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Le vendredi 27 juin dernier, les ministres des Affaires étrangères de la République démocratique du Congo (RDC) et du Rwanda ont signé un accord historique de paix et de réconciliation à Washington, sous l’égide complète des États-Unis. La cérémonie s’est déroulée au siège du département d’État américain, où Masad Paul, envoyé spécial du président américain, a annoncé qu’un accord final serait officiellement signé à la fin juillet, en présence des présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame, ainsi que du président Donald Trump à la Maison-Blanche.
Bien que Washington n’ait pas encore dévoilé tous les détails de cet accord entre ces deux ennemis historiques, les informations disponibles indiquent que l’accord prévoit :
- la cessation du soutien aux groupes armés actifs dans l’Est de la RDC ;
- la garantie des intérêts économiques et sécuritaires des deux pays ;
- l’arrêt des violences qui ensanglantent cette région riche en minerais rares depuis plus de trente ans.
Au-delà du contenu, cet événement marque un tournant majeur dans ce conflit sanglant prolongé à l’Est de la RDC et constitue un succès diplomatique important pour les États-Unis, qui n’avaient jusqu’ici pas réussi à résoudre ce dossier malgré l’implication de nombreuses puissances régionales et internationales.
La stabilisation de l’Est congolais entraînera une pacification de la région des Grands Lacs, instable depuis des années, tout en stimulant le développement et le dynamisme économique autour des ressources minérales, ce qui motive particulièrement l’engagement américain dans cet accord.
Le rôle central des États-Unis et la politique de Félix Tshisekedi
Les États-Unis n’ont pas commencé cette initiative à partir de zéro. Ils ont capitalisé sur plusieurs décennies d’efforts africains et internationaux, notamment les longues démarches de l’Angola au nom de l’Union africaine, les tentatives sud-africaines, les actions de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Est, et enfin l’initiative qatarie qui a réuni à Doha les présidents Tshisekedi et Kagame.
Cependant, les États-Unis ont su s’approprier cet héritage diplomatique pour parvenir à l’accord de Washington. Selon un proverbe africain, cette démarche est comparable à « lorsque les fourmis s’unissent, elles peuvent écraser l’éléphant ».
Face à une situation militaire difficile au Nord-Kivu depuis le début de l’année, avec la prise de Goma et Bukavu par le groupe rebelle M23 soutenu par le Rwanda, le président Félix Tshisekedi s’est retrouvé dans une position délicate.
- Soit négocier des concessions politiques avec le M23, ce qu’il refusait jusqu’alors.
- Soit risquer la perte totale du pouvoir, car le M23 pouvait s’avancer vers Kinshasa en suivant l’exemple de l’expansion de Joseph Kabila en 1995.
Dans ce contexte, Tshisekedi a approché les États-Unis avec une proposition séduisante : la paix et la sécurité dans l’Est de la RDC en échange de l’accès aux minerais précieux du pays. La Maison-Blanche, sous la présidence Trump, voyant un intérêt commercial, a accepté le pari, bien que certains détails restent encore inconnus.
Le corridor de Lobito : enjeu stratégique américain
La région des Grands Lacs est d’une importance capitale pour les États-Unis en raison de ses ressources naturelles abondantes, notamment les minéraux rares, et de sa proximité relative à travers l’océan Atlantique. Plusieurs visites récentes, dont celle du président Joe Biden en Angola et les nombreux déplacements du secrétaire d’État américain en Afrique australe et orientale, visaient à renforcer cette zone sous influence américaine.
Dans ce cadre, les États-Unis ont promu le projet économique ambitieux du « corridor de Lobito », une voie ferrée reliant l’Angola à la Zambie, puis à la RDC, avec un accès direct à l’Atlantique. Ce corridor a pour but principal de faciliter l’exportation des minerais précieux vers les États-Unis.
Ce projet se présente comme un concurrent direct de la « voie de la liberté » chinoise, un chemin de fer reliant la Zambie, la RDC et la Tanzanie jusqu’à la Chine via l’océan Indien. La Chine est le principal investisseur minier dans l’Est congolais avec des investissements dépassant six milliards de dollars.
Les opportunités offertes par l’accord de Washington
Un équilibre d’intérêts évidents lie les principaux acteurs de cet accord : les États-Unis et la RDC. Pour attirer le Rwanda, Washington a déployé une diplomatie combinant pression et concessions, assurant à Kigali des gains économiques significatifs.
Parmi les opportunités qui pourraient favoriser la réussite de cet accord figurent :
- Le poids politique considérable des États-Unis, qui utiliseront leur influence mondiale pour faire respecter les engagements pris.
- La pression internationale intense sur le Rwanda pour qu’il cesse son soutien aux groupes armés, dénoncé par plusieurs acteurs majeurs tels que la France, l’Union européenne et l’Afrique du Sud.
- La création d’un mécanisme conjoint RDC-Rwanda pour le suivi de la mise en œuvre de l’accord, avec la possibilité d’évoluer vers une force conjointe de surveillance des frontières.
- La mise en place d’un groupe de surveillance tripartite impliquant les États-Unis, le Qatar et l’Union africaine, garantissant le respect des engagements.
- Des avantages économiques pour le Rwanda, notamment l’autorisation d’exporter officiellement des minerais précieux et l’engagement d’investissements américains dans le secteur minier rwandais, dynamisant ainsi son économie.
Les défis majeurs à relever
Cependant, l’accord de Washington devra faire face à plusieurs obstacles qui pourraient compromettre ses bénéfices :
- La réticence possible des grandes entreprises américaines à investir dans une région à haut risque sécuritaire. Les entreprises chinoises, plus expérimentées dans ces conditions, ont subi de nombreuses attaques, mais ont continué leurs activités.
- L’absence d’un volet clair sur la gestion des groupes armés disséminés dans la région, un dossier actuellement suivi via les négociations qataries entre le gouvernement congolais et le M23, qui pourrait être intégré à l’accord en annexe.
- Le sort des forces du Front national de libération du Rwanda, que Kigali souhaite éliminer, et la nécessité potentielle de nouvelles rencontres médiatrices entre ces forces et le gouvernement rwandais.
- Le manque de précisions autour de l’accord sur les minerais entre la RDC et les États-Unis. Le président Tshisekedi a évoqué un avenir satisfaisant pour la population congolaise, protégeant les droits de l’État et des générations futures.
- La complexité de concilier les intérêts chinois, sud-africains, et américains présents dans la région minière du Kivu, sans déclencher un conflit d’influence prématuré.
- Les attentes fortes de la société civile locale et des partis politiques d’opposition, très actifs dans cette région.
Un succès diplomatique américain au détriment de la diplomatie africaine collective
Ce succès diplomatique américain dans la signature de l’accord de paix entre la RDC et le Rwanda représente une avancée majeure dans un conflit qui dure depuis plus de trente ans. La résolution de ce dossier apportera stabilité et prospérité à la région des Grands Lacs et à l’Afrique de l’Est dans son ensemble.
En revanche, la diplomatie africaine collective en sort affaiblie. Malgré trois décennies d’efforts, elle n’a pas su réunir les parties en conflit ni mettre fin à cette crise prolongée. Son rôle s’est limité à la simple présence et aux applaudissements lors de la cérémonie de signature à Washington, quitte à repartir les mains vides.