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Dans une escalade diplomatique sans précédent, la Première ministre Kamla Persad-Bissessar a vivement rejeté les critiques de ses homologues régionaux, distançant Trinidad et Tobago de la doctrine de « Zone de Paix » prônée par la Caricom. Dénonçant un alignement tacite du bloc régional avec le régime vénézuélien, elle a déclenché une vive polémique impliquant le Premier ministre d’Antigua-et-Barbuda et l’opposition nationale.
Une rupture idéologique au sein de la région Caraïbes
La tension est montée d’un cran au sein de la Communauté caribéenne (Caricom). Kamla Persad-Bissessar n’a pas mâché ses mots en répondant aux récentes attaques de Gaston Browne, Premier ministre d’Antigua-et-Barbuda. Elle accuse ouvertement l’organisation régionale de s’être « alignée avec le narco-gouvernement de Maduro », un régime qu’elle qualifie de dictatorial.
Selon la dirigeante de Trinidad et Tobago, la notion de « Zone de Paix » défendue par la Caricom ne serait qu’une « supercherie » destinée à encourager le retrait militaire américain des Caraïbes, favorisant ainsi le maintien au pouvoir du président vénézuélien Nicolás Maduro. Elle a souligné que son gouvernement refuse catégoriquement de soutenir « la dictature et le trafic de drogue ».
La souveraineté nationale avant la solidarité régionale
Cette prise de position intervient alors que le Venezuela multiplie les rhétoriques territoriales agressives, non seulement envers le Guyana, mais aussi, selon Mme Persad-Bissessar, à l’encontre de Trinidad et Tobago depuis juin dernier. « Ma priorité est l’intérêt supérieur des citoyens », a-t-elle martelé, affirmant que la sécurité nationale prime sur la politique de bloc.
Elle a également invité les dirigeants d’Antigua-et-Barbuda à se concentrer sur leurs propres problèmes consulaires, faisant référence aux récentes restrictions de visas américains imposées à leurs ressortissants, plutôt que de critiquer la diplomatie trinidadienne.
Guerre des chiffres : la Caricom réplique
Face à ces accusations qualifiant la Caricom de « partenaire peu fiable » au bord de l’implosion, Gaston Browne a contre-attaqué avec des données économiques tangibles. Il a rappelé l’importance cruciale de l’intégration régionale pour l’économie de Trinidad et Tobago.
Selon les chiffres avancés, l’archipel a généré plus de 1,1 milliard de dollars américains (environ 1,02 milliard d’euros) de devises étrangères grâce au commerce avec la Caricom en 2024. Le bloc régional demeure le deuxième marché d’exportation du pays, juste derrière les États-Unis, assurant à Trinidad et Tobago un excédent commercial constant depuis 1973.
M. Browne a également insisté sur la coopération sécuritaire, essentielle pour un pays confronté à des niveaux élevés de crime organisé, rejetant l’idée que la Caricom ait failli à ses obligations envers Port-d’Espagne.
Tensions politiques internes et accusation de soumission
La controverse a également enflammé la scène politique intérieure. L’ancien Premier ministre, Dr Keith Rowley, a qualifié les propos de Mme Persad-Bissessar d’« antipatriotiques » et de « dangereusement incompétents ». Il accuse l’actuel gouvernement de réduire le pays à l’état de « vassal » opérant sous des « instructions secrètes » de Washington pour préserver l’accès aux visas américains.
« Je n’ai jamais été témoin d’une déclaration aussi offensante pour notre souveraineté », a écrit Dr Rowley, avertissant que cette rupture publique avec la Caricom risque d’isoler le pays. En réponse, le ministre des Services publics, Barry Padarath, a défendu la Première ministre, affirmant qu’elle redéfinissait la politique étrangère pour obtenir des bénéfices tangibles en matière de sécurité nationale, loin de l’inertie des années précédentes.
Les experts mettent en garde contre l’isolement
Les analystes en relations internationales observent cette fracture avec inquiétude. Anthony Bryan, professeur émérite à l’Université de Miami, prévient que tourner le dos au bloc régional est une stratégie périlleuse pour un petit État insulaire. « S’isoler pour se débrouiller seul serait une situation insoutenable », a-t-il averti.
De son côté, la politologue Dr Indira Rampersad note que si la démarche de la Première ministre relève d’un pragmatisme électoral domestique — « toute politique est locale » —, elle expose une faille profonde entre nationalisme et régionalisme. Elle rappelle cependant que la dépendance économique et sécuritaire vis-à-vis des États-Unis reste un facteur déterminant dans l’alignement stratégique de Trinidad et Tobago.