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Attaques israéliennes sur le Yémen : quel impact pour les Houthis ?
Au cœur des violentes attaques israéliennes sur le Yémen, censées répondre aux offensives des Houthis contre Israël, une nouvelle inattendue venue des États-Unis a brièvement bouleversé la situation.
Le président américain Donald Trump a annoncé mardi qu’un cessez-le-feu avait été conclu entre son pays et les Houthis, affirmant que ces derniers avaient plié le genou, ce qu’il considérait comme une victoire pour les États-Unis. Il a également salué leur bravoure et leur résilience.
Cette annonce impliquait que les États-Unis cesseraient de bombarder le Yémen et que les Houthis arrêteraient leurs tirs sur les navires en mer Rouge, en soutien aux Palestiniens de Gaza.
Curieusement, Israël n’a pas été mentionné dans cette déclaration, ce qui a été interprété par beaucoup comme un possible refroidissement des relations entre Trump et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.
Les Houthis ont quant à eux précisé que l’accord ne concernait pas Israël et qu’ils poursuivraient leurs attaques tant que l’aide humanitaire ne serait pas autorisée à entrer à Gaza, mettant fin à la famine imposée à la population locale.
Israël laissé de côté ?
Israël a intensifié ses attaques sur le Yémen, affirmant vouloir dissuader les Houthis, qui contrôlent Sanaa depuis 2014 et affrontent depuis des années le gouvernement yéménite reconnu internationalement.
Dimanche, le porte-parole israélien en langue arabe a publié un message inquiétant, rappelant les frappes israéliennes sur la population piégée de Gaza, en lançant des « avertissements » aux habitants de trois ports yéménites dans le gouvernorat de Hodeidah, les exhortant à fuir. Finalement, aucune attaque n’a eu lieu.
Il reste à voir si ces actions erratiques sont une réaction au cessez-le-feu annoncé par les États-Unis, mais de nombreux analystes évoquent un fossé grandissant entre Netanyahu et Trump.
Selon des informations, Netanyahu aurait exprimé en privé sa frustration face à la politique américaine au Moyen-Orient, notamment concernant les négociations avec l’Iran, qu’il rejette en affirmant qu’aucune résolution diplomatique n’est possible. Pourtant, les discussions entre Washington et Téhéran se poursuivent.
Netanyahu a aussi imputé à l’Iran la responsabilité des attaques des Houthis, qualifiant les frappes israéliennes de message adressé aux « sponsors des Houthis ».
Trump, de son côté, semble indifférent à ces tensions. Selon Nicholas Brumfield, analyste du Yémen, « il est notable que Trump n’ait rien dit sur les attaques des Houthis contre Israël, qui semblent se poursuivre malgré cette escalade ».
Il ajoute que ce retrait des États-Unis est lié au fait que les Houthis n’attaquent plus le trafic maritime international mais ciblent Israël, tandis que les États-Unis poursuivent leurs opérations contre les navires américains.
Promesses de représailles houthies
Suite aux attaques israéliennes lundi et mardi ayant fait au moins trois morts, 35 blessés, et causé des dégâts au port de Hodeidah et à l’aéroport de Sanaa, les Houthis ont promis des représailles.
Dans un communiqué, le bureau politique houthi a affirmé que ces attaques « ne resteraient pas sans réponse ».
Ce type de déclaration est caractéristique des Houthis, qui ont résisté plus d’une décennie face à des forces disposant de capacités militaires bien supérieures.
Les frappes aériennes menées par les États-Unis et le Royaume-Uni début 2024 n’ont pas réussi à stopper les attaques des Houthis sur le trafic en mer Rouge.
Les années de frappes aériennes menées par une coalition dirigée par l’Arabie saoudite, soutenant le gouvernement yéménite reconnu, ont appris aux Houthis à maintenir une flexibilité militaire.
Un haut responsable américain, sous couvert d’anonymat, a confié à Al Jazeera que les récentes attaques américaines ont poussé les dirigeants houthis à se cacher après la mort de plusieurs commandants clés.
Cependant, contrairement à l’administration Biden, les frappes sous Trump ont été plus indiscriminées, entraînant un nombre plus élevé de victimes civiles. Depuis la mi-mars, plus de 250 personnes ont péri dans les frappes américaines, dont au moins 68 dans un centre de détention pour réfugiés africains fin avril.
Les experts affirment que malgré cette intensification, les Houthis ne seront pas dissuadés.
« Les Houthis ne vont pas s’arrêter », conclut Nicholas Brumfield.
Israël continue ses frappes
Les Houthis maintiennent leur position concernant l’accord avec les États-Unis, poursuivant leurs attaques sur Israël, qui a clairement indiqué son intention de continuer les frappes.
Hannah Porter, analyste indépendante spécialisée sur le Yémen, estime que les objectifs israéliens de dissuasion ou de réduction des capacités militaires des Houthis sont irréalistes.
Israël considère avoir affaibli les capacités de deux de ses principaux ennemis, le Hezbollah au Liban et le Hamas à Gaza, ces 19 derniers mois.
Mais, d’après Porter, s’attaquer aux Houthis représente un défi beaucoup plus complexe :
- Le renseignement sur les Houthis est moins développé que pour le Hamas ou le Hezbollah, rendant la traque des leaders plus difficile.
- La zone géographique est beaucoup plus vaste dans le nord du Yémen, avec un grand nombre de cibles potentielles.
- Le terrain montagneux offre de nombreux refuges pour les combattants et les armes.
Pour l’instant, Israël et les Houthis semblent déterminés à poursuivre leur cycle d’attaques. Ce sont les populations yéménites qui en pâtiront en premier.
Israël a frappé plusieurs cibles ces derniers jours, notamment l’aéroport de Sanaa et le port de Hodeidah, ce qui risque d’aggraver la situation humanitaire déjà catastrophique.
Au moins trois avions civils ont été détruits lors de ces attaques.
Une crise humanitaire exacerbée
Le Yémen connaît déjà l’une des pires crises humanitaires mondiales. Plus de 18,2 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire et de services de protection, selon les Nations unies.
Plus de 17,1 millions souffrent de pénuries alimentaires aiguës, et environ cinq millions sont au bord de la famine.
Les experts estiment que si les attaques israéliennes sur les ports ne constitueront pas un « coup de grâce », elles s’ajoutent à un ensemble de facteurs qui plongent de nombreux Yéménites dans une situation toujours plus précaire.
Raiman Al-Hamdani, chercheur sur le Yémen pour la société internationale de développement ARK, explique :
- La destruction des deux principaux ports du nord du Yémen, où vit la majorité de la population,
- La désignation des Houthis comme organisation terroriste étrangère (FTO), entraînant une réduction de l’aide mondiale,
- La détérioration de l’économie locale,
… constituent une recette pour une catastrophe humanitaire sans précédent.
Al-Hamdani ajoute que les attaques israéliennes « s’inscrivent dans une stratégie de vengeance visant les infrastructures civiles et cherchant à créer des souffrances humaines ».
Pour l’instant, aucune des deux parties ne semble prête à faire preuve de retenue.
« Je ne vois rien de positif sortir de cette situation, à moins qu’un cessez-le-feu ne soit conclu pour le conflit que mène Israël à Gaza », conclut Al-Hamdani.