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Iran : débat sur la réforme du droit au paiement du mahr pour les épouses

by Sara
Iran

Le projet de loi visant à réformer le droit au paiement du mahr en Iran suscite un vif débat politique, religieux et social.
Il cherche à concilier la protection des droits de l’épouse avec l’allègement des charges financières pesant sur les époux, notamment face à l’inflation et à la hausse du prix de l’or.
Les propositions soulèvent des désaccords entre parlementaires, autorités religieuses et associations féminines.

Principales dispositions proposées

Le texte propose d’abaisser le seuil qui entraîne l’emprisonnement pour non-paiement du mahr de 110 « sikké » à 14 « sikké », selon Karim Masoumi, membre de la commission judiciaire et des droits du Parlement.
Le paiement de ce montant suffirait à éviter la détention, tandis que le mari resterait tenu de régler le solde ultérieurement afin de préserver le droit intégral de l’épouse.

Le projet prévoit également la possibilité pour les parties de convenir, par accord personnel, de montants supérieurs afin de trouver une formule équilibrée.

  • réduction du seuil exécutoire de 110 à 14 sikké ;
  • obligation pour le mari de payer le reliquat ultérieurement ;
  • autorisation d’accords privés fixant des montants supérieurs.

Impact sur les détentions et données judiciaires

Selon un rapport de l’agence Tasnim du 8 juillet, parmi plus de 17 000 détenus non criminels en Iran, plus de 2 000 sont emprisonnés à la suite de plaintes liées aux mahr.
Environ 700 d’entre eux doivent des sommes inférieures à 100 millions de tomans (moins de 1 000 dollars) et sont majoritairement au chômage ou incapables de payer.

En juin, Mohammad Sarkazi, président de la commission légale et judiciaire au Parlement, a indiqué qu’environ 240 000 affaires liées au mahr sont déposées chaque année et que plus de 40 000 d’entre elles se soldent par une incarcération avant l’issue définitive du procès.

Ces chiffres montrent l’ampleur du contentieux et l’effet social de l’exécution pénale des obligations matrimoniales.

Mariée dans une chambre de mariage traditionnelle en Iran

Culture et pratiques autour du mahr

En Iran, le mahr est souvent exprimé en « sikké », une pièce d’or pesant environ 10 grammes, équivalente à la « lira d’or ».
Les montants fixés tiennent parfois davantage à des traditions culturelles ou religieuses qu’à la situation financière réelle des époux.

Parmi les pratiques courantes :

  • fixer le nombre de sikké selon l’année de naissance de la femme (certains atteignent plus de 1 300 sikké) ;
  • choisir le chiffre 14 en référence aux figures saintes chez les chiites ;
  • ou encore aligner le montant sur le nombre de sourates du Coran.

Femme voilée dans la chambre nuptiale après un mariage traditionnel en Iran

Positions religieuses et propositions de réforme

Le bureau de l’ayatollah Jafar Sobhani à Qom a adressé une lettre à la présidence du pouvoir judiciaire, affirmant que la légitimité du mahr doit tenir compte de la capacité financière du mari.
Il a suggéré de modifier la formulation des contrats de « lorsque réclamé » en « lorsque possible/selon la capacité », pour mieux équilibrer le droit de l’épouse et la protection du mari contre l’emprisonnement pour incapacité financière.

Ali Azari, porte-parole de la commission judiciaire et des droits, a souligné que la hausse du mahr contribue à la baisse des mariages chez les jeunes hommes et a mentionné des pistes inspirées d’expériences internationales :

  • assurance du mahr ;
  • mise en commun de fonds ;
  • renforcement des droits successoraux pour les deux parties.

Voix des juristes et défense des droits des femmes

La juriste Shima Qousheh rappelle que la loi actuelle ne fixe ni plafond ni plancher pour le mahr et que de nombreux contrats de mariage peuvent être conclus sans préciser le montant.
Le débat porte aujourd’hui sur les modalités d’exécution : un homme peut être emprisonné s’il ne paie pas et n’a pas demandé la faillite personnelle ou un échéancier, ou si le juge rejette sa demande.

Qousheh propose des solutions pratiques pour concilier exécution et humanité :

  • permettre au mari de travailler à l’extérieur de la prison avec un bracelet électronique ;
  • instaurer des plans de paiement échelonnés ;
  • éviter d’assimiler incapacité financière et paresse ou mauvaise foi.

Kambiz Norouzi, expert juridique, estime que la hausse continue du prix de la sikké et l’inflation ont transformé le mahr en crise des droits familiaux.
Il juge insuffisantes les mesures antérieures et met en garde contre une réduction du mahr exécutoire qui pourrait nuire injustement aux femmes et à leur niveau de vie après une séparation.

Pour Norouzi, des réformes plus larges sont nécessaires : élargir les droits économiques et sociaux des femmes (emploi, éducation, voyage, capacité à agir juridiquement) réduirait la dépendance au mahr comme moyen de garantir ces droits.

Enjeux et perspectives

La réforme du mahr en Iran illustre la difficulté d’articuler droit positif, exigences religieuses et réalités sociales changeantes.
L’enjeu est multiple : protéger les droits des épouses, alléger les charges excessives pour les époux, réduire les contentieux et les incarcérations liées aux dettes matrimoniales.

Les délibérations à venir devront prendre en compte :

  • l’équité entre les sexes dans la sphère familiale ;
  • les conséquences socio-économiques pour les jeunes candidats au mariage ;
  • les garanties pratiques pour que le droit au mahr reste effectif sans conduire à des peines disproportionnées.

Le texte reste sensible et appelé à des ajustements pour garantir une mise en œuvre équilibrée et durable.

source:https://www.aljazeera.net/family/2025/10/24/%d8%ac%d8%af%d9%84-%d9%88%d8%a7%d8%b3%d8%b9-%d9%81%d9%8a-%d8%a5%d9%8a%d8%b1%d8%a7%d9%86-%d8%ad%d9%88%d9%84-%d8%aa%d8%b9%d8%af%d9%8a%d9%84-%d9%82%d8%a7%d9%86%d9%88%d9%86-%d8%a7%d9%84%d9%85%d9%87%d8%b1

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