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Élections en Syrie : 4 obstacles majeurs au conseil populaire temporaire

by Sara
Syrie

La majorité des Syriens attend la formation du conseil populaire temporaire dont les deux tiers des membres seront élus de manière indirecte entre le 15 et le 20 septembre. Ces élus seront choisis par des organes électeurs constitués par la Commission supérieure des élections, tandis que le président Ahmed al‑Shar‘a nommera le tiers restant.

Pour beaucoup, le souvenir d’un parlement muet sous l’ancien régime pèse sur les attentes : un organe perçu comme une chambre d’approbation plutôt qu’une assemblée représentative. À l’inverse, la mémoire collective conserve aussi l’image d’un parlement actif durant les premières décennies après l’indépendance.

Objectif du conseil populaire temporaire

L’objectif affiché de cette instance est de combler le vide législatif né après la chute du régime le 8 décembre 2024.

Plusieurs mesures antérieures ont accentué ce vide : la dissolution du précédent conseil le 29 janvier, la fin du rôle du parti Baas, l’annulation du texte constitutionnel et le démantèlement de factions armées et des structures sécuritaires.

La création d’un conseil provisoire vise aussi à donner une couverture légale à la transition et à relancer la vie parlementaire attendue par une grande partie de la population.

Quatre obstacles majeurs aux élections en Syrie

Organiser des élections générales libres et complètes en Syrie se heurte à des contraintes multiples. Les principaux obstacles identifiés sont :

  • Une phase transitionnelle marquée par une grande fragilité sécuritaire, rendant long et complexe le processus d’élections générales.
  • La division du territoire : des portions importantes du nord‑est et du sud du pays échappent encore à l’autorité centrale.
  • L’absence d’un recensement national fiable et l’existence d’environ un tiers des Syriens (près de sept millions) vivant à l’étranger comme réfugiés, exilés ou migrants.
  • Le manque d’un cadre légal et logistique pour organiser des scrutins dans les pays d’accueil, dans les camps de déplacés et pour garantir des conditions de sécurité suffisantes.

Ces difficultés expliquent en grande partie le recours à des mécanismes temporaires pour les élections.

Cadre électoral temporaire et règles

Le décret présidentiel fixant le système électoral provisoire prévoit un total de 210 sièges au conseil populaire.

La candidature est limitée aux membres des organes électeurs approuvés figurant dans les listes finales, et le candidat doit déclarer qu’il n’exerce aucune autre fonction publique, hormis l’enseignement universitaire.

La Commission supérieure des élections a adopté des formulaires unifiés pour les candidatures, renforçant l’aspect administratif et organisationnel du processus.

Répartition des sièges et supervision

Les sièges sont répartis entre les gouvernorats selon la population, avec au minimum une représentation d’un siège par circonscription.

La Commission supérieure est chargée de la supervision totale du processus, y compris la gestion des commissions locales et la mise en place des mesures visant à garantir « la liberté, l’intégrité et la transparence » du scrutin.

Conditions d’éligibilité et exclusions

Le décret énonce plusieurs conditions restrictives pour les candidats :

  • Interdiction de se porter candidat pour le conseil provisoire à toute personne qui s’est présentée à une élection présidentielle après 2011.
  • Exclusion de ceux qui ont été membres ou candidats au précédent conseil après 2011, sauf preuve d’une rupture avec l’ancien régime.
  • Interdiction des partisans de l’ancien régime, des promoteurs de la sécession, des personnes accusées de collusion à l’étranger et des membres d’organisations qualifiées d’extrémistes.
  • Interdiction pour les militaires, les membres des services de sécurité, les ministres, gouverneurs, leurs adjoints et assistants de se porter candidats.

Ces critères visent à encadrer la composition du nouvel organe mais soulèvent des interrogations sur l’inclusion et la représentativité.

Report des scrutins dans trois gouvernorats

La décision de reporter les élections dans les gouvernorats de Raqqa, al‑Hasakah et as‑Suweïda — soit près de 10 % des sièges — a suscité un vif débat.

La Commission supérieure a proposé trois alternatives : permettre le vote en dehors de ces gouvernorats, confier des sièges à la nomination directe présidentielle, ou laisser les sièges vacants jusqu’à ce que les conditions soient réunies.

Les autorités temporaires justifient le report par des raisons sécuritaires, mais l’argument dépasse souvent le seul aspect sécuritaire et touche aussi au refus, par certaines forces locales, de reconnaître l’autorité issue de la transition.

Réactions des forces locales

Les dirigeants des Forces démocratiques syriennes (FDS) et de l’Administration autonome ont dénoncé leur mise à l’écart, estimant que le report constitue une remise en cause des négociations et un retour à une impasse.

Dans as‑Suweïda, le groupe du cheikh Hikmat al‑Hajri ne reconnaît pas l’autorité de la nouvelle administration et a même réclamé la sécession, allant jusqu’à proposer un rattachement à Israël, ce qui a créé une fracture profonde avec la majorité de la population locale.

La présence de milices imposant leur loi rend l’organisation du scrutin impossible dans certaines zones contrôlées par des forces de fait.

Critères de succès et attentes

Il est encore prématuré de juger l’expérience du conseil populaire provisoire, dont l’efficacité dépendra de la capacité à faire élire des personnalités compétentes et intègres.

Le critère essentiel sera l’aptitude du nouvel organe à refléter la diversité des composantes sociales syriennes et à garantir l’accès des talents et des compétences à la représentation nationale.

Le succès exigera également un cadre légal clair pour la vie politique et l’ouverture d’un dialogue national en vue d’un consensus sur les caractéristiques de l’État futur, fondé sur la citoyenneté égale.

Un pas vers la normalisation politique

Recourir à des élections, même sous une forme indirecte et temporaire, montre la volonté d’organiser la scène politique et d’ouvrir la voie à une représentation institutionnelle.

Ce processus doit cependant être la première étape d’un chemin plus long : l’élaboration d’une nouvelle constitution et la tenue d’élections générales et libres qui permettent à chaque Syrien d’exercer pleinement son droit civique.

La transition réussie dépendra de la capacité des autorités et de la société à assumer une responsabilité nationale partagée et à bâtir un modèle civil et inclusif pour l’avenir de la Syrie.

Rappel historique

La première expérience parlementaire syrienne remonte à 1919 avec le Congrès national syrien, puis le mandat français a interrompu ce processus en 1920.

La vie parlementaire reprit en 1923 et connut des phases importantes en 1936 et 1943, contribuant au mouvement pour l’indépendance. Après le départ des forces françaises, des élections eurent lieu en 1946.

Les périodes de coups d’État et d’autoritarisme ont en revanche suspendu ou déformé la représentation nationale, jusqu’à la transformation du Parlement en « conseil populaire » sous le régime Baas, devenu un instrument de contrôle et de redistribution des privilèges.

Perspectives

La Syrie traverse une phase transitionnelle sensible, mais l’opportunité existe de redonner au Parlement un rôle véritablement représentatif. Cela nécessite non seulement des institutions rénovées mais aussi un engagement collectif pour dépasser les héritages de l’ancien régime.

Si le conseil provisoire parvient à incarner une réelle diversité sociale et à préparer le terrain d’une constitution durable, il pourra constituer un pont vers des élections générales et une stabilité politique retrouvée.

source:https://www.aljazeera.net/opinions/2025/9/13/%d9%85%d8%a7%d8%b0%d8%a7-%d9%8a%d8%ad%d9%85%d9%84-%d9%85%d8%ac%d9%84%d8%b3-%d8%a7%d9%84%d8%b4%d8%b9%d8%a8-%d9%84%d8%b3%d9%88%d8%b1%d9%8a%d8%a7

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