Le budget 2026 occupe le devant de la scène à l’Assemblée nationale, avec deux volets phares qui alimentent les débats: une taxe sur les holdings présentée par le gouvernement et une suspension potentielle de la réforme des retraites. Dans un contexte de tensions entre majorité et opposition, le Parti socialiste menace de censurer le budget si les patrimoines élevés ne sont pas davantage frappés par l’impôt. Signe de l’importance du moment, le premier ministre Sébastien Lecornu devrait participer aux débats, selon son entourage. « La journée est majeure », souligne un ministre. Le gouvernement propose une version allégée de la taxe Zucman tout en vantant des mécanismes de correction des niches fiscales jugées abusives, et les discussions s’annoncent sans équivoque sur le reste du calendrier budgétaire.

À l’Assemblée, Zucman et la réforme des retraites au cœur des débats
Au menu, une taxe sur certaines holdings qui détiennent des participations dans d’autres entreprises, une proposition qui fait débat dans son propre camp et qui s’accompagne de propositions fiscales divergentes à gauche et au centre. La gauche défendra entre autres l’instauration de la taxe de l’économiste Gabriel Zucman, impôt minimum de 2 % sur les patrimoines de plus de 100 millions d’euros. Les socialistes proposent en sus leur version de compromis: 3 % à partir de 10 millions d’euros, mais en excluant les entreprises innovantes et familiales. Philippe Brun (PS), négociateur pour son groupe sur le budget, estime son rendement à « 15 milliards », une estimation nettement rehaussée pour cette Zucman bis par rapport à de précédents calculs. « On n’a jamais été contre voter des amendements de repli » mais « c’est une taxe passoire », affirme Éric Coquerel, président LFI de la commission des finances. Et l’horizon paraît bouché face à une levée de boucliers au centre et au RN. « On est contre toutes les versions », assure Sylvain Maillard (Renaissance). Zucman, c’est « non, ni light ni hard ni rien du tout », a martelé Marine Le Pen, patronne du RN. Quant à Sébastien Lecornu, il a estimé jeudi qu’« il ne faudrait pas que des impôts improvisés créent des faillites certaines » d’entreprises. « Si cela rapporte autant que la taxe Zucman, nous le regardons », a affirmé jeudi Boris Vallaud, président du groupe socialiste à l’Assemblée. S’il existe une « troisième voie », au gouvernement de la proposer, ajoutait-il.
Les socialistes insistent sur le fait que la fiscalité du patrimoine peut être un levier de redistribution, tandis que les républicains et leurs alliés plaident pour limiter les effets économiques potentiels. « Zucman ça passe pas, l’amendement (de repli) non plus », pensent séparément deux députés PS. La majorité tente d’écrire une version qui capte l’adhésion d’un maximum de formations, sans connaître encore l’issue de l’épreuve parlementaire.
Des positions hétérogènes et une éventuelle troisième voie
Face à ces propositions, les regards des acteurs politiques divergent fortement. Le RN et le MoDem avancent leurs propres versions d’un impôt sur la fortune, tandis que les écologistes et les députés de gauche mettent l’accent sur l’équilibre entre justice fiscale et compétitivité des entreprises. « Zucman, c’est non, ni light ni hard ni rien du tout », répète Marine Le Pen, tandis que le gouvernement tente de démontrer que le dispositif pourrait être ajusté pour éviter un effet dissuasif sur les entreprises. Hadrien Clouet (LFI) rappelle que les Insoumis ne voteront pas l’article en commission, invoquant un simple « report de la hausse de l’âge légal de départ ». Danielle Simonnet (écologiste et proche de LFI) ajoute que « Hélas Macron a raison, c’est un décalage et non pas une suspension, qui quelque part entérine les 64 ans ». Dans ce climat, Boris Vallaud réaffirme l’ouverture à une « troisième voie » et se dit prêt à examiner toute proposition qui peut faire avancer le budget, même si elle ne provient pas du camp gouvernemental.

Pour les partisans d’un consensus, l’idée d’un mécanisme modulable qui réconcilierait les différents camps est évoquée, notamment par des parlementaires et des partis qui refusent une position radicale. « Si cela rapporte autant que la taxe Zucman, nous le regardons », déclarait le chef des députés PS, Boris Vallaud, en rappelant la possibilité d’un accord autour d’un impôt alternative qui répondrait aux critères de justice fiscale, tout en protégeant l’activité économique. Le tempo des débats est dense: la commission des Affaires sociales examinera toute la journée le budget de la Sécurité sociale, et le vote attendu portera sur la suspension de la réforme des retraites, autre condition de la non-censure du PS à laquelle le Premier ministre a consenti.
Et si une majorité se dessinait à l’Assemblée pour abroger purement et simplement la réforme, le sort de ce volet reste incertain. LR et Horizons proposent sa suppression, alors que le RN et les socialistes pourraient soutenir une approche commune; les Insoumis et les écologistes pèsent sur leur position, qui devra être clarifiée vendredi. Danielle Simonnet résume le sentiment partagé: « Hélas, Macron a raison, c’est un décalage et non pas une suspension, qui quelque part entérine les 64 ans ». Le gouvernement affirme vouloir tenir compte des votes et ajustements possibles, tout en maintenant l’objectif d’un budget qui reflète les priorités économiques et fiscales du pays.