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Guyana: élection sous tension et enjeux pétroliers et routiers

by charles
Guyana

À l’approche de l’élection présidentielle au Guyana, les enjeux économiques liés au pétrole et un vaste projet d’infrastructures dominent les débats, tandis que les habitants attendent les retombées potentielles d’une liaison routière Linden-Lethem jusqu’au Brésil. Le contexte est marqué par des promesses de croissance et des défis logistiques qui pourraient remodeler la vie quotidienne.

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À Georgetown, pétrole et route d’envergure nourrissent le scrutin

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Dans ce pays où la manne pétrolière façonne les perspectives, les partisans et les opposants s’appuient sur des chiffres et des projets pour tracer le chemin économique. Le ministre des Travaux publics, Juan Edghill, affirme que «La route de Linden (au sud de Georgetown) à Lethem va changer la donne du Guyana en 2050, 2030… Cette route nous connectera (…) au nord du Brésil. Un marché de 20 millions de personnes, 20 fois la population du Guyana. Vous comprenez l’importance pour l’industrie, le commerce…», explique à l’AFP le ministre des Travaux publics Juan Edghill. «Elle sera connectée du côté du Guyana au port en eau profonde de Palmyra» (au nord-est, près de la frontière avec le Suriname), en construction, précise-t-il. «Le Brésil va importer et exporter à travers ce port. Il leur faut 21 jours pour descendre l’Amazone et acheminer les marchandises jusqu’à un port. Avec la route, ils pourront atteindre un port en 48 heures», ajoute-t-il, insistant sur l’importance du projet pour l’ensemble du Guyana.

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Un observateur avisé, ne voulant pas être cité, souligne qu’il sera aussi possible d’acheminer plus facilement troupes et matériel militaire dans la zone, et notamment vers l’Essequibo. La route doit en effet désenclaver cette région riche en pétrole et en minerais, longtemps délaissée par les pouvoirs publics, alors que le Venezuela qui la revendique se fait plus pressant. «L’Essequibo fait partie du Guyana», a répété M. Edghill.

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\nVue d'une route au Guyana près de Linden et Lethem\n
La route Linden–Lethem, au cœur du projet d’infrastructures guyanais.
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La route Linden-Lethem, promesse de désenclavement et défis locaux

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Le projet, décrit comme le plus grand chantier d’infrastructure jamais entrepris par le Guyana, vise à désenclaver une région riche en pétrole et en minerais et à rapprocher l’intérieur du pays des marchés brésiliens. Divers témoignages de riverains et de commerçants illustrent l’objectif ambitieux, mais aussi les interrogations liées au coût, à la durée et aux réajustements possibles.

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«Ruff rider» («Conducteur rugueux»), est-il écrit sur un camion. La Trail est une torture pour les hommes et les mécaniques. Certaines ne résistent pas aux 15 heures de trajet. Ici, le chauffeur d’un minibus de passagers guyaniens et cubains tente de réparer une courroie qui a lâché. Là, un camion abandonné rouille sur le bas-côté depuis des lustres. Torse nu, Ramdial Metleash, 27 ans, dégouline de sueur dans la cabine de son grumier. «C’est un travail dur. Nous, camionneurs, on est loin de la maison, des semaines loin de chez nous sur la route. Souvent, vous êtes bloqués (…) par la boue, parfois plusieurs jours. Pendant la saison des pluies, la route devient très mauvaise. Horrible!», confie-t-il. Quand il fait sec, ce sont des nuages de poussière qu’il faut avaler. M. Metleash gagne environ 60 000 dollars guyaniens (250 euros) par voyage. Une rémunération qui lui sert à entretenir sa famille – sa sœur et son neveu. Sa rémunération dépend du nombre de voyages. «Je travaille sur des camions depuis que j’ai 15 ans. Regardez comme je suis… Ma vie n’a pas beaucoup changé» avec le pétrole, dit-il, montrant son pantalon troué.

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À Bonfim, Marckley Nascimento Richil, 46 ans, vendeur ambulant, pense que la route va augmenter le nombre de ses clients et «apporter du progrès».

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«On ne peut pas combattre le progrès. C’est la vie. Cela va apporter du bon et du mauvais», philosophe Michelle Fredericks, 53 ans, propriétaire d’un snack près du passage de la barge à Kurupukari.

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Le futur pont va passer à l’emplacement de son commerce, qui sera déplacé – et va surtout cesser d’être une pause obligatoire. «C’est bon pour le pays. Cela va apporter du développement qu’on attend depuis des années. Moi, je vais me réorienter vers le tourisme», dit la patronne. Elle accueille déjà dans des cabanons sur une petite île féerique des touristes guyaniens et étrangers aimant la pêche et les balades en forêt. «Avec la route, ils seront à quatre heures de Georgetown au lieu de neuf», explique-t-elle.

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A une centaine de kilomètres de là, sur la piste à Toka, Telford Davis élève des porcs qu’il vend au Brésil. «La vie est bonne», assure-t-il, malgré une pauvreté visible. «Tout est gratuit ici. Vous n’avez pas à dépenser d’argent. Vous attrapez du poisson. Nous plantons du manioc. Nous chassons avec des chiens, et un arc et des flèches. Du cerf, du daim, (…) le cabiai» (un gros rongeur), raconte-t-il. À 50 ans, chapeau sur la tête, un couteau attaché sur chaque jambe, il se déplace à moto ou à cheval. «Je sais lancer les couteaux», plaisante-t-il à propos de la route qui pourrait apporter des «fainéants voulant voler».

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«Je suis un cow-boy!» plaisante-t-il.

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