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Ghana : Le procureur spécial est-il réellement indépendant ? Analyse juridique

par Marie
Ghana

Une récente analyse juridique jette un pavé dans la mare de la lutte anticorruption au Ghana. Selon l’expert Emmanuel Wilson Jnr, l’indépendance du procureur spécial Ghana serait compromise par l’actuel cadre constitutionnel, qui place cette institution sous l’autorité directe et incontournable du Procureur général (Attorney-General).

Le monopole constitutionnel du Procureur général

Le débat a été relancé par une tribune percutante intitulée « Le Procureur spécial est-il indépendant ? ». L’auteur y démontre que, malgré la perception du grand public, le Bureau du Procureur spécial (OSP) ne jouit pas d’une autonomie totale. L’argument central repose sur les articles 88(3) et 88(4) de la Constitution ghanéenne de 1992.

Ces textes confèrent le pouvoir exclusif d’engager et de mener des poursuites pénales au seul Procureur général. Ce dernier portant également la casquette de ministre d’État et de conseiller juridique principal du gouvernement, la question de l’influence politique dans les dossiers sensibles devient inévitable selon l’analyste.

Les limites imposées par la Loi 959

Si la loi de 2017 sur le Bureau du Procureur spécial (Act 959) visait à créer une entité dédiée à la traque de la corruption, elle contient des garde-fous contraignants. L’analyse souligne que la section 4(2) de cette loi exige explicitement que le Procureur spécial obtienne une autorisation du Procureur général avant d’entamer ou de mener des poursuites.

« Cela indique clairement que le Procureur général a juridiction sur le Bureau du Procureur spécial », soutient Wilson. Sans ce feu vert hiérarchique, aucune procédure liée à la corruption ne peut légalement aboutir, réduisant l’indépendance de l’OSP à une notion relative plutôt qu’absolue.

Une comparaison révélatrice avec la Commission électorale

Pour étayer sa thèse, l’expert compare le statut de l’OSP à celui de la Commission électorale. La Constitution protège explicitement cette dernière de toute directive venant de « toute personne ou autorité ». À l’inverse, la législation encadrant le Procureur spécial suggère une responsabilité envers une autorité de tutelle spécifique.

Selon l’analyse, cette nuance sémantique n’est pas anodine : les législateurs auraient délibérément évité d’accorder au procureur spécial le même niveau d’immunité constitutionnelle que celui réservé aux instances électorales.

Vers une nécessaire réforme constitutionnelle ?

La crainte majeure réside dans la capacité réelle de l’OSP à enquêter sur des personnalités politiques puissantes si sa hiérarchie — potentiellement soumise à des pressions partisanes — refuse de valider les dossiers. Emmanuel Wilson Jnr prévient : « Il est une vérité juridique bien connue que le Procureur spécial ne peut entreprendre aucune action sans l’approbation du Procureur général ».

Alors que des pays comme le Kenya, l’Ouganda ou l’Irlande ont séparé les poursuites publiques du bureau du Procureur général, le Ghana conserve un modèle centralisé. La conclusion de l’analyse est sans appel : seule une modification de l’article 88(4) de la Constitution pourra garantir une véritable indépendance. En l’absence de réforme, l’autonomie du procureur reste, selon l’auteur, une illusion juridique.

Source: https://www.classfmonline.com/features/Is-Ghana-s-Special-Prosecutor-truly-independent-Legal-analysis-raises-key-questions-68799

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