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Israël a frappé le quartier général du ministère syrien de la Défense, situé à proximité du palais présidentiel dans la capitale Damas, marquant une escalade dramatique d’un nouveau front militaire dans la région. Cette action fait suite aux menaces d’Israël d’intervenir dans les affrontements entre les troupes gouvernementales syriennes et les combattants druzes dans la ville de Soueïda, dans le sud de la Syrie.
Le ministère syrien de l’Intérieur a annoncé mercredi un accord de cessez-le-feu à Soueïda. Le leader religieux druze, le cheikh Yousef Jarbou, a confirmé que la trêve prendrait effet immédiatement. Selon lui, cet accord vise à « cesser complètement toutes les opérations militaires à Soueïda par toutes les parties » et à « intégrer pleinement Soueïda dans l’État syrien ».
Des images diffusées montrent quatre explosions causées par des frappes israéliennes frappant les côtés du quartier général militaire syrien à Damas en début de journée mercredi, générant d’importants nuages de fumée. Une autre frappe aérienne a touché une zone proche du palais présidentiel.
Israël affirme mener ces frappes pour protéger la minorité druze syrienne, perçue comme un allié potentiel, et impliquée dans des affrontements avec les forces gouvernementales à Soueïda, un bastion druze. Cette communauté n’a toutefois jamais accueilli favorablement l’intervention israélienne.
Selon l’agence de presse officielle syrienne SANA, au moins trois personnes ont été tuées et 34 autres blessées dans ces attaques, d’après le ministère de la Santé.
Depuis Damas, la correspondante d’Al Jazeera, Zeina Khodr, a rapporté avoir assisté aux frappes sur le quartier général militaire, qui ont suivi des attaques israéliennes par drones quelques heures plus tôt. Elle a décrit le passage d’avions de guerre israéliens au-dessus de la capitale comme provoquant une panique généralisée.
Elle a souligné qu’il s’agissait d’une escalade majeure, Israël adressant un message clair aux nouvelles autorités syriennes : les frappes seraient intensifiées si le gouvernement ne retirait pas ses forces du sud de la Syrie.
Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a déclaré sur le réseau social X que « les avertissements à Damas sont terminés – des coups douloureux vont suivre ». L’armée israélienne a renforcé sa présence à la frontière syrienne et mené des frappes contre des convois militaires en mouvement vers le sud. Katz a ajouté que l’armée continuerait d’agir avec force à Soueïda pour détruire les forces responsables des attaques contre les Druzes jusqu’à leur retrait complet.
Effondrement rapide du cessez-le-feu initial
Les frappes israéliennes interviennent après la reprise des combats féroces à Soueïda, un centre important de la communauté druze, alors qu’un cessez-le-feu annoncé par le gouvernement syrien mardi s’était rapidement effondré.
Les responsables du ministère de la Défense syrien ont accusé des groupes « hors-la-loi » d’avoir rompu la trêve et attaqué les forces gouvernementales, lesquelles répondaient alors tout en prenant des mesures pour protéger les civils. Le ministère a assuré avoir ouvert des couloirs sécurisés pour permettre aux civils de fuir la ville.
Selon le correspondant d’Al Jazeera à Damas, Bin Javaid, au moins 70 personnes auraient été tuées dans les combats à ce jour, avec plus de 200 blessés selon des sources médicales locales.
Le Bureau syrien des droits de l’homme, basé au Royaume-Uni, fait état de plus de 250 morts mercredi matin, comprenant quatre enfants, cinq femmes et 138 soldats et membres des forces de sécurité. Il précise également qu’au moins 21 personnes ont été exécutées sommairement sur le terrain.
Une jeune femme de 20 ans, Evelyn Azzam, a confié à l’Associated Press depuis sa maison à Jaramana, près de Damas, craindre que son mari ait été tué par les forces de sécurité à Soueïda. Elle a raconté que lors d’un appel téléphonique, son mari, Robert Kiwan, a été arrêté et interrogé sur son affiliation à des milices druzes avant d’être blessé par balle à la hanche. Elle n’a depuis reçu aucune nouvelle de son état après son hospitalisation.
Chaos à la frontière
La violence a provoqué des scènes chaotiques le long de la frontière séparant le plateau du Golan, occupé par Israël, et la Syrie. Un grand nombre de Druzes israéliens se sont rassemblés, certains traversant la frontière pour soutenir les groupes druzes en Syrie, tandis que des centaines d’autres appelaient Israël et la communauté internationale à intervenir pour mettre fin aux violences.
Les forces israéliennes ont déclaré avoir identifié des dizaines de personnes tentant de franchir la frontière depuis la Syrie. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a directement demandé à la communauté druze israélienne de ne pas traverser la frontière, les avertissant des risques d’enlèvement et des perturbations des efforts militaires israéliens.
Les frappes aériennes israéliennes se poursuivent
En parallèle aux combats au sol, Israël a intensifié ses frappes aériennes. Selon la télévision publique israélienne Kan, près de 160 cibles ont été frappées en Syrie depuis mardi soir, principalement à Soueïda.
Zeina Khodr a expliqué qu’Israël exigeait le retrait des troupes syriennes pour créer une zone démilitarisée dans le sud, mettant les autorités syriennes face à un dilemme :
- Continuer à avancer et maintenir leur présence à Soueïda risque de provoquer davantage de frappes et de menacer leur pouvoir.
- Se retirer et céder aux exigences israéliennes serait perçu comme un échec dans leur tentative d’étendre leur autorité sur le pays.
La Syrie a condamné l’intervention israélienne, la qualifiant de violation du droit international, tout comme plusieurs pays arabes. Israël mène également régulièrement des frappes dans d’autres régions syriennes, ciblant des sites d’armes prétendument. Le gouvernement israélien rejette le nouveau gouvernement syrien formé par Ahmed al-Sharaa, le qualifiant d’ »extrémiste ».
Les États-Unis ont récemment levé la désignation de « organisation terroriste étrangère » du groupe Hayat Tahrir al-Sham (HTS), qui a formé ce nouveau gouvernement, marquant une évolution dans leur politique post-conflit en Syrie. Le secrétaire d’État américain Marco Rubio a exprimé sa « grande inquiétude » face aux frappes israéliennes sur Damas, indiquant que Washington travaille actuellement sur cette problématique.
Violences déclenchées par des abus et enlèvements
Les violences à Soueïda ont éclaté dimanche suite à une série d’enlèvements et d’attaques récentes entre tribus bédouines sunnites locales et groupes druzes armés, notamment l’enlèvement vendredi d’un commerçant druze. La population druze syrienne compte environ 700 000 personnes, avec Soueïda abritant la plus grande communauté. Les factions bédouines et druzes entretiennent un vieux conflit qui débouche périodiquement sur des affrontements.
Le correspondant Bin Javaid a souligné que la tension avait été exacerbée par la diffusion sur les réseaux sociaux d’images et récits de violences et d’abus, suscitant des réactions des deux côtés.
Depuis la chute de Bachar al-Assad, des inquiétudes demeurent sur les droits et la sécurité des minorités sous les nouvelles autorités, qui peinent à rétablir l’ordre dans le pays. L’analyste politique Samy Akil a expliqué que l’échec du gouvernement syrien à promouvoir un modèle politique inclusif, intégrant un véritable partage du pouvoir, est l’une des causes majeures des troubles actuels.
Les affrontements entre forces gouvernementales et combattants druzes en avril et mai ont fait des dizaines de morts. Des dirigeants locaux et religieux ont signé des accords visant à contenir la violence et à intégrer davantage les milices druzes dans les forces gouvernementales.
Les Druzes avaient formé leurs propres milices durant près de quatorze ans de guerre civile dévastatrice. Depuis la chute d’al-Assad, ils restent divisés quant à leur intégration au sein du nouveau gouvernement et des forces armées.
Rob Geist Pinfold, spécialiste de la sécurité internationale au King’s College de Londres, a indiqué qu’Israël collaborait étroitement avec un cheikh druze influent, Hikmat al-Hijri, acteur clé dans l’escalade à Soueïda après l’enlèvement initial de vendredi. Selon lui, ce sont les forces d’al-Hijri qui ont pris le contrôle de bâtiments gouvernementaux à Soueïda, ce qui a poussé Israël à intervenir pour défendre ce cheikh face aux services de sécurité syriens.
Pinfold a ajouté que la réponse israélienne démontrait le refus d’Israël de repartir sur de nouvelles bases avec le gouvernement syrien, préférant maintenir le statu quo par des frappes régulières et poursuivre sa politique de domination militaire prolongée et d’occupation de territoires syriens.