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À Madagascar, des tensions majeures se prolongent autour des manifestations qui secouent Antananarivo et d’autres villes depuis fin septembre. Un contingent du CAPSAT, Corps d’armée des personnels et des services administratifs et techniques, a publié une vidéo appelant à désobéir et à refuser les ordres de tirer sur les manifestants. Dans la capitale et ailleurs, des milliers de personnes se sont réunies autour du lac Anosy et dans d’autres quartiers alors que les violences et les déploiements policiers se multipliaient. Le phénomène s’inscrit dans un contexte de craintes économiques et d’un pouvoir qui affirme vouloir rétablir l’ordre tout en promettant un dialogue.
À Antananarivo, des soldats appellent à refuser les ordres et à rejoindre les manifestants
Selon des rapports et vidéos diffusés samedi 11 octobre, des soldats du CAPSAT, stationnés sur la base de Soanierana en périphérie d’Antananarivo, ont lancé un appel à désobéir et à ne pas tirer sur leurs conciers. Dans la vidéo, ils prononcent: « Unissons nos forces, militaires, gendarmes et policiers, et refusons d’être payés pour tirer sur nos amis, nos frères et nos sœurs », et invitent leurs pairs à quitter leurs postes pour rejoindre les manifestants, notamment à Ivato et autour du lac Anosy. Les militaires soulignent que « les jeunes peinent à trouver du travail alors que la corruption et le pillage de la richesse ne cessent de s’accroître sous différentes formes ». Des véhicules chargés de soldats armés ont rejoint les manifestants qui scandaient des remerciements, selon des témoignages diffusés par l’AFP et d’autres agences.
En 2009, la base visée avait déjà été au cœur d’une mutinerie lors du soulèvement qui avait porté au pouvoir le président actuel. Des voix au sein du CAPSAT ont appelé à ne pas obéir aux ordres et à braquer les armes contre ceux qui les ordonneraient, car ce ne serait pas pour protéger leur propre famille que l’affrontement se mènerait, mais pour sauver la patrie, selon les témoignages publiés par l’AFP et relayés par d’autres médias.
Réactions officielles et contexte international
Le nouveau ministre des Armées, Deramasinjaka Manantsoa Rakotoarivelo, a appelé les troupes au calme lors d’une conférence de presse et a insisté sur le recours au dialogue. « Nous appelons nos frères qui ne sont pas d’accord avec nous à privilégier le dialogue », a-t-il déclaré. « L’armée malgache demeure un médiateur et constitue la dernière ligne de défense de la nation ». Par ailleurs, le Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Volker Türk, a demandé vendredi aux autorités malgaches de « cesser le recours à une force inutile », au lendemain de manifestations ayant fait de nombreux blessés parmi les contestataires, selon les rapports de l’ONU et des agences de presse.
Des vidéos montrant des scènes de violences policières ont circulé sur les réseaux sociaux, avec des images de personnes blessées ou laissées au sol, ce que des journalistes ont pu constater sur place. Le président Andry Rajoelina a, pour sa part, évoqué des chiffres « erronés » et a rejeté des pertes de vies importantes, estimant que les décès récents concernaient des « pilleurs, des casseurs ». Après avoir initialement adopté un ton concilient, le chef de l’État a durci le ton en nommant un militaire Premier ministre le 6 octobre et en nommant plusieurs ministres issus des forces de sécurité, une évolution qui témoigne d’une réorientation de la gestion du conflit intérieur.
Bilan et perspectives
Selon le Haut-Commissariat des Nations unies, au moins 22 personnes ont été tuées depuis le début des manifestations le 25 septembre et plus d’une centaine ont été blessées. Des sources affirment que les violences se sont intensifiées dans plusieurs villes, tandis que les acteurs politiques et militaires restent divisés sur la suite à donner à cette crise. Madagascar, l’un des pays les plus pauvres du monde, a connu de fréquents soulèvements populaires depuis son indépendance; l’ampleur et la dynamique actuelles marquent une étape nouvelle dans les rapports entre les forces de sécurité et les civils. Le président a annoncé une série de mesures gouvernementales et a insisté sur la nécessité du dialogue, mais les appels à la désobéissance au sein des troupes et la présence accrue des militaires sur le terrain compliquent les efforts de rétablissement de l’ordre et d’apaisement.