programmes éducatifs sur l’Holocauste destinés aux écoles, universités, entreprises et forces de l’ordre.
Elle publie chaque année des rapports détaillés sur les actes antisémites, incluant violences, intimidations et menaces, devenant une référence importante pour les médias et les autorités américaines.
Par ailleurs, elle participe à l’adoption du Hate Crime Statistics Act de 1990, qui oblige la documentation des crimes motivés par la haine raciale, religieuse ou liée à l’orientation sexuelle.
Soutien à Israël et controverse
La Ligue Anti-Diffamation soutient fermement l’occupation israélienne des territoires palestiniens, s’opposant vigoureusement à toute critique de la politique israélienne concernant la Cisjordanie et Gaza.
- Un employé anonyme a révélé en 2024 que la Ligue a un parti pris manifeste en faveur d’Israël et agit à réduire au silence les partisans des droits palestiniens.
- Depuis les années 1950, la Ligue mobilise son influence médiatique pour défendre Israël, renforçant encore son rôle dans les années 1970.
- Elle élargit le concept d’antisémitisme pour inclure la critique de la « politique sioniste », assimilant souvent opposition à Israël et antisémitisme.
Cette position l’a conduite à coopérer étroitement avec des groupes pro-israéliens religieux, notamment des évangéliques, soutenant leur appui sans réserve à Israël.
En 2002, Abraham Foxman, alors directeur de la Ligue, affirmait que les Juifs américains ne devaient ni s’excuser ni se défendre face au soutien évangélique.
La Ligue cible régulièrement les mouvements de solidarité palestinienne, les assimilant à des groupes radicaux, et s’attaque à diverses communautés, incluant Arabes américains, musulmans, Juifs libéraux et progressistes, ainsi que le mouvement Black Lives Matter.
Lors du sommet annuel 2022, le président Jonathan Greenblatt a qualifié les groupes pro-Palestine de « visage du radicalisme de droite » et promis de redoubler d’efforts contre eux, qualifiant certaines organisations pacifistes juives et musulmanes de « groupes extrémistes ».
Opposition aux mouvements de justice sociale
Si elle se présente comme une organisation de défense des droits civiques, la Ligue est souvent accusée de miner les luttes légitimes des communautés afro-américaines, immigrées, musulmanes, arabes et palestiniennes.
Son alignement pro-israélien est vu comme un abandon de sa mission originelle, brouillant la ligne entre critique légitime d’Israël et antisémitisme.
Elle entretient des tensions avec des groupes arabes, islamiques, des militants de la paix et des défenseurs palestiniens, donnant la priorité aux préoccupations israéliennes sur les droits humains.
- Soutien au régime d’apartheid sud-africain.
- Accusation de Nelson Mandela d’hostilité envers Israël et les États-Unis.
- Soutien aux opérations militaires israéliennes à Gaza.
- Renforcement de l’islamophobie et stigmatisation des communautés arabes aux États-Unis.
Elle a réprimé des mouvements anti-racistes et progressistes, y compris des leaders afro-américains.
En 2020, près de 300 organisations culturelles, progressistes et de justice sociale ont appelé à boycotter la Ligue à cause de son hostilité envers leurs mouvements et ses alliances avec la police et l’extrême droite.
Espionnage et surveillance illégale
Depuis les années 1950, la Ligue mène des activités d’espionnage au profit des forces de l’ordre américaines et du gouvernement israélien.
Un rapport du Washington Post de 1993 montre que la Ligue suivait diplomates et militants arabes aux États-Unis, partageant des informations avec Washington et Tel-Aviv.
En 1993, elle a fait l’objet d’une plainte collective et d’une enquête du FBI pour son réseau d’agents secrets échangeant régulièrement des renseignements avec la police fédérale.
Parmi les cibles figuraient plus de 10 000 américains, y compris des membres du Congrès, des militants arabes et des opposants à l’apartheid sud-africain.
Plus de 700 organisations de défense des droits humains et justice sociale ont aussi été sous surveillance.
La police de San Francisco a révélé la possession par la Ligue de documents obtenus illégalement, tels que dossiers juridiques confidentiels, rapports secrets, empreintes digitales et casiers judiciaires.
En 1999, une entente judiciaire a interdit à la Ligue d’utiliser ces méthodes illégales, mais l’organisation a continué ces pratiques, comme le montre une note interne de 2020 sur la surveillance d’activistes.
Crédibilité affectée
La Ligue Anti-Diffamation a lourdement souffert d’une perte de crédibilité en tant qu’organisation de défense des droits civiques, notamment en raison de son parti pris pro-israélien exacerbé lors des affrontements récents à Gaza en 2023.
En 2024, les éditeurs de Wikipédia ont majoritairement voté pour la suspension de la Ligue comme source fiable sur l’antisémitisme et le conflit israélo-palestinien, la jugeant partisan et manipulant la notion de haine envers les Juifs pour censurer toute critique d’Israël.
Le rapport annuel 2024 de la Ligue a recensé plus de 3 000 actes prétendument antisémites, dont une majorité liée à la guerre à Gaza, un chiffre largement débattu pour confondre antisionisme et antisémitisme.
Une analyse indépendante a souligné les failles méthodologiques de ces données, critiquant notamment la confusion systématique entre les deux notions.
Rôle de groupe de pression pro-Israël
La Ligue exerce une forte pression politique aux États-Unis, visant à faire adopter une définition restrictive de l’antisémitisme qui assimile critique d’Israël et haine anti-juive.
Elle cible notamment les groupes de défense des droits palestiniens, les mouvements étudiants et des organisations pro-palestiniennes juives, militantes ou antiracistes.
Elle soutient des initiatives législatives visant à réprimer le mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS), ce qui soulève des débats sur la liberté d’expression garantie par la Constitution américaine.
En 2024, la Ligue a contribué à l’adoption d’une loi encadrant la définition de l’antisémitisme, renforçant son pouvoir d’influence sur les contenus en ligne via des partenariats avec YouTube, Google, Twitter, Facebook et Microsoft.
Elle a aussi exercé des pressions pour l’interdiction de TikTok aux États-Unis, soulignant la non-suppression par la plateforme de contenus considérés comme antisémites, ce qui a eu un impact économique important sur ce réseau social.
Soutien à la militarisation de la police
Depuis 2004, la Ligue organise des programmes de formation conjointe entre la police américaine et l’armée israélienne. Des agents de forces de l’ordre américaines sont régulièrement envoyés en Israël pour recevoir un entraînement spécialisé, notamment en lutte anti-terroriste.
Le rapport de 2016 de la Ligue indiquait que toutes les grandes polices urbaines américaines ont participé à ce programme.
Après la mort de George Floyd en 2020, des discussions internes ont soulevé la question d’une possible aggravation de la brutalité policière liée à ces formations, sans que la Ligue ne mette fin définitivement à ce partenariat.