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Le lynx boréal, habitant discret des forêts jurassiennes, est-il menacé d’une nouvelle disparition sur le territoire français ? Présent principalement en Franche-Comté, où il s’est réinstallé dans les années 70 après sa réintroduction depuis la Suisse, ce plus grand félin sauvage d’Europe est en déclin depuis le Moyen Âge. Aujourd’hui, on ne compte plus que 120 à 150 spécimens, une situation alarmante en raison de la faible diversité génétique liée à l’isolement de ses congénères.
Danger d’extinction
Jean Nicolas, biologiste à l’Office français de la biodiversité (OFB) et responsable du programme Loup-Lynx, avertit : «Si rien n’est fait, la disparition du lynx en France est probable». Ce programme regroupe 5 000 membres, dont des naturalistes, chasseurs, et gestionnaires forestiers, qui collectent des données sur la population à l’aide de pièges photographiques et d’échantillons de poils. En 2024, une expertise scientifique menée par le Muséum national d’histoire naturelle et l’OFB estimait à environ 20 % la probabilité d’extinction de l’espèce d’ici la fin du siècle.
Menaces sur la population
Les routes du massif jurassien constituent le principal danger pour le lynx. Chaque année, entre 10 et 18 individus sont tués, et cette tendance est à la hausse, avec 11 décès survenus entre janvier et mai de cette année. Jean Nicolas souligne que «le réseau routier secondaire, dense et bordé de forêts, est particulièrement accidentogène». Les jeunes lynx, livrés à eux-mêmes après un an, sont les plus vulnérables lors de leur phase d’exploration.
Initiatives locales
Face à cette situation, le maire de Sombacour, dans le Doubs, a pris des mesures en installant quatre panneaux de signalisation non homologués pour alerter les automobilistes. Il déclare : «Il faut marquer les esprits», soulignant l’importance de la vigilance.
Un plan national pour la coexistence
Un plan national d’actions (PNA), lancé en 2022, vise à «améliorer la coexistence entre lynx et activités humaines». En cinq ans, le ministère de la Transition écologique a alloué un budget d’un peu plus d’un million d’euros pour diverses actions, y compris des aménagements routiers et la formation d’agents pour enquêter sur les morts suspectes.
Problématiques de réintroduction
La réintroduction du lynx constitue un sujet sensible. L’animal suscite des craintes similaires à celles générées par d’autres grands carnivores comme l’ours brun et le loup gris. Jean Nicolas souligne que sans acceptation sociale, surtout de la part des agriculteurs et des chasseurs, les efforts de réintroduction risquent d’échouer.
Conflits avec l’élevage
Un rapport de la Commission des finances de 2022 a attribué entre 46 et 102 attaques de chèvres et de brebis au lynx chaque année entre 2010 et 2020. En 2023, ce chiffre s’élève à 132. Guy Scalabrino, référent au syndicat agricole FNSEA, indique que des attaques non comptabilisées pourraient être bien plus nombreuses. La FNSEA a accepté de participer au plan national à condition qu’aucune réintroduction ne soit effectuée.
Une cohabitation possible
Thibault Powolny, directeur technique à la Fédération de chasse du Doubs, constate que moins de 7 % des chasseurs de son département ont soutenu une pétition pour le déclassement du statut de protection du lynx. Il conclut que «le lynx n’est pas un concurrent» et que cohabiter est possible. Pour sa survie, un lynx doit chasser environ 50 chevreuils par an, alors que les chasseurs en ont prélevé près de 600 000 durant la saison 2020-2021.
Avenir incertain
Le prochain plan national pourrait intégrer des mesures de réintroduction, selon la Dreal de Franche-Comté. Le consensus politique et social est essentiel pour la réussite de ce plan. Sarah Pierre de la Dreal souligne que le sort du lynx soulève des questions plus larges sur la place de la faune sauvage dans nos vies.