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Le rap français face à la politique : un engagement en recul ?

by Sara
France

Le rap français semble s’éloigner des formes d’engagement politique visibles dans les années 1990 : si les plus gros vendeurs ont souvent du succès grâce à des textes dépolitisés, les récits portés par les artistes les plus populaires et par les ateliers de rap amateur conservent, eux, un fort engagement militant.

État du rap français aujourd’hui

Loin des artistes engagés des années 1990, la scène commerciale du rap connaît un virage dépolitisé, est-il observé. Les « gros vendeurs » du genre trouvent leur public avec des morceaux moins explicitement politiques, mais cela ne signifie pas l’absence totale de discours social dans les paroles ni l’effacement des préoccupations collectives.

Au contraire, selon les constats rapportés, le terrain — ateliers, scènes locales, pratiques amateures — continue de produire des textes et des récits très ancrés dans des réalités sociales et politiques. Ces espaces permettent notamment d’aborder les trajectoires, les violences et les humiliations qui traversent certains quartiers ; ils tiennent lieu de lieu d’expression et d’apprentissage pour des jeunes qui n’accèdent pas toujours à la scène commerciale.

Allen Akino et les ateliers d’écriture près de Marseille

Atelier de rap à Martigues animé par Akino

Allen Akino, trentenaire, est rappeur et chanteur. Son parcours professionnel — albums, duos avec IAM, collaborations avec Jul et textes pour de nombreux artistes — le place déjà parmi les « anciens » de la scène. Chaque semaine, il anime des ateliers d’écriture au sein de structures sociales près de Marseille, notamment dans la cité Notre‑Dame‑des‑Marins, à Martigues (Bouches‑du‑Rhône).

Lors d’une session décrite sur place, le défi proposé aux jeunes est simple : composer un scénario, une histoire en seize mesures. Akino lance la piste instrumentale et insiste sur la nécessité de donner du sens au récit plutôt que de se contenter d’un cliché de réussite facile. « Un pauvre qui devient riche, il faut expliquer ce qu’il s’est passé », explique-t‑il, en amorçant l’exercice.

Ils sont une dizaine d’adolescents dans la salle, tous habitants du quartier. La présence d’un journaliste étonne les jeunes, qui s’interrogent sur la nature du média présent :

« Le Monde, c’est quoi ? Vous êtes sur Insta ? »

Après une heure de travail collectif, tous, sans exception, imaginent un personnage enrichi par le trafic de drogue. Les mots et les images choisis par les jeunes évoquent les lieux et les stigmates d’un parcours douloureux :

« La chaise/La geôle/Marbella. »

Les lignes conservées des improvisations montrent une conscience critique des conséquences personnelles et sociales de ces voies :

« Il a niqué sa vie à vendre 100 g au lycée »

« DPJJ [direction de la protection judiciaire de la jeunesse] / J’ai failli rater ma vie »

Ces ateliers, tels que menés par Akino, mettent en lumière une double réalité observable dans le rap contemporain : la nette diminution, dans une partie du marché grand public, des prises de position politiques explicites, et la persistance, dans les pratiques collectives et locales, d’un engagement raconté à travers les trajectoires individuelles et les mémoires de quartier.

Pour les animateurs comme pour les participants, l’écriture reste un outil d’analyse et de transmission des expériences. Les sessions insistent sur la nécessité de contextualiser les récits — expliquer les causes et les conséquences — plutôt que de se limiter à des images de réussite ou de violence sans perspective.

source:https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/08/15/le-rap-francais-est-il-encore-politique_6629679_823448.html

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