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À travers sa guerre implacable contre Gaza, Israël a causé la mort de plus de 59 000 Palestiniens et blessé 143 000 autres. Des centaines de milliers de personnes sont poussées à une faim forcée, résultat direct du blocus imposé à l’enclave et de son système de distribution militarisé.
Au cours des dernières semaines, plus de 100 Palestiniens, dont 80 enfants, sont morts de faim.
Quel que soit son objectif final, selon les analystes, Israël a poussé la population de Gaza à un point de rupture.
« La politique israélienne a rendu Gaza inhabitable », déclare Derek Summerfield, psychiatre basé au Royaume-Uni, spécialiste des effets de la guerre et des atrocités. « Cette politique a détruit l’idée même d’une société et toutes ses institutions, des universités aux hôpitaux en passant par les mosquées. C’est une guerre sociocide », ajoute-t-il, décrivant un conflit destiné à anéantir les structures sociales et le sentiment d’identité d’un peuple. « Les gens se retrouvent sans rien et ont l’impression de ne plus pouvoir continuer. »
Face à la constante menace de mort et à la dévastation totale de Gaza, de nombreux Palestiniens sombrent dans le désespoir. Certains tentent même de quitter temporairement la région à cause des horreurs vécues, dans un conflit qui pourrait durer des mois, voire des années.
D’autres s’accrochent à leurs foyers malgré l’aggravation de l’agression israélienne.
Famine à Gaza
La famine massive annoncée par les agences humanitaires est devenue une réalité pour les Palestiniens de Gaza. Les travailleurs humanitaires et les journalistes eux-mêmes rejoignent les rangs des affamés et des malnutris.
Mercredi, plus de 100 organisations d’aide ont publié une lettre ouverte appelant le gouvernement israélien à collaborer avec l’ONU pour permettre l’acheminement de l’aide à Gaza.
Al Jazeera a également lancé un appel pour protéger les journalistes piégés à Gaza, dont beaucoup ne peuvent plus assurer leur travail en raison de la faim intense et de la dégradation de leur santé. L’agence AFP a fait une demande similaire.
« La famine n’est pas seulement physique, elle est mentale », explique Alex de Waal, directeur exécutif de la World Peace Foundation à l’université de Tufts et auteur de nombreux travaux sur la famine.
- « Elle déshumanise et dégrade celui qui la subit. »
- « C’est l’expérience — puis le souvenir — d’avoir cherché de la nourriture dans les déchets et d’avoir tout fait pour survivre. »
- « Il faut se rappeler que la famine est un acte, souvent criminel, qui prend du temps. Ce n’est pas comme lâcher une bombe. Elle peut durer de 60 à 80 jours, et la semi-famine, comme celle observée à Gaza, peut durer encore plus longtemps. »
« Israël a reçu des avertissements clairs et sévères indiquant que ses actions conduisent à une famine de masse. Cela ne devrait surprendre personne. »
« Il ne s’agit pas seulement d’enfants affamés. C’est une stratégie visant à démanteler une société et à réduire ses habitants à des victimes désespérées et affamées », ajoute-t-il. « Cela pousse aussi l’agresseur à considérer les victimes comme déshumanisées, justifiant ainsi ses actes. »
Une stratégie d’anéantissement
Durant ces 21 mois de guerre, les dirigeants israéliens ont maintes fois affirmé que leur objectif était de « vaincre le Hamas » et de libérer les otages détenus dans le territoire.
Pourtant, à chaque nouvelle offensive, ses détracteurs à travers le monde l’accusent soit d’ignorer sciemment les conséquences humanitaires de ses actions, soit de punir activement les Palestiniens en les soumettant à la faim.
« Je ne sais pas si l’on peut appeler cela une stratégie », déclare Yossi Mekelberg, chercheur principal associé à Chatham House.
« Je ne sais pas ce qui est planifié, ce qui est tactique, cynique, opportuniste ou simplement de l’incompétence. Tout dépend du point de vue. »
Mekelberg décompose les factions influentes sur la politique israélienne :
- Des ministres ultranationalistes aux ambitions messianiques, comme Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich, qui souhaitent expulser les Palestiniens de Gaza et de la Cisjordanie ;
- Un établissement sécuritaire divisé entre ceux favorables à la poursuite ou à l’arrêt de la guerre ;
- Enfin, les cyniques et opportunistes, incarnés par Benjamin Netanyahu et ses partisans, pour qui tout est une question de politique et de survie personnelle, Netanyahu étant actuellement jugé pour plusieurs accusations de corruption.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu est jugé pour corruption pendant une grande partie de la guerre à Gaza.
L’héritage de la destruction
Les conséquences des actions israéliennes à Gaza perdureront pendant des générations, selon les analystes.
Les survivants porteront les cicatrices de cette guerre, ainsi que leurs descendants. Quant à ceux qui partiront, ils ne seront probablement pas autorisés à revenir.
« Israël a adopté une stratégie ces dernières semaines qui rend Gaza intolérable, incapable de soutenir la vie humaine », explique Mouin Rabbani, coéditeur de Jadaliyya.
« En réduisant les conditions de vie à un tel niveau tout en augmentant le chaos et l’anarchie dans Gaza, l’idée est que les habitants partent. »
Une fois forcés de quitter leur terre, que ce soit par la situation imposée par Israël ou via une entrée unidirectionnelle vers ce que les ministres israéliens appellent une « ville humanitaire » — souvent dénoncée comme un camp de concentration par ses détracteurs — située à la frontière égyptienne, ils ne pourront pas revenir, précise Rabbani.
Depuis le début de l’offensive israélienne sur Gaza en octobre 2023, presque aucun jour ne passe sans que cette guerre ne fasse la une des médias.
Ces dernières semaines, à mesure que la famine et l’ampleur de la destruction quasi totale s’aggravent, l’inquiétude internationale grandit également.
Cependant, malgré les protestations et des négociations de cessez-le-feu supposées en cours, la guerre israélienne ne montre guère de signe de ralentissement.
La population de Gaza se retrouve ainsi, selon les mots de Derek Summerfield, condamnée à « errer dans Gaza, affamée, seule et traquée ».
Palestiniens, majoritairement des enfants, se pressant pour recevoir un repas chaud dans une cuisine caritative à Mawasi, Khan Younis, le 22 juillet 2025.