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Course aux missiles Inde-Pakistan : la Chine dans le viseur stratégique

by Sara
Inde, Pakistan, Chine

L’Inde a annoncé le 20 août le lancement réussi de l’Agni‑V, un missile balistique à portée intermédiaire, depuis un site d’essai d’Odisha, sur la côte est de la baie du Bengale.

Long de 17,5 mètres et pesant 50 tonnes, l’Agni‑V peut emporter plus d’une tonne de charge nucléaire ou conventionnelle. Sa portée de plus de 5 000 km et sa vitesse hypersonique en font l’un des missiles balistiques les plus rapides et redoutables au monde.

Le test de l’Agni‑V et son calendrier

Le tir intervient une semaine après l’annonce pakistanaise de la création d’un nouveau Army Rocket Force Command (ARFC), mesure présentée par Islamabad comme destinée à combler des lacunes révélées pendant le conflit de quatre jours en mai.

Pour les analystes, le calendrier du test était toutefois significatif. Il s’agit du dixième essai de l’Agni‑V depuis 2012 et du premier depuis mars dernier.

Le lancement a précédé immédiatement le voyage du Premier ministre indien Narendra Modi en Chine pour le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), au moment où Delhi et Pékin connaissent un léger dégel après des années de tensions frontalières.

Un message moins pour le Pakistan qu’à la Chine

Plusieurs experts estiment que le véritable destinataire du message indien n’est pas tant le Pakistan que la Chine. La portée de l’Agni‑V place la plupart de l’Asie — y compris le nord de la Chine — et des portions de l’Europe à portée.

Manpreet Sethi, chercheuse au Centre for Air Power Studies à New Delhi, a déclaré qu’« exigence d’un missile de longue portée, mais non intercontinental, découle de la perception de menace vis‑à‑vis de la Chine ».

Christopher Clary, professeur à l’Université d’Albany, estime pour sa part que, « bien que l’Agni‑V puisse être utilisable contre le Pakistan, sa mission principale viserait la Chine », en particulier la côte est chinoise où se trouvent ses centres économiques et politiques.

Cette dynamique illustre la complexité des relations entre les deux pays les plus peuplés du monde : rapprochement diplomatique ponctuel, mais maintien d’une posture de dissuasion élevée.

Avantage militaire de l’Inde sur le Pakistan

Lors des affrontements de mai, l’Inde a reconnu la perte d’un nombre non précisé de chasseurs, mais a infligé des dégâts importants aux bases militaires pakistanaises, notamment grâce aux missiles de croisière supersoniques BrahMos.

Les BrahMos peuvent emporter jusqu’à 300 kg de charge nucléaire ou conventionnelle, volent bas en suivant le relief et atteignent des vitesses qui les rendent difficiles à intercepter.

Pour beaucoup d’experts, cela signifie que le test de l’Agni‑V ne s’inscrit pas directement contre l’ARFC pakistanais, mais s’inscrit dans une stratégie de dissuasion à longue portée ciblant prioritairement la Chine.

Course aux missiles en Asie du Sud

Inde et Pakistan enrichissent progressivement leurs arsenaux. Islamabad a mis en avant le Fatah‑4, un missile de croisière d’environ 750 km de portée, capable de porter des charges conventionnelles ou nucléaires.

Delhi, de son côté, développe l’Agni‑VI — attendu avec une portée supérieure à 10 000 km et la capacité MIRV (têtes multiples ciblables indépendamment) — et intègre déjà la technologie MIRV dans certains modèles d’Agni.

Les missiles MIRV augmentent fortement le potentiel destructeur en permettant à un seul vecteur de frapper plusieurs cibles distinctes.

  • Les capacités SLBM (missiles balistiques lancés depuis sous‑marin) font également l’objet de démonstrations technologiques en Inde.
  • Certains experts estiment qu’avec différentes configurations, l’Inde pourrait déployer plusieurs centaines de têtes nucléaires sur sa flotte de SSBN au cours de la prochaine décennie.
  • Le Pakistan ne dispose pas de missiles à très longue portée ni de sous‑marins nucléaires comparables : son missile balistique opérationnel le plus long, le Shaheen‑III, atteint 2 750 km.

Tughral Yamin, ancien brigadier pakistanais, rappelle que les priorités stratégiques divergent : « le programme pakistanais est centré sur l’Inde et de nature défensive, tandis que l’Inde projette une ambition de puissance au‑delà du sous‑continent ».

Réactions et inquiétudes internationales

Les ambitions pakistanaises ont attiré l’attention internationale : un responsable de la Maison‑Blanche a qualifié fin 2024 la montée en puissance des capacités de missile pakistanaises « d’émergence de menace » pour les États‑Unis si la tendance se poursuivait.

Par contraste, l’essor des capacités indiennes est perçu différemment par Washington et ses alliés, qui voient souvent Delhi comme un « fournisseur net de sécurité » en Asie et encouragent son renforcement stratégique.

Ashley J. Tellis (Carnegie Endowment) note que l’Inde vise à pouvoir atteindre autant la Chine que le Pakistan, tandis que le Pakistan développe des capacités destinées à dissuader et à répondre aux menaces régionales.

Certains observateurs relèvent aussi que la perception américaine a varié selon les administrations. Les récentes politiques commerciales et diplomatiques influent sur la manière dont les capacités militaires régionales sont interprétées et acceptées.

Images

Visualisation des capacités et des démonstrations militaires présentées par les deux pays.

Carte interactive : missiles Inde-Pakistan, août 2025

Exposition de défense au Pakistan : missile Hatf‑IV présenté

Perspectives

La course aux missiles entre Inde et Pakistan s’inscrit désormais dans une dynamique régionale plus large, où la Chine joue un rôle central dans les perceptions de sécurité de Delhi.

Essentiels pour comprendre cette évolution :

  • les progrès technologiques accélèrent la portée et la létalité des systèmes de missiles ;
  • les choix politiques et diplomatiques régionaux influencent la tolérance internationale face à ces développements ;
  • la présence de capacités MIRV et SLBM modifie l’équilibre stratégique et la stabilité à long terme en Asie du Sud.

Le contexte géopolitique reste donc marqué par une course aux armements dont la Chine, le Pakistan et l’Inde sont au cœur, et qui continuera d’impacter la sécurité régionale.

source:https://www.aljazeera.com/news/2025/8/28/india-pakistan-missile-race-heats-up-but-china-in-crosshairs-too

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