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La guerre d’extermination et de privation qui vise la bande de Gaza entre dans sa deuxième année, tandis que la Cisjordanie et Jérusalem occupées subissent une campagne ciblée et accélérée. Dans ce contexte, l’autorité palestinienne annonce des « étapes de réforme », dont l’appel à des élections du Conseil national avant la fin de l’année, mais ces initiatives soulèvent des interrogations sur leur portée réelle face à l’occupation.
Contexte et enjeux
La situation sur le terrain est marquée par une progression de la confiscation des terres, une imposition de la souveraineté israélienne et une recomposition du paysage politique palestinien.
Les promesses internationales en faveur de la solution à deux États n’ont pas été traduites en décisions contraignantes sur le terrain. Par conséquent, la légitimité et la capacité d’action de l’autorité palestinienne sont aujourd’hui mises à l’épreuve.
Questions clés posées aux dirigeants palestiniens
Les débats publics et l’analyse d’experts s’articulent autour de plusieurs questions précises :
- Quelles sont les options de l’autorité palestinienne pour contrer les plans d’extermination à Gaza et les projets d’annexion en Cisjordanie ?
- Quels sont les objectifs réels des « étapes de réforme » annoncées, et que signifient les conditions imposées aux candidats aux élections du Conseil national ?
- La dissolution volontaire de l’autorité peut-elle servir de levier politique pour pousser la communauté internationale à agir ?
- Quelles priorités opérationnelles doivent être retenues aujourd’hui : unité nationale, résistance, actions diplomatiques ou maintien des structures existantes ?
Synthèse des analyses d’experts
Les experts consultés convergent sur plusieurs constats et recommandations, tout en différant sur les moyens à privilégier.
- L’autorité a adopté une posture de neutralité pour éviter un coût jugé inabordable, une approche perçue comme erronée face aux objectifs actuels de l’occupation.
- Elle dispose toutefois d’options importantes, notamment le renforcement de la front interne palestinienne et l’unification des positions politiques.
- Le défi posé à l’autorité est existentiel : il porte non seulement sur l’efficacité de ses fonctions traditionnelles, mais aussi sur la légitimité de sa survie dans sa forme actuelle.
- La stratégie dominante a été d’« absorber » les pressions par la diplomatie et d’éviter la confrontation directe, tout en brandissant la « résistance populaire » sans lui donner une force structurée.
- L’annonce d’élections du Conseil national est perçue comme une réponse aux pressions internationales visant à recadrer et à réhabiliter l’autorité pour la « nouvelle phase » à venir.
- La nature de la guerre actuelle est vue par certains comme une tentative de redéfinir la question palestinienne, passant d’un projet de libération nationale à une crise humanitaire et démographique organisée.
- Plutôt que la dissolution, la priorité recommandée est la transformation des fonctions de l’autorité pour restaurer son rôle fondateur : préparer les structures d’un État par le renforcement institutionnel et le développement.
Positions et observations détaillées d’experts
Plusieurs spécialistes ont analysé les décisions et les limites de l’autorité palestinienne depuis le 7 octobre et au cours des deux dernières années de guerre.
Hani al‑Masri souligne que l’autorité s’est tenue à l’écart des combats et des initiatives susceptibles de renforcer la résilience palestinienne. La convocation d’élections du Conseil national porte des conditions incompatibles avec la liberté compétitive et risque d’exclure de larges pans de la société.
Selon lui, l’objectif devrait être de renforcer la « front intérieur » et d’ouvrir des espaces politiques — y compris pour les résistants — afin d’unifier la position palestinienne face aux projets d’annexion.
D’après Dr Hassan Khreisheh, l’autorité a choisi la prudence sous des prétextes variés (incapacité, accords préexistants, risque de basculer la Cisjordanie dans la même situation que Gaza). Ces justifications ont été fragilisées par l’évolution sur le terrain.
Il préconise la mobilisation populaire, l’autorisation effective de l’action résistante et des dialogues inclusifs pour unifier la démarche nationale, plutôt que des mesures administratives filtrantes.
Dr Awad rappelle que l’ensemble des efforts diplomatiques antérieurs a été dépassé par les événements. Il appelle à une approche renouvelée centrée sur la permanence sur le terrain, des outils nouveaux pour la résistance civile et la reconstruction d’une organisation de représentation crédible.
Débat sur les élections du Conseil national
L’annonce d’élections est perçue par certains comme une réponse aux pressions internationales visant à recadrer l’autorité pour de nouveaux rôles.
Toutefois, l’imposition de conditions — adhésion au programme de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et à la légalité internationale — est vue comme une exclusion de fait de nombreux acteurs politiques, ce qui risquerait d’affaiblir la représentativité du scrutin.
- Les opposants au calendrier électoral estiment que la priorité doit rester l’arrêt de la guerre, l’aide humanitaire et la protection contre l’expansion coloniale.
- Certains craignent que l’appel aux élections ne soit qu’une manœuvre pour reconduire des élites en place ou pour satisfaire des exigences étrangères.
- La tenue d’un vote libre et complet paraît irréaliste dans des conditions où Gaza et Jérusalem sont exclus ou difficilement accessibles.
Sur la question de la dissolution de l’autorité
La dissolution volontaire de l’autorité est débattue comme levier de pression politique, mais elle comporte des risques importants.
Plusieurs spécialistes estiment que dissoudre l’autorité sans plan alternatif clair pourrait nuire davantage au peuple palestinien, en ouvrant la porte à des intermédiaires ou structures substitutives favorables à l’occupation.
L’option privilégiée par de nombreux intervenants est la transformation fonctionnelle de l’autorité : recentrer ses missions sur les services publics, le développement institutionnel et la préparation d’un cadre d’État, tandis que l’OLP serait rénovée comme référent politique unificateur.
Priorités opérationnelles recommandées
Les experts proposent un ensemble d’actions politiques et pratiques à court et moyen terme :
- Faire de l’arrêt de la guerre contre Gaza et de l’acheminement de l’aide humanitaire une priorité nationale et diplomatique.
- Renforcer la présence et la résilience sur le terrain en soutenant mouvements populaires, syndicats et comités locaux.
- Rétablir et démocratiser les organes de représentation (OLP, syndicats, unions professionnelles) sur des bases inclusives.
- Lancer une réforme institutionnelle via une instance de redressement (par ex. une autorité de réforme) qui préparerait des élections larges et crédibles ultérieures.
- Internationnaliser les actions juridiques contre les crimes de l’occupation, en privilégiant la voie judiciaire et diplomatique non négociable.
Perspectives et urgence
Le temps presse : la recomposition de la réalité territoriale et politique risque d’encercler toute possibilité d’État si les réponses restent cosmétiques.
L’autorité palestinienne, pour rester pertinente, doit passer d’un rôle gestionnaire et attentiste à un rôle moteur et structurant, orienté vers l’unité politique, la défense des droits et la protection des populations.
À défaut d’un vrai projet national partagé et d’outils renouvelés, les risques de fragmentation et d’effacement progressif de la cause nationale s’accroissent.
Enjeux pour l’unité palestinienne
L’unité politique et sociale reste un impératif, non comme panacée mais comme condition minimale pour résister à la fragmentation orchestrée.
La recomposition implique :
- La construction d’un programme politique national et mobilisateur.
- La démocratisation des institutions représentatives.
- La conjonction d’efforts diplomatiques, juridiques et populaires pour faire pression sur l’occupation.
Conclusion opérationnelle
Les avis concordent sur la nécessité d’un changement : soit l’autorité se transforme et se recentre sur des fonctions de construction nationale et de service, soit son maintien risque d’être vidé de son sens politique et stratégique.
Les premières étapes recommandées incluent l’arrêt immédiat de l’agression sur Gaza, la coordination nationale pour la protection des territoires en Cisjordanie et Jérusalem, la revitalisation des mouvements populaires et syndicaux, et l’ouverture d’un large chantier de reconstruction de la représentation palestinienne.
Dans ce contexte, l’« autorité palestinienne » demeure un acteur central : sa capacité à se réinventer déterminera en grande partie l’avenir du projet national palestinien.