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Une nouvelle étude révèle que plus de 5 350 lobbyistes liés aux énergies fossiles ont obtenu un accès aux conférences climatiques des Nations unies entre 2021 et 2024. Cette présence massive s’inscrit dans un contexte d’augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes, d’inefficacité des actions climatiques et d’expansion record de la production de pétrole et de gaz.
Chiffres clés
Les principaux constats de l’analyse menée par le réseau Kick Big Polluters Out sont les suivants :
- Environ 5 350 lobbyistes ont participé aux COP de 2021 à 2024.
- Ces lobbyistes représentaient au moins 859 organisations liées aux énergies fossiles, dont 180 entreprises de pétrole, gaz et charbon.
- Seulement 90 entreprises fossiles ont été responsables de plus de 57 % de la production pétrolière et gazière mondiale récente.
- Ces mêmes 90 entreprises portent près de 63 % des projets d’expansion à court terme dans le secteur.
Méthodologie et sources
L’étude analyse la présence des groupes de pression lors des COP de Glasgow (COP26), Charm el-Cheikh (COP27), Dubaï (COP28) et Bakou (COP29).
Elle s’appuie sur les listes de participants et sur des bases de données publiques et sectorielles afin d’identifier l’origine institutionnelle des délégations et les organisations affiliées.
Le rapport de synthèse du mouvement est consultable sur le site officiel : kickbigpollutersout.org/COP30-Fossil-Fuels-Briefing.
Impact concret des entreprises
Le rapport montre que les 90 entreprises les plus actives ont produit l’équivalent de 33 699 millions de barils en 2024.
- Ce volume suffirait, selon l’étude, à recouvrir l’Espagne d’une couche d’un centimètre de pétrole.
- Les projets d’expansion prévus par ces entreprises couvriraient 2 623 000 km², soit la surface combinée de plusieurs pays européens.
Les données sectorielles mobilisées incluent des agrégats publiés sur gogel.org et des rapports sur les profits des majors.
La combustion des combustibles fossiles demeure la principale cause de l’aggravation du réchauffement climatique.
Exemples d’entreprise et influence
Entre 2021 et 2024, plusieurs grandes compagnies ont envoyé de nombreux représentants aux COP :
- Shell : 37 lobbyistes enregistrés.
- BP : 36 représentants.
- ExxonMobil : 32 représentants.
- Chevron : 20 représentants.
Sur les cinq dernières années, les quatre majors pétrolières ont affiché des bénéfices cumulés supérieurs à 420 milliards de dollars.
La compagnie pétrolière publique brésilienne Petrobras a, par exemple, envoyé au moins 28 lobbyistes aux dernières COP et a récemment obtenu une autorisation de forage exploratoire au large de l’Amazonie.
Un communiqué de Petrobras indique que la société participe aux COP pour « discuter des modèles durables » et contribuer aux débats internationaux sur le climat et l’énergie.
Réactions des organisations et communautés
Des acteurs de la société civile et des défenseurs des droits des peuples autochtones ont dénoncé l’influence grandissante du lobby énergies fossiles.
Adelson Vieira, porte-parole du groupe Amazon Working Group, a déclaré que la donnée révèle la « mainmise des entreprises sur le processus climatique mondial » et que l’espace réservé à la science et aux communautés est désormais envahi par les intérêts commerciaux.
Brina Yulothander, coordinatrice du réseau pour les peuples autochtones et membre de KBPO, a souligné le fardeau croissant des inondations, des feux de forêt et des vagues de chaleur sur les territoires autochtones.
Accès aux COP et inégalités
Les chiffres montrent des déséquilibres notables : à Bakou, 1 773 lobbyistes fossiles étaient enregistrés, soit 70 % de plus que le nombre total de délégués provenant des dix pays les plus vulnérables au changement climatique.
Les listes officielles n’incluent pas toujours les cadres exécutifs présents dans des délégations nationales, ni les « délégués supplémentaires » invités par certains gouvernements.
Les pays dont les entreprises d’État fossiles étaient le plus représentées comprennent les Émirats arabes unis, la Russie et l’Azerbaïdjan.
Transparence et demandes de réforme
À la suite des campagnes de la société civile, les organisateurs des COP exigent désormais une déclaration publique des financements soutenant la participation des délégués externes.
Cependant, cette exigence de transparence ne s’applique pas aux membres des délégations officielles ni aux délégués supplémentaires, ce qui suscite des critiques sur son efficacité réelle.
Les défenseurs réclament des règles plus strictes pour gérer les conflits d’intérêts et proposent, pour certains, l’exclusion des groupes industriels directement impliqués dans l’expansion des combustibles fossiles.
Un porte-parole de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques a indiqué que le secrétariat a pris « des mesures concrètes » pour améliorer la transparence, tout en rappelant que ce sont les gouvernements qui déterminent la composition de leurs délégations.
Mohamed Sarf, directeur exécutif de l’Institut palestinien pour la stratégie climatique, estime que ces règles arrivent « des décennies trop tard » et que la transparence sans exclusion ne suffira pas à réformer un système déjà capturé par les industries fossiles.
Enjeux pour l’avenir
Les auteurs du rapport et les ONG appellent à transformer les mécanismes actuels : ils demandent un contrôle renforcé des conflits d’intérêts et des restrictions d’accès pour les acteurs dont le modèle d’affaires dépend de l’expansion des énergies fossiles.
Sans réformes ambitieuses, avertissent-ils, le processus des COP risque de reconduire des décisions qui favorisent la poursuite des combustibles fossiles plutôt que leur réduction.

