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Adoptions illégales et abus au Brothers Home en Corée du Sud

by Sara
Corée du Sud, Australie, Belgique

Ju-rye Hwang a grandi en pensant que ses parents en Corée du Sud étaient morts et qu’elle était seule au monde après avoir été adoptée en Amérique du Nord vers l’âge de six ans. Une conversation téléphonique avec un journaliste à Séoul a brisé cette certitude : elle n’était pas orpheline et il est très probable qu’elle ait été victime d’adoptions illégales en Corée du Sud.

La révélation et la découverte des archives

Le journaliste a informé Hwang de l’existence de l’infâme institution connue sous le nom de Brothers Home, où des milliers de personnes avaient subi des violences, des travaux forcés et des maltraitances physiques et sexuelles.

Parmi les archives retrouvées, un dossier listant des adoptions internationales comportait le nom de la femme qui l’avait adoptée. En apprenant ces éléments, Hwang s’est effondrée : elle a ressenti un profond malaise physique et la certitude d’avoir été illégalement adoptée pour profit.

Contexte historique : répression des « vagabonds »

Dans les années 1970 et 1980, la Corée du Sud, en pleine industrialisation, a lancé des opérations visant à « nettoyer » les rues des personnes jugées indésirables. Les autorités ont encouragé l’élimination visible de la pauvreté, notamment avant les Jeux olympiques de 1988.

Cette politique coïncidait avec un système de performance policière qui récompensait la capture de « vagabonds ». Les perversions de ces incitations ont alimenté des enlèvements massifs de personnes vulnérables, y compris d’enfants.

  • Enfants et adultes étaient arrêtés puis envoyés dans des centres subventionnés par l’État.
  • Les autorités cherchaient à présenter une image de prospérité nationale à l’étranger.

Adultes et enfants placés à l'arrière d'un camion envoyé par le Brothers Home à Busan

Brothers Home : un centre de détention et d’abus

Fondé en 1975 à Busan par Park In-geun, ancien militaire, le Brothers Home était présenté comme un établissement de réinsertion. En réalité, il est devenu un lieu de détention de masse et d’exactions.

Les subventions d’État étaient proportionnelles au nombre de personnes détenues, incitant à gonfler artificiellement les effectifs. À son apogée en 1984, plus de 4 300 personnes y étaient détenues simultanément.

  • Entre 1976 et 1987, environ 38 000 personnes ont été détenues selon la Commission de vérité et réconciliation.
  • Au moins 657 décès officiels ont été enregistrés, le bilan réel étant vraisemblablement plus élevé.

Des détenus du Brothers Home alignés pour un événement sportif

Travail forcé, profits et commerce des adoptions

Les enfants et les adultes détenus étaient contraints à un travail intensif dans des ateliers du site ou sur des chantiers extérieurs. Leur travail n’était pas rémunéré alors qu’il aurait dû l’être.

Les responsables de l’établissement ont également profité du marché lucratif des adoptions internationales. Des agences d’adoption, nationales et étrangères, visitaient régulièrement le centre.

  • Des enquêtes ont révélé des détournements de fonds par la direction du Brothers Home.
  • Des enfants disparus la nuit étaient ensuite proposés à l’adoption internationale.

Travail manuel forcé imposé aux détenus du Brothers Home

Preuves documentaires : fiches d’admission et photos

Le dossier d’admission de Ju-rye Hwang indique qu’elle aurait été trouvée dans le quartier de Jurye-dong et admise au Brothers Home le 23 novembre 1982. Une photo en noir et blanc montre une fillette au crâne rasé ; ses empreintes digitales figurent en bas du document.

La fiche qualifie l’enfant de « saine – capable de travail ». Une mention précise : « À l’arrivée, l’enfant n’a absolument rien dit. » Hwang avait environ quatre ans sur ces documents.

Photo d'identité et empreintes de Ju-rye Hwang sur son formulaire d’admission

  • Son prénom, Ju-rye, lui aurait été attribué par le directeur, d’après le lieu où elle aurait été « trouvée ».
  • Les dossiers d’adoption décrivaient un enfant bien nourri, instruit et apte au travail — en contradiction avec la version d’un enfant errant.

Retrouvailles ADN et fragments de mémoire

En 2021, Hwang a soumis son ADN à un registre génétique international et a été mise en relation avec un frère génétiquement apparenté adopté en Belgique. La découverte a déclenché des émotions intenses et confirmé des liens familiaux directs.

Hwang a également recouvré le souvenir d’un portail en fer et d’une piscine souterraine peu profonde, éléments qu’elle a reconnus après avoir consulté des images de l’ancien site.

Ju-rye Hwang feuilletant un album photo à Sydney, où elle vit désormais

La Commission vérité et réconciliation : constat des violations

En 2022, la Commission vérité et réconciliation a confirmé l’existence de graves violations des droits humains au Brothers Home : disparitions forcées, détentions arbitraires, travail forcé, violences sexuelles et décès.

La commission a estimé que le gouvernement connaissait ces abus mais avait cherché à les minimiser ou à les dissimuler. Elle a aussi confirmé la complicité du centre dans l’organisation d’adoptions internationales illégales.

  • Au moins 31 enfants ont été identifiés comme ayant été envoyés illégalement à l’étranger.
  • La commission a appelé le gouvernement à présenter des excuses formelles et à faciliter les compensations.

Enfants au Brothers Home, têtes rasées et entraînement disciplinaire

Responsabilité de l’État et décisions judiciaires récentes

Après une décision de la Cour suprême en mars, le gouvernement a retiré ses appels en septembre, reconnaissant ainsi sa responsabilité dans certaines violations. Cette démarche devrait accélérer le versement d’indemnités à des victimes ayant intenté des poursuites contre l’État.

La Cour suprême a aussi jugé que l’État devait indemniser des victimes détenues avant 1975, reconnaissant une politique étatique de répression des « vagabonds » remontant aux années 1950.

Park In-geun, ancien directeur du Brothers Home, et son épouse

Un passé qui ne s’efface pas : récit personnel et demande de justice

Hwang vit aujourd’hui à Sydney. Elle garde l’espoir de retrouver sa mère biologique et de connaître son vrai nom. Les révélations sur le Brothers Home ont ravivé une colère vis-à-vis de l’effacement de son identité et de l’impunité entourant ces pratiques.

Elle souhaiterait que les responsables et leurs descendants « réparent leurs torts », et déplore l’absence de remords de certains membres de la famille du directeur, qui ont émigré en Australie.

Park Sun-yi, victime du Brothers Home, lors d'une conférence de presse de la Commission vérité et réconciliation

Héritage et appel à la reconnaissance

La Corée du Sud a récemment reconnu publiquement la douleur causée par son système d’adoption internationale et les abus connexes. Le président a présenté des excuses historiques, qualifiant ce chapitre de « honteux ». Le pays est confronté à la nécessité de réparer des décennies d’injustice.

Les enquêtes ont montré comment des agences privées, souvent laissées sans contrôle, ont falsifié des dossiers et facilité la « mass-exportation » d’enfants à l’étranger, privant de nombreuses familles de leurs liens et de leur identité.

  • Les recommandations portent sur des compensations, des excuses officielles et des mesures pour retrouver l’identité des enfants concernés.
  • Pour les victimes comme Ju-rye Hwang, la quête de vérité reste un long chemin vers la réparation.

Meta description : Une adoptée retrace son enfance volée au Brothers Home en Corée du Sud : adoptions illégales, abus révélés et enquêtes pour réparation.

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source:https://www.aljazeera.com/features/2025/11/15/a-womans-search-for-a-lost-childhood-in-south-korea

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