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La question d’une assurance obligatoire contre les risques naturels refait régulièrement surface en Allemagne, notamment face à l’augmentation des catastrophes liées au changement climatique. Alors que la nouvelle législature pourrait instaurer cette obligation, les débats s’intensifient quant aux avantages et inconvénients d’un tel dispositif.
Assurance obligatoire : un besoin urgent mis en lumière par les catastrophes
Oliver Brand, expert en assurance, rappelle que la nécessité d’une assurance obligatoire contre les dommages d’éléments naturels devient évidente au regard des événements comme les inondations de la vallée de l’Ahr en 2021. Certaines habitations étaient assurées et ont perçu des indemnisations, tandis que d’autres, non couvertes, ont sollicité l’aide publique. Cette dernière est cependant limitée, notamment en période de contraintes budgétaires dues à d’autres priorités telles que les infrastructures ou la défense, comme constaté en Bavière en 2024.
Face à la fréquence croissante des catastrophes naturelles liée au changement climatique, l’obligation d’assurance vise à assurer une meilleure répartition des risques en garantissant que chaque propriétaire ou locataire soit couvert.
Les coûts des dommages naturels en forte augmentation
Parmi les freins à cette assurance obligatoire figure l’impossibilité de résilier cette couverture, indépendamment de l’évolution des primes. Cette contrainte est redoutée par de nombreux assurés. De plus, les locataires pourraient voir leurs charges augmenter significativement, car les coûts liés aux catastrophes naturelles progressent pour deux raisons principales :
- La fréquence et l’ampleur des événements climatiques extrêmes augmentent avec le changement climatique.
- Les coûts de réparation sont en hausse en raison de l’inflation, des pénuries de matériaux et de main-d’œuvre.
Comparativement à d’autres pays européens comme l’Espagne, la Suisse ou la France, où une assurance obligatoire contre les risques naturels existe, l’Allemagne observe un effet dissuasif sur la construction dans les zones à risque. En effet, les assureurs allemands refusent souvent les contrats dans les zones exposées — notamment dans les zones d’inondation de niveau quatre, où un événement est attendu tous les dix ans — limitant ainsi les nouveaux projets immobiliers à risque.
Inciter à une habitation respectueuse du climat
Le modèle français, instauré depuis 1982, est parfois présenté comme une réussite, avec une couverture assurant près de 98 % des foyers à un coût moyen initial estimé à seulement 26 euros par an. Ce système solidaire permet de soulager considérablement les dépenses publiques. Cependant, ce modèle présente des limites importantes :
- Il n’incite pas les habitants à éviter les zones à risque, car les coûts sont mutualisés entre tous les assurés, y compris ceux en zones plus sûres.
- Les primes d’assurance incendie et habitation sont majorées pour financer ce dispositif, et le coût réel pour les assurés est souvent sous-estimé.
- Depuis 2015, le système français affiche un déficit important, avec un manque de 1,3 milliard d’euros en 2023, financé par des réserves publiques limitées, ce qui reporte la charge sur les contribuables.
Oliver Brand suggère donc que l’Allemagne privilégie un système où les risques seraient portés par ceux qui les causent, tout en introduisant des signaux forts pour encourager un habitat adapté aux enjeux climatiques.
La profession d’assurance reste prudente face à l’obligation
Certains défenseurs de l’assurance obligatoire avancent que la mutualisation accrue des risques permettrait de faire baisser les primes. Oliver Brand conteste cette affirmation en soulignant que si c’était vrai, les compagnies d’assurance allemandes seraient les premières à la réclamer. Or, elles restent réservées, suggérant que ce modèle pourrait ne pas être rentable pour elles ni avantageux pour les assurés.
De plus, le risque d’inondation ne se limite pas aux zones proches des cours d’eau. Les infrastructures de drainage et d’assainissement, souvent inadaptées aux pluies intenses actuelles, exposent à des inondations dans de nombreuses régions, ce qui rend improbable une réduction des sinistres avec une assurance généralisée.
La proposition de la solution « Opt-Out »
Le Conseil central des assureurs allemands (GDV) préconise plutôt des mesures d’adaptation au changement climatique et des investissements dans la prévention, ainsi qu’un système « Opt-Out ». Dans ce cadre, tous les assurés bénéficieraient d’une offre incluant la couverture contre les risques naturels, mais pourraient choisir de la refuser activement.
Cependant, Oliver Brand critique ce modèle : ceux qui auraient les primes les plus élevées et les risques les plus importants seraient les plus enclins à renoncer à cette protection, ce qui annulerait l’effet positif d’une assurance obligatoire. De plus, le GDV suppose que les optants renonceraient aussi à toute aide publique, ce qui semble peu réalisable juridiquement. Un système Opt-Out efficace devrait au minimum garantir un « socle » de protection, même pour ceux qui refusent la couverture complète.
Exemple australien et question d’un « basisschutz »
Un assureur propose en Allemagne un minimum de protection automatique pour les propriétaires refusant la couverture complète contre les catastrophes naturelles, avec une franchise élevée de 100 000 euros en cas de sinistre total. Oliver Brand considère que ce type de produit n’est pas une vraie solution, car il oblige les sinistrés à reconstruire à l’identique sur un terrain à risque, comme ce fut le cas dans la vallée de l’Ahr.
À l’inverse, en Australie, notamment dans la province du Queensland, les autorités imposent une reconstruction obligatoire mais sur un autre terrain moins exposé, encourageant ainsi un mode d’habitation adapté aux risques naturels.
En ce sens, une alternative intéressante serait d’introduire un « basischutz » ou protection de base, correspondant à une somme forfaitaire d’environ 100 000 euros, permettant aux sinistrés de redémarrer leur vie sans reconstruire systématiquement au même endroit. Selon la Deutsche Aktuarvereinigung, cette couverture pourrait être proposée à un coût modéré, inférieur à une centaine d’euros par an, un montant raisonnable même en le répartissant sur les charges locatives.
Un consensus politique en voie de formation
Sur le plan politique, le climat semble favorable à une assurance obligatoire contre les risques naturels. La disparition de la FDP, qui s’opposait à cette obligation, laisse la voie libre à une majorité favorable au Bundestag. La coalition actuelle devrait réunir un soutien à diverses formes d’obligation, allant d’un modèle proche de celui français à une solution avec option de renonciation encadrée.
Les partis comme l’AfD, les Verts, la SPD et probablement la gauche soutiennent l’idée d’une assurance obligatoire, tandis que la CDU/CSU penche pour une obligation modulée. L’absence d’opposition significative et la menace constante de nouveaux sinistres majeurs laissent penser qu’une telle réforme verra bientôt le jour, idéalement accompagnée de mesures réglementaires et préventives.