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IDFA 2025 à Amsterdam : cinéma documentaire et voix de la résistance

by Sara
Pays-Bas, Palestine, Israël, Turquie

Par une nuit froide à Amsterdam, le prestigieux théâtre Carré était comble : réalisateurs, critiques et amateurs de documentaire venus de 76 pays ont assisté à l’ouverture de la 38e édition du Festival international du film documentaire d’Amsterdam (IDFA), la plus grande manifestation documentaire au monde.

Cette année, dans un contexte mondial marqué par les guerres et les massacres, le festival a choisi de ne pas se taire : la soirée d’ouverture a été consacrée à trois courts métrages sur la protestation et la révolution.

Un festival vivant et politique

IDFA propose plus de 250 films et nouveaux projets médiatiques, répartis sur 19 lieux à travers la ville.

Les manifestations ont commencé le 13 novembre et se poursuivront jusqu’au 23 novembre, accompagnées de débats riches qui n’éludent ni la politique ni les tabous.

  • Plus de 250 films et projets présentés.
  • 19 lieux de projection dans Amsterdam.
  • Programmation accompagnée de débats et rencontres.

Une ouverture consacrée à la « chirurgie de la protestation »

Le festival a débuté par trois courts métrages que la directrice artistique Isabel Arati Fernandez a décrits comme « une dissection de la protestation ».

Les trois films sont :

  • As I Lay Dying — réalisé par les Iraniens Mohammad Reza Farzad et Biga Ahangarani.
  • Intersecting Memory — réalisé par la Palestinienne Shaimaa Awawdeh.
  • happiness — réalisé par le Turc Fırat Yücel, qui a déclaré qu’il ne pouvait pas faire autrement que tourner sur le génocide à Gaza, « où l’on ne peut détourner le regard ni se contenter de protester ». 

Fernandez a expliqué : « Ces trois films examinent comment la protestation devient presque une partie de votre identité. Qu’est-ce qui déclenche le moment d’insurrection qui mène à la révolution ? Et enfin, comment comprendre et ressentir ses effets, ses conséquences et l’atténuation des flammes ? »

Le choix de cette séance d’ouverture souligne l’orientation du festival vers les voix marginalisées du Sud global et les récits de résistance à la domination et à la colonisation.

Forte présence d’œuvres arabes et de la chaîne Al Jazeera

La participation arabe se distingue cette année, portée notamment par la présence de trois films liés à la chaîne Al Jazeera Documentary, en coproduction et en compétition officielle.

Plus d’informations publiées par la chaîne : https://doc.aljazeera.net/follow-up/2025/11/17/%d8%a5%d8%af%d9%81%d8%a7-2025-%d9%8a%d8%ad%d8%aa%d9%81%d9%8a-%d8%a8%d8%a3%d9%81%d9%84%d8%a7%d9%85-%d8%a7%d9%84%d8%ac%d8%b2%d9%8a%d8%b1%d8%a9-%d8%aa%d9%88%d8%a3%d9%85-%d8%ba%d8%b2%d8%a9

Parmi les titres accueillis avec enthousiasme :

  • « Les jumeaux de Gaza — Reviens vers moi » (produit par Al Jazeera English) : récit de la mère Rania, séparée de ses nouveau‑nés durant 16 mois en raison de la guerre et du déplacement, accueilli par de vifs applaudissements.
  • « 32 mètres » (coproduction turco‑Al Jazeera) : l’histoire de Halime, une femme de village conservateur qui organise un concours de tir pour femmes malgré l’opposition masculine, film porté par la chaleur et l’humour.
  • « Entre deux rives » (Une jeune Algérienne de Barcelone réexamine ses racines et la distance affective qui la sépare de sa mère.)

Des extraits et réactions ont été partagés sur Instagram : https://www.instagram.com/p/DRILBpACHBy/?utm_source=ig_embed&utm_campaign=loading et https://www.instagram.com/reel/DRFD7-ziC0i/?utm_source=ig_embed&utm_campaign=loading

Le directeur de la chaîne, Ahmed Mahfouz, a déclaré dans un entretien que « l’IDFA est pour nous le plus important marché et festival du documentaire au monde », soulignant que la présence de trois films en compétition consacre la narration arabe sur la scène documentaire mondiale.

Nouvelle directrice artistique, nouvelle vision

Isabel Arati Fernandez, nommée directrice artistique en juillet, a décrit la programmation comme une expérience enrichissante et exigeante, fruit d’un long travail de sélection avec l’équipe de programmation.

Elle a ajouté que ces œuvres « nous ont déplacés, appris des visions nouvelles, parfois troublées, et continuent à susciter des questions ». Elle a aussi rappelé le contexte tragique mondial : « Chaque jour nous lisons et voyons la guerre, la violence et le génocide… cela force à réfléchir sur l’humanité et notre capacité à apprendre de l’histoire. »

Référence liée à sa présentation : https://doc.aljazeera.net/cinema/2025/11/11/%D9%85%D9%87%D8%B1%D8%AC%D8%A7%D9%86-%D8%A3%D9%85%D8%B3%D8%AA%D8%B1%D8%AF%D8%A7%D9%85-%D8%A7%D9%84%D8%AF%D9%88%D9%84%D9%8A-%D9%84%D9%84%D9%81%D9%8A%D9%84%D9%85

Le documentaire comme nécessité existentielle

Fernandez a insisté sur le rôle central de l’art et du cinéma documentaire : lorsque le monde paraît dissonant, l’art devient nécessaire non pas pour fournir des réponses simples, mais pour favoriser l’écoute, la vision, l’imagination et l’empathie.

Le festival rend également hommage à la réalisatrice, directrice artistique et universitaire portugaise Susana de Sousa Dias, avec une rétrospective complète et sa sélection personnelle des dix meilleurs documentaires.

Un focus est prévu sur son film dramatique documentaire « Fordlândia Panacea », programme dont nous proposerons une lecture détaillée ultérieurement.

IDFA 2025 - séance et discussion au festival

L’image illustre une séance de discussion où le réalisateur de « 32 mètres » dialoguait avec le public.

Parcours thématiques qui reflètent nos préoccupations

Le programme du festival est organisé autour de plusieurs axes thématiques qui abordent des enjeux contemporains urgents.

Parmi les plus marquants :

  • Making History (Faire l’histoire) — films montrant l’histoire en train de se faire, dont les trois courts d’ouverture et With Hasan in Gaza, qui documente le génocide en cours à Gaza.
  • Democracy (Démocratie) — récits d’acteurs en première ligne pour la liberté d’expression et les droits civiques, par exemple When I Get Jailed (Ukraine) et My Undesirable Friends: Part I – Last Air in Moscow (Russie).
  • Ending Colonialism (Mettre fin au colonialisme) — films examinant les luttes pour l’identité et la dignité post‑impériale, tels que Fordlândia Panacea et BLKNWS: Terms & Conditions.

Prix d’innovation documentaire et appui aux films

Lors de la cérémonie d’ouverture, la réalisatrice bosno‑néerlandaise Lidia Zilović a reçu la « bourse du fonds culturel pour le documentaire » de 50 000 euros pour soutenir de nouveaux projets. Son film Home Game, présenté au festival IDFA 2024, y met en parallèle le populisme en ex‑Yougoslavie et les tensions actuelles aux Pays‑Bas.

La bourse, financée par un donateur anonyme, vise à permettre aux documentaristes de réaliser de nouvelles œuvres.

Extrait partagé : https://www.instagram.com/reel/DRNBYS6iMGI/?utm_source=ig_embed&utm_campaign=loading

Décision historique : refus d’accréditation à trois institutions israéliennes

A quelques semaines de l’ouverture, le festival a annoncé le refus d’accréditer des représentants de trois grandes institutions israéliennes : le festival Docaviv, le marché coproduction Cinephiles « Kopro » (Co‑Pro) et la radiotélédiffusion publique Kan.

La décision, expliquée par la direction, s’appuie sur la politique du festival qui refuse l’accréditation d’organismes recevant un financement direct d’États impliqués dans des violations graves des droits humains.

Fernandez a précisé : « Cette année, les organisations israéliennes qui reçoivent un soutien gouvernemental n’ont pas reçu d’accréditation. Nous évaluons les films et leurs auteurs individuellement. Ce principe a déjà conduit à refuser la participation d’œuvres provenant d’autres pays comme l’Iran ou la Russie. »

La décision intervient alors que la campagne de boycott culturel en soutien à la Palestine, lancée par le collectif « Filmmakers for Palestine », a gagné de nombreuses signatures, incluant des artistes internationaux.

Un imposant programme industriel

En parallèle aux projections, IDFA accueille un important volet professionnel : plus de 2 500 professionnels du cinéma participent au Industry Program qui se tient du 15 au 19 novembre.

Le programme industriel comprend :

  • Tables rondes et sessions de discussion.
  • Ateliers et opportunités de financement.
  • Rencontres et réseautage entre réalisateurs, producteurs et distributeurs internationaux.

Le festival entend faire du documentaire plus qu’un art : une plateforme de rencontre et d’action dans un moment historique marqué par des crises et des combats pour les droits.

Comme l’a rappelé la directrice artistique, « il est important de poursuivre ces conversations, ici, à Amsterdam, en novembre. Le programme d’IDFA est une invitation à l’échange, à la divergence, au dialogue et, avant tout, au ressenti. »

source:https://www.aljazeera.net/culture/2025/11/18/%d9%85%d9%87%d8%b1%d8%ac%d8%a7%d9%86-%d8%a5%d8%af%d9%81%d8%a7-2025-%d8%a7%d9%84%d8%b3%d9%8a%d9%86%d9%85%d8%a7-%d8%a7%d9%84%d9%88%d8%ab%d8%a7%d8%a6%d9%82%d9%8a%d8%a9

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