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Journalistes soudanais à El-Fashir face au siège et à la violence

by Sara
Soudan

À El-Fashir, capitale du nord du Darfour, les journalistes soudanais vivent un siège étouffant imposé par les Forces du Soutien Rapide (RSF). Ils affrontent quotidiennement la violence, la faim, les arrestations arbitraires et des campagnes de harcèlement visant à réduire au silence les voix indépendantes, selon un rapport de la Committee to Protect Journalists (CPJ).

Un siège étouffant

Depuis le 10 mai 2024, les forces du RSF ont encerclé El-Fashir, malgré les alertes internationales sur le risque de voir s’y concentrer une catastrophe humanitaire. La ville est considérée comme un centre régional pour les opérations d’aide dans les cinq États du Darfour.

  • Des images satellite analysées par la faculté de santé publique de l’université Yale montrent des remblais et murs de terre érigés autour de presque toute la ville.
  • Les convois humanitaires sont bloqués, interceptés ou attaqués, et aucune aide internationale significative n’a atteint la population depuis plus de seize mois.
  • L’ONU a demandé la mise en place immédiate de couloirs sécurisés et d’une protection pour les civils d’El-Fashir.
Éléments ou véhicules des forces du Soutien Rapide aux abords d'El-Fashir
Eléments des Forces du Soutien Rapide aux abords d’El-Fashir (image publiée sur Telegram, 29 août).

Violences, arrestations et agressions sexuelles

Le CPJ a recueilli les témoignages de sept journalistes — présents aujourd’hui ou récemment à El-Fashir — qui décrivent des privations alimentaires extrêmes et des attaques continues alors qu’ils tentent de couvrir la situation.

  • Des journalistes rapportent des perquisitions nocturnes dans les quartiers, des listes d’informateurs locaux et des dénonciations visant à les identifier.
  • Plusieurs cas d’arrestations arbitraires, de tortures et de menaces ont été signalés par la CPJ.
  • Le Forum des journalistes du Darfour a documenté au moins six cas de viols commis contre des journalistes femmes depuis le début du conflit, dont quatre à El-Fashir.

Une journaliste a raconté avoir été agressée et violée collectivement par trois hommes armés après une descente dans son domicile en septembre. Elle affirme que l’attaque « n’était pas aléatoire » mais bien une punition liée à son travail. Elle n’a pu obtenir ni contraception d’urgence ni antibiotiques ni analgésiques, alors que les établissements de santé ont été largement détruits.

Conditions de travail et climat de peur

De nombreuses journalistes et journalistes ont été contraints d’arrêter leur activité, soit par peur des représailles, soit parce qu’ils étaient au bord de l’effondrement physique en raison de la faim.

  • Une journaliste, détenue 45 jours en avril-mai pour avoir couvert le siège, dit avoir subi coups, tortures et menaces visant à la faire cesser son travail.
  • Plusieurs témoins confient que des personnes de leur connaissance ont dénoncé des journalistes aux RSF, rendant la surveillance et la traque omniprésentes.
  • L’isolement de la ville — coupures d’électricité et d’internet — complique encore la collecte et la diffusion de l’information.

Nombreux sont ceux qui choisissent pourtant de rester pour continuer à relayer la voix des populations marginalisées. « La presse n’est pas qu’un métier, c’est un devoir », affirme un reporter, soulignant le risque assumé pour témoigner de la réalité locale.

La faim utilisée comme arme

Le CPJ et d’autres observateurs indiquent que la privation alimentaire est employée comme instrument de guerre à El-Fashir, à l’image de situations observées ailleurs. Des journalistes sont morts de faim sous le siège, selon les déclarations recueillies.

  • Depuis avril 2023, plus de 600 000 personnes ont fui la ville et les camps alentour.
  • La famine menace ceux qui sont restés : la moitié de la population soudanaise (environ 25 millions de personnes) souffre d’insécurité alimentaire.
  • Les marchés sont vides ; les rares denrées restantes atteignent des prix astronomiques.
Bénévoles soudanais préparent des repas gratuits pour des résidents d'El-Fashir
Bénévoles préparant des repas gratuits pour des habitants d’El-Fashir (photo AFP).

Les témoignages décrivent des familles se nourrissant d’aliments pour bétail, appelés « ambaz », transformés en bouillies contaminées, entraînant diarrhées sévères, malnutrition et cas d’empoisonnement. Les prix se sont envolés : le kilo de sucre peut atteindre 28 dollars, contre 2 dollars début 2023 ; certains produits comme la farine, le riz ou le lait en poudre dépassent 80 dollars le kilo.

Une journaliste résume l’impact moral et physique : « La faim est impitoyable ; elle nous a rendu faibles, nous a ôté la dignité, et parfois la capacité même de travailler sur le terrain. »

Impacts et appels à l’action

Les conditions à El-Fashir ont des conséquences directes sur la liberté d’informer et la protection des civils. Les pressions et violences subies par les journalistes privent la population d’informations essentielles et augmentent l’impunité.

  • La communauté humanitaire exprime la crainte d’une catastrophe alimentaire majeure et appelle à des passages sécurisés pour l’aide.
  • Les journalistes locaux continuent, malgré tout, d’essayer de documenter la réalité et d’alerter la scène internationale.
  • Nombre d’entre eux estiment que le silence mondial serait complice d’un « enterrement » progressif d’El-Fashir et de ses habitants.

Les récits collectés dépeignent une ville assiégée où le travail journalistique est rendu extrêmement dangereux, alors que la population lutte pour sa survie et pour que la voix d’El-Fashir soit entendue.

source:https://www.aljazeera.net/media/2025/10/2/%d8%b4%d9%87%d8%a7%d8%af%d8%a7%d8%aa-%d9%85%d8%b1%d9%88%d8%b9%d8%a9-%d8%b5%d8%ad%d9%81%d9%8a%d9%88%d9%86-%d8%b3%d9%88%d8%af%d8%a7%d9%86%d9%8a%d9%88%d9%86-%d9%81%d9%8a

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