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Dans le nord de l’Europe, il suffit d’ouvrir ses volets pour constater les effets du changement climatique sur l’agriculture. Sécheresses, stagnation ou baisse des rendements sont des manifestations du réchauffement global qui s’intensifient d’année en année.
Des impacts déjà quantifiables
Dans sa dernière analyse annuelle, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) a signalé une diminution des stocks de poissons pélagiques, tels que la sardine et l’anchois. Ce phénomène est dû à plusieurs facteurs, notamment la surpêche, les pollutions et le réchauffement des eaux, qui a pour conséquence la réduction du zooplancton, aliment des sardines.
Depuis quinze ans, la taille moyenne des sardines a ainsi chuté, passant d’environ 15 cm à 11 cm. Cela entraîne des modifications dans la pêche : les conserveries doivent utiliser davantage de poissons pour remplir leurs boîtes, ce qui nécessite plus de main-d’œuvre.
Sur terre, la situation est tout aussi préoccupante. Une étude récente conduite par l’université de Stanford a révélé qu’au cours des cinquante dernières années, il y a eu une baisse globale des rendements agricoles de 1,2 %, avec des variations significatives selon les régions et les cultures. En particulier, la perte de rendement est de -3,6 % pour le blé, -4,2 % pour le maïs et -6,4 % pour l’orge, une tension biophysique amplifiée par la croissance démographique.
Bon pour la santé, bon pour la planète
D’ici à 2050, la demande alimentaire mondiale devrait augmenter de 70 % par rapport à 2006, alors que la population pourrait atteindre près de 10 milliards d’individus. Les émissions de gaz à effet de serre (GES) liées à l’agriculture et à l’agroalimentaire représentent actuellement 28 % des émissions mondiales.
Sans changement dans nos régimes alimentaires, la croissance démographique pourrait entraîner une augmentation des émissions de GES alimentaires de 80 % d’ici la fin du siècle, ce qui est incompatible avec les objectifs de l’accord de Paris de 2015.
Les scientifiques s’accordent à dire que modifier nos comportements vers des régimes plus durables est une clé essentielle pour la pérennité de notre système alimentaire. En effet, une alimentation riche en fruits et légumes et pauvre en produits carnés et transformés favorise la santé tout en réduisant l’impact sur l’environnement.
Une nouvelle répartition des terres
Dès 2020, un exercice de prospective mené par l’Inrae a envisagé comment une agriculture durable pourrait nourrir la planète. Cette étude a examiné les systèmes alimentaires de 21 régions du monde, établissant des projections basées sur la demande, les rendements agricoles et la disponibilité des terres cultivables.
A l’horizon 2050, pour une alimentation durable, il faudra moins de produits d’origine animale et plus de protéines végétales provenant de cultures agroécologiques à faible empreinte carbone. Ce changement nécessitera une répartition différente des terres cultivées.
Dans le scénario d’une stabilisation des apports caloriques dans les pays développés, avec une transition alimentaire dans les pays en développement, le besoin total en terres cultivées pourrait croître de 223 millions d’hectares. À l’inverse, une transition vers des régimes végétalisés entraînerait une diminution des besoins en terres cultivées en Europe de 50 millions d’hectares d’ici 2050 par rapport à 2010.
Cette réduction permettrait à l’Europe de mieux gérer ses surplus de terres et de diminuer sa dépendance aux importations d’oléoprotéagineux, contribuant ainsi à limiter la déforestation en Amérique du Sud.
Il est essentiel de mener des actions ciblées tant envers les consommateurs que pour réorienter la production agricole, afin d’assurer une alimentation saine, durable, locale et accessible à tous. La transformation de notre système agroalimentaire nécessite la levée de nombreux verrous, et ses retombées positives justifient un engagement fort en matière d’éducation à l’alimentation et de justice sociale.