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Une perplexité visible marque les visages des responsables politiques de plusieurs pays arabes confrontés aux problèmes accumulés touchant la jeunesse. Souvent, il semble qu’il n’existe plus de langue commune entre les autorités et les jeunes, et que la relation se résume à un malentendu permanent.
Jeunesse, politique et retrait
Le désengagement massif des jeunes à l’égard de la politique révèle une dynamique dramatique qui risque de conduire de larges pans de la société vers l’nihilisme et l’isolement. Cette tendance produit des conséquences politiques lourdes, que l’approche sécuritaire seule ne saura résoudre.
Pour comprendre ce malaise, il faut aller au-delà des recettes policières et interroger les fondements sociaux, culturels et éducatifs qui l’alimentent.
Les causes profondes du malaise
Plusieurs facteurs expliquent les secousses que subissent les sociétés arabes contemporaines. On peut les résumer ainsi :
- Déséquilibre entre groupes et société : la fracture communautaire — par exemple la polarisation confessionnelle au Proche-Orient — fragilise la cohésion nationale.
- Aliénation individuelle : lorsque l’individu ne se reconnaît pas dans la société et voit entravée la réalisation de soi, il cherche des voies d’évasion — migrations réelles ou symboliques — comme le départ de nombreuses élites vers des horizons plus favorables.
- Désengagement de l’État : l’adoption de modèles néolibéraux détache l’État des besoins sociaux, creusant le fossé entre institutions et citoyens.
La pédagogie comme réponse politique
L’absence quasi totale d’un rôle éducatif fort de l’État aggrave la crise. L’éducation ne se limite pas au domaine privé ni à la simple délivrance de diplômes : elle façonne des citoyens et forge un projet collectif.
On peut citer l’exemple de l’Allemagne d’après-guerre : la reconstruction culturelle et civique a nécessité une action éducative soutenue pour faire évoluer la société d’un héritage autoritaire vers des valeurs démocratiques et des droits humains.
Cette transformation n’a pas émergé uniquement des écoles ; elle s’est incarnée dans des politiques publiques, des institutions de la société civile et une culture civique partagée.
Éducation à la citoyenneté : principes et enjeux
L’éducation à la citoyenneté doit viser la construction d’une « ville ouverte » où le citoyen se sent appartenir, non aliéné par les institutions. Elle favorise l’acceptation des responsabilités dans l’espace public.
Il s’agit d’une pédagogie ouverte sur le monde mais enracinée dans les traditions locales : un dialogue créatif avec les héritages culturels permet de les enrichir tout en répondant aux besoins contemporains.
Éviter l’importation indiscriminée, favoriser l’adaptation
La solution n’est pas d’abandonner l’éducation aux mains d’acteurs étrangers ou d’adhérer aveuglément à des modèles importés. L’ouverture doit se faire en tenant compte des langages, des besoins et des priorités des contextes locaux.
Souvent, de grands projets culturels produisent un fort battage médiatique mais de faibles résultats concrets. Il est essentiel que l’éducation à la citoyenneté ne se substitue pas à un dialogue social sain ni ne se range aux côtés d’intérêts partisans ou sectaires.
Actions concrètes pour un projet éducatif national
Pour que l’éducation devienne un vecteur de cohésion et de résilience, l’État et la société doivent agir de concert. Parmi les mesures possibles :
- Adopter une neutralité d’État vis-à-vis des différentes visions du monde afin de garantir un espace éducatif inclusif.
- Créer et soutenir des instituts d’éducation permanente et des dispositifs pour l’enseignement des adultes.
- Relancer et rénover les partis politiques traditionnels pour qu’ils jouent un rôle éducatif et de formation civique.
- Généraliser les clubs de jeunesse et encourager la création d’associations dédiées à la vie urbaine et au bien commun.
Conserver et critiquer : le double visage de l’éducation
L’éducation conserve la trame sociale, mais elle doit aussi être critique et aspirer à améliorer la société. Ignorer totalement la dimension éducative, comme le souligne un spécialiste allemand des réformes, revient à fermer les yeux de l’État sur la réalité même de la formation d’une nation.
La pédagogie ne doit pas viser à produire une obéissance aveugle, mais une citoyenneté capable de défendre les libertés publiques et, si nécessaire, d’assumer une opposition responsable.
Comme le rappelle une sagesse ancienne : il ne faut pas contraindre les jeunes à reproduire servilement les traces du passé ; ils sont créés pour un temps différent et ont le droit d’enrichir les traditions.
Urgence d’un nouveau modèle éducatif
Les États arabes, souvent décrits comme « incomplets » dans leurs relations au droit et à la société, ont besoin d’un projet éducatif novateur qui renouvelle le lien entre générations et reconnaisse les droits des nouvelles générations à transformer les traditions.
Cet horizon impose un équilibre : préserver les acquis sociaux tout en cultivant l’esprit critique et l’ambition d’un avenir meilleur, en phase avec les défis du XXIe siècle.