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En l’espace de vingt-quatre heures, trois déclarations successives ont redéfini le jeu dans le Yémen oriental. Une demande officielle du président du Conseil de direction présidential, une réponse opérationnelle de la coalition menée par l’Arabie saoudite, puis un message politique du ministre saoudien de la Défense ont contribué à transformer une simple tension locale en un enjeu stratégique aux frontières de la péninsule. Ces gestes combinés ont placé la légitimité gouvernementale au centre d’une manœuvre visant à fixer des limites face à l’avancée du Conseil de transition du Sud (STC) vers Hadramout et al-Mahra.
La séquence des déclarations
Tout a commencé par une requête officielle du président du Conseil de direction présidential pour des mesures militaires destinées à protéger les civils à Hadramout et à soutenir l’armée dans le rétablissement du calme. Ensuite, la coalition saoudienne a exigé le retrait du STC des zones concernées, la remise des camps aux « forces Bouclier de la Nation » et la reprise des responsabilités par les autorités locales. Enfin, le ministre saoudien de la Défense a rappelé que l’intervention répondait à une demande du gouvernement légitime et a appelé le STC à accepter la médiation saoudo-émiratie pour éviter une escalade.
Pourquoi l’est du Yémen compte
Hadramout et al-Mahra ne sont pas de simples circonscriptions administratives : Hadramout abrite d’importantes ressources pétrolières et gazières et possède un poste frontalier clé avec l’Arabie saoudite. Al-Mahra, de son côté, contrôle des ports et des routes de transit reliant Oman et l’Arabie saoudite, ce qui a des implications directes pour la sécurité régionale et l’économie locale. Par conséquent, toute instabilité à l’est du Yémen dépasse le cadre d’un conflit interne et devient une problématique frontalière et géostratégique.
Les objectifs de Riyad
Riyad cherche à neutraliser autant que possible tout désordre à sa frontière sud-est. Face à l’expansion des forces soutenues par les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite entend éviter qu’un acteur allié ne redessine par la force les cartes du contrôle des ressources et des passages stratégiques. Ainsi, la proposition d’un remplacement des camps par les forces « Bouclier de la Nation » vise à empêcher un vide sécuritaire et à offrir un outil concret pour gérer le dossier oriental hors de la logique de multiples forces locales.
Que signifie cette posture pour le STC ?
La séquence des messages met le STC devant un choix stratégique. Un retrait organisé et une remise pacifique des camps permettraient au mouvement de revendiquer un geste de désescalade tout en préservant sa légitimité politique dans ses zones de prédilection. En revanche, une temporisation ou une défiance ouverte risquent d’accroître la pression politique et diplomatique, et de présenter le STC comme l’obstacle à la stabilisation dans une zone très sensible.
Les Houthis à l’affût
Les autorités de Sanaa, contrôlées par les Houthis, surveillent de près tout désaccord au sein du camp adverse dans l’espoir d’en tirer avantage. La coordination rapide entre la présidence yéménite reconnue internationalement et la coalition saoudienne envoie toutefois un message clair : les rivaux sont capables de gérer leurs différends et de limiter les ouvertures que les Houthis pourraient exploiter. Parallèlement, la sécurisation des zones riches en ressources réduit les opportunités de tirer profit politiquement du chaos.
Médiation régionale sous tension
La mention d’une médiation saoudo-émiratie est doublement sensible. Abu Dhabi est perçu comme le parrain et le pourvoyeur du STC, ce qui complique son rôle de médiateur. Ainsi, la médiation devient un test d’alignement au sein de la coalition : accepter la neutralisation des avancées du STC reviendrait à mettre en balance le soutien politique et la nécessité d’éviter une crise borderière que Riyad juge dangereuse.
Scénarios probables
Il est probable que Riyad pousse en priorité pour un accord à court terme comprenant un retrait échelonné, une remise organisée des camps et des arrangements sécuritaires visant à empêcher la mainmise d’un seul acteur sur les districts de Hadramout et d’al-Mahra. Si cette voie échoue, des mesures de dissuasion limitées pourront être employées pour faire respecter le plafond annoncé, tout en maintenant une fenêtre de négociation afin d’éviter une confrontation généralisée.
- Scénario de désescalade : retrait, remise des camps, rôle renforcé des autorités locales.
- Scénario de confrontation limitée : pressions politiques et actions visant à faire respecter les positions de la coalition.
- Scénario d’exploitation par les Houthis : tentative de profiter des divisions adverses si la coordination échoue.
Au final, les trois déclarations ont élevé le coût d’une transformation de l’est du Yémen en zone de conflit ouvert, sans pour autant fermer définitivement la page. Ce qui déterminera la suite, c’est le comportement des acteurs dans les jours à venir : le STC acceptera-t-il une sortie honorable ou choisira-t-il de gagner du temps ? Les arrangements sécuritaires parviendront-ils à apaiser les tensions locales ? Les réponses à ces questions trancheront si le Yémen oriental devient un gage de stabilité ou une porte d’entrée vers un chaos plus large.