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Travailleurs des plateformes numériques en Jordanie : urgence de protection légale

by Sara
Travailleurs des plateformes numériques en Jordanie : urgence de protection légale
Jordanie

Le marché de l’emploi en Jordanie connaît une croissance rapide avec une dépendance croissante aux plateformes numériques comme source principale de revenus pour des milliers de jeunes Jordaniens. Cette tendance s’inscrit dans un contexte économique difficile marqué par un taux de chômage élevé et l’absence de cadres législatifs adaptés, laissant les travailleurs des applications mobiles hors de toute protection juridique et sociale. Cette situation les expose à l’exploitation et à une insécurité professionnelle accrue.

Emplois numériques en plein essor

Ces dernières années, le recours aux applications de transport intelligent a fortement augmenté, offrant des opportunités d’emploi avec des revenus attractifs, notamment pour les chômeurs et ceux cherchant à améliorer leurs conditions de vie face à la hausse du coût de la vie.

Les emplois numériques en Jordanie couvrent plusieurs secteurs :

  • Livraison de nourriture et de marchandises
  • Services de transport via applications mobiles
  • Travail à distance dans le domaine technologique, créatif et informatique

Cependant, en l’absence de contrats formels et de couverture par la sécurité sociale, ces travailleurs sont vulnérables aux licenciements arbitraires sans préavis ni compensation.

Précarité et absence de protections

Selon le Centre jordanien pour les droits des travailleurs, au moins 50 000 Jordaniens exercent des activités numériques telles que la livraison, le transport ou le travail freelance en ligne sans aucune garantie sociale ni système de protection, incluant l’assurance santé.

Une étude intitulée « Le travail sur les plateformes numériques en Jordanie » souligne que ces travailleurs manquent de structures syndicales ou organisationnelles pour défendre leurs droits ou négocier en leur nom. Cette lacune organisationnelle les rend plus vulnérables que les salariés des secteurs traditionnels.

L’étude, fondée sur des analyses juridiques et des comparaisons internationales, révèle que ce secteur représente un refuge essentiel pour des milliers de chercheurs d’emploi, mais qu’il souffre d’une absence de cadre légal efficace pour garantir leurs droits.

Le Centre estime que :

  • Environ 25 000 jeunes Jordaniens travaillent dans la livraison de commandes et de marchandises.
  • Entre 13 000 et 15 000 sont actifs dans le transport intelligent.
  • Entre 10 000 et 15 000 exercent des métiers numériques comme la programmation, le design ou la traduction, souvent sans aucune protection sociale ni affiliation syndicale.
13 000 véhicules licenciés en Jordanie opérés via 4 entreprises de transport intelligent

Nidal Assaf : Le gouvernement suit de près les activités des entreprises du secteur, avec environ 13 000 véhicules licenciés exploités par quatre sociétés agréées.

Une législation à la traîne

Le rapport indique que la loi du travail jordanienne n° 8 de 1996 ne définit ni n’encadre spécifiquement le travail via plateformes numériques. Elle suppose plutôt un travail supervisé directement par un employeur, ignorant les nouvelles formes de contrôle algorithmique exercées par ces applications.

Sur le plan économique, le Centre prévoit une augmentation de 60 à 80 % du nombre de travailleurs sur ces plateformes dans les cinq prochaines années, ce qui fera de ce secteur un pilier du marché de l’emploi jordanien.

Cependant, l’absence d’un cadre législatif approprié risque d’aggraver les problèmes liés à l’économie informelle et à l’absence de justice sociale numérique.

Le rapport appelle les autorités jordaniennes à s’impliquer activement dans les initiatives internationales, notamment celles de l’Organisation internationale du travail, pour adopter des conventions adaptées aux réalités du travail numérique et garantir une justice sociale élargie.

Initiatives de régulation et dialogue institutionnel

Nidal Assaf, responsable des applications intelligentes à l’Autorité de régulation du secteur du transport terrestre, souligne l’importance accordée à ce dossier. L’Autorité suit étroitement les performances des entreprises opérant dans le domaine, avec environ 13 000 véhicules agréés exploités par quatre sociétés.

Un projet majeur de connexion électronique est en cours pour renforcer la collaboration entre toutes les parties prenantes, améliorer le suivi des plaintes, fixer les tarifs des trajets, et répondre aux demandes des opérateurs. L’objectif est d’assurer un équilibre entre entreprises, chauffeurs et passagers, tout en empêchant les abus et monopoles.

Concernant les applications non autorisées, l’Autorité agit sur plusieurs fronts :

  • Mise à jour des cadres réglementaires
  • Contrôles renforcés
  • Coordination avec l’Autorité de régulation des télécommunications pour bloquer les applications illégales

Ces mesures visent à garantir une concurrence loyale, protéger les acteurs agréés et créer un environnement d’exploitation conforme aux réalités actuelles et en évolution.

Walid al-Masri demandant une législation pour les travailleurs des plateformes numériques

Walid al-Masri : Membre de la commission transport à la Chambre des représentants jordanienne, il insiste sur la nécessité de lois réelles pour encadrer la relation entre travailleurs et plateformes digitales et protéger toutes les parties concernées.

Selon Walid al-Masri, le dossier des applications intelligentes est crucial et incontournable à l’heure où le monde avance vers une digitalisation généralisée du travail. Il appelle à l’élaboration d’une législation claire qui garantisse les droits des travailleurs et régule le secteur.

De son côté, l’économiste Houssam Ayesh rappelle que l’absence de réglementation contraignante freine les investissements et fausse la concurrence entre plateformes autorisées et non autorisées. Il met également en garde contre les pertes fiscales importantes pour l’État liées à cette situation.

Perspectives incertaines pour les travailleurs

Mouayed Murad, 30 ans, livreur via une application populaire, appelle le gouvernement jordanien à renforcer son engagement envers les travailleurs des applications numériques, compte tenu de leur nombre croissant et de leur importance économique.

Il souligne que la majorité des livreurs sont des étudiants universitaires qui financent leur véhicule par des prêts bancaires à tempérament, et craignent d’être licenciés brutalement, notamment par des sociétés non agréées.

Un ingénieur électronique, souhaitant rester anonyme, explique qu’il travaille depuis plus de deux ans via des plateformes numériques dans le domaine de la programmation et du développement, mais se sent totalement dépourvu de sécurité d’emploi :

  • Absence de contrat clair garantissant ses droits
  • Aucune institution assurant la continuité de son travail
  • Les missions lui sont proposées de manière temporaire, sans préavis en cas de rupture
  • Pas de protection sociale, ni assurance santé ni indemnités en cas d’arrêt brusque

Bien que ce type d’emploi semble flexible et lucratif à court terme, il dépend entièrement des caprices des propriétaires d’applications, dans un vide législatif total.

source:https://www.aljazeera.net/ebusiness/2025/7/15/jordan-digital-platforms-legal-protection

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