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Cédric Sapin-Defour signe avec Où les étoiles tombent un récit intime où se mêlent amour et résilience : après un succès inédit en 2023, l’écrivain raconte l’accident grave de sa femme et le long chemin de reconstruction qui a suivi, entre soins intensifs, neurochirurgie et retrouvailles avec la vie quotidienne.
Cédric Sapin-Defour : du dico impertinent au succès populaire
Qui, en 2014, aurait pu prédire que l’alpiniste et écrivain Cédric Sapin-Defour connaîtrait un jour un tel succès ? Cette année-là, il publie chez un petit éditeur un Dico impertinent de la montagne. Il se spécialise ensuite dans la littérature post-Frison-Roche : tous parus chez Paulsen, Gravir les montagnes est une affaire de style (2017), Les Sept Vies de François Damilano (2018), Espresso (2019) et Double Espresso (2020) rencontrent chacun seulement quelques milliers de lecteurs.
L’auteur décolle en 2023 avec Son odeur après la pluie, son fameux livre sur son bouvier bernois, vendu à 650 000 exemplaires en additionnant le grand format, le poche et l’adaptation en bande dessinée. Mais les « décollages trop spectaculaires s’accompagnent parfois de crashes douloureux » : c’est tout le sujet de son nouveau récit, Où les étoiles tombent, qui prolonge son travail sur la montagne par une exploration intime de la chute et de la reconstruction.
Le récit de l’accident et le long rétablissement
Le vendredi 12 août 2022, jour de la tentative d’assassinat au couteau dont est victime Salman Rushdie aux États-Unis, un autre drame survient dans une vallée de la province de Bolzano, en Italie. Cédric Sapin-Defour et sa femme Mathilde s’élancent en parapente ; cette dernière chute d’une centaine de mètres, se brisant onze vertèbres au passage. Soins intensifs, service de neurochirurgie, puis transfert vers Grenoble : l’auteur décrit station par station le chemin de croix de son épouse.
À moitié paralysée sur son lit d’hôpital, Mathilde n’est plus qu’une « mosaïque d’ecchymoses bleues, jaunes et violettes » pesant une quarantaine de kilos. Son crâne rasé découvre une « énorme balafre » – pour sauver sa vie, il a fallu lui ouvrir la tête en urgence. Peu à peu, au fil des semaines et des mois, la rescapée reprend des forces et retrouve des sensations : elle se reconstruit et, miracle, se remet à marcher, en véritable Lazare des sports extrêmes.
Humilité et humanité traversent le texte : Sapin-Defour note dans les (superbes) dernières pages du livre que « A la faveur de l’épreuve et de ses abrasions, on fait connaissance avec soi-même et ce n’est pas la plus anodine des rencontres. » L’auteur parvient à éviter les clichés sur la résilience ; surmonter une telle catastrophe est aussi, pour lui, « une affaire de style ».
Il y a des moments de grâce et de quotidien brutal : avant l’accident, Mathilde se pinçait le ventre en disant qu’elle devrait arrêter la bière et le saint‑marcellin. Dans l’hôpital, Sapin-Defour écoute Harvest de Neil Young et cite Francis Cabrel ; il ne cherche pas à prendre des poses snobs et évite les envolées verbeuses qui alourdissent certains récits prétendument chics parisiens. L’épreuve donne au texte une simplicité qui côtoie parfois des images poétiques, épurées et évocatrices.
Un passage met en lumière la manière dont l’accident a altéré la mémoire de Mathilde et la responsabilité nouvelle que cela fait peser sur son mari : « Je suis triste que tu aies perdu notre première nuit, les cerfs du Chatelet, les vagues à la Conche et le soleil levant sur la Kuffner. Ces instants, nous les disions inoubliables. » Maintenant que Mathilde a égaré ces moments partagés, conférant à ces souvenirs le statut de « pastilles pour le cœur », il revient à son mari de la guider vers leur passé et leur avenir, en lui tenant la main tout au long de ce chemin.
La pudeur et l’émotion se mêlent encore lorsque les parents de l’auteur viennent soutenir le couple : « Nous avons un peu hésité puis nous nous sommes pris dans les bras très fort. C’était modeste et puissant comme dans un film de Ken Loach. Dans leurs yeux, je revenais des tranchées. » Ces lignes illustrent l’équilibre du récit entre douleur, tendresse et solidarité familiale.
Un hymne à l’amour et réception éditoriale
Où les étoiles tombent est enfin — et peut‑être surtout — un hymne à l’amour. Cédric et Mathilde se sont rencontrés en l’an 2000 et ne se sont plus quittés. Dans des pages vibrantes, l’auteur chante l’inaltérable félicité conjugale qui les unit, une fidélité qui tranche avec la place faite aujourd’hui aux passions tristes et au ressentiment dans une partie de la littérature contemporaine.
Avec un premier tirage de 90 000 exemplaires, Où les étoiles tombent est annoncé comme un des événements de la rentrée littéraire. Le livre devrait intéresser les lecteurs sensibles aux univers de Sylvain Tesson et de Jean‑Marc Rochette, tout en parlant aussi à ceux qui avaient été touchés par Le Lambeau de Philippe Lançon. En librairie comme en haute altitude, l’ouvrage confirme que l’œuvre de Cédric Sapin-Defour continue de trouver un large écho.
Où les étoiles tombent, par Cédric Sapin-Defour. Stock, 396 p., 22,50 €. Parution le 13 août.