Home ActualitéPakistan et Taliban : vers un ‘New Normal’ face aux tensions frontalières

Pakistan et Taliban : vers un ‘New Normal’ face aux tensions frontalières

by Sara
Pakistan, Afghanistan, Inde

Des signes de reprise du dialogue entre Islamabad et les talibans afghans ont été mis à mal par un week-end d’affrontements meurtriers le long d’une frontière poreuse qui sépare les deux pays. Après une série de rencontres diplomatiques au cours de l’année, la violence a rappelé la fragilité de tout apaisement et creuse de nouvelles tensions régionales.

Accrochages frontaliers et bilan humain

Les incidents récents ont rapidement dégénéré en combats intenses, suivis d’accusations réciproques sur l’origine des attaques. Les bilans publiés par les parties divergent, illustrant la confusion et la montée des tensions.

  • Islamabad affirme avoir tué plus de 200 combattants talibans lors des incidents.
  • Le gouvernement taliban a annoncé la mort de 58 soldats pakistanais dans des affrontements.
  • Le Pakistan a ensuite reconnu que les combats avaient fait au moins 23 morts et 29 blessés dans ses rangs, et affirmé avoir pris le contrôle de plus de 21 postes situés en territoire afghan.

La capitale kaboulienne a également été secouée par des explosions et des tirs, que les autorités afghanes ont imputés au Pakistan. Islamabad n’a ni confirmé ni nié sa responsabilité, tandis que les talibans ont promis des représailles.

Groupes armés et origine des hostilités

Les autorités pakistanaises désignent le Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP) comme la menace principale opérant depuis le sol afghan. Le TTP, fondé en 2007, mène une insurrection prolongée contre l’État pakistanais et demande l’application d’une loi islamique stricte.

Outre le TTP, Islamabad accuse d’autres formations d’utiliser l’Afghanistan comme sanctuaire, parmi lesquelles :

  • le TTP (Tehreek-e-Taliban Pakistan) ;
  • la Balochistan Liberation Army (BLA) ;
  • l’État islamique – province du Khorasan (ISKP).

Les attaques attribuées au TTP ont augmenté depuis le retour au pouvoir des talibans en août 2021. Un rapport du projet ACLED a relevé au moins 600 affrontements ou attaques impliquant le TTP au cours de la dernière année, et une hausse des actions en 2025 par rapport à 2024.

Ces derniers jours, plusieurs attaques ont coûté la vie à des dizaines de soldats pakistanais, avec un incident meurtrier survenu le 8 octobre.

Islamabad cherche-t-il un « nouveau normal » ?

Face à la montée des pertes humaines, certains observateurs estiment que le Pakistan tente d’instaurer un nouveau modus operandi : faire clairement savoir que tout attentat perçu comme émanant d’Afghanistan entraînera des représailles sur le territoire afghan.

Quelques éléments à retenir :

  • Le think tank Centre for Research and Security Studies (CRSS) rapporte plus de 2 400 décès parmi le personnel de sécurité pakistanais au cours des trois premiers trimestres de l’année.
  • Des responsables pakistanais ont, pour la première fois récemment, mis en doute la légitimité du régime taliban et exigé des actions vérifiables contre les groupes terroristes opérant depuis l’Afghanistan.

Plusieurs analystes interrogés estiment cependant que la capacité militaire asymétrique entre l’armée pakistanaise et les forces talibanes limite l’ampleur d’une confrontation prolongée. Islamabad dispose d’une supériorité en moyens aériens et d’artillerie que les talibans n’égalisent pas.

Pour des spécialistes comme Abdul Basit et Aamer Raza, la suite dépendra de la diplomatie régionale et de la volonté des talibans de contrer les groupes dissidents sur leur sol ; faute de quoi, le Pakistan pourrait envisager d’autres options, y compris un soutien possible à des groupes anti-talibans.

Carte des affrontements entre le Pakistan et l'Afghanistan, octobre 2025

Le facteur indien

Les récents affrontements ont coïncidé avec la première visite d’un haut responsable taliban en Inde depuis 2021. Amir Khan Muttaqi s’est rendu à New Delhi début octobre après avoir reçu une dérogation temporaire aux sanctions de l’ONU.

Cette ouverture de Kaboul vers New Delhi inquiète Islamabad, qui accuse depuis longtemps l’Inde de soutenir ou de financer des groupes déstabilisateurs opérant depuis l’Afghanistan contre les provinces pakistanaises du Khyber Pakhtunkhwa et du Baloutchistan.

Le ministre taliban des Affaires étrangères Amir Khan Muttaqi à New Delhi, octobre 2025

Analystes et observateurs notent que certains raids aériens pakistanais intervenus pendant la visite de Muttaqi semblent destinés à envoyer un message : Islamabad n’hésitera pas à recourir à la force si elle perçoit une collusion entre Kaboul et New Delhi fragile pour la sécurité pakistanaise.

Diplomatie régionale et perspectives

Des puissances régionales — Chine, Iran et Russie — ont à plusieurs reprises demandé aux talibans d’éradiquer les groupes armés opérant depuis l’Afghanistan. Cet appel a été réitéré lors de consultations internationales, où les responsables afghans ont été invités à agir.

Plusieurs scénarios semblent possibles :

  • une reprise des pourparlers bilatéraux, potentiellement médiée par des pays tiers comme la Chine ou des États du Golfe ;
  • une poursuite d’une diplomatie oscillante, alternant phases d’apaisement et éclats de violence frontalière ;
  • le risque persistant d’une nouvelle escalade si les attaques transfrontalières se poursuivent.

Les experts soulignent que, même si les affrontements immédiats semblent s’être calmés, la situation reste volatile. Sans avancées concrètes pour empêcher l’utilisation du territoire afghan par des groupes hostiles au Pakistan, les tensions risquent de perdurer et d’alimenter de nouvelles crises à court et moyen terme.

source:https://www.aljazeera.com/news/2025/10/15/new-normal-is-pakistan-trying-to-set-new-red-lines-with-afghan-taliban

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