Brave1 est une plateforme du ministère ukrainien de la Transformation numérique qui associe les unités militaires à un système d’échange de points pour l’achat de drones et d’équipements sur le front. Lancé en août 2024, ce dispositif vise une décentralisation des commandes et une saine compétition entre les brigades, selon ses promoteurs. Des témoignages de soldats et d’analystes montrent que cette approche transforme la manière de mener la guerre tout en posant des questions éthiques et opérationnelles.
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Brave1 et le fonctionnement du système
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Le principe est simple: chaque action ciblée sur le front peut être convertie en points et dépensée pour choisir des drones, avec des prix variant entre deux et plusieurs dizaines de points selon les modèles. « C’est une décentralisation complète », affirme à l’AFP Andriï Hrytseniouk, directeur de la plateforme. Le système ne vise pas à remplacer les ordres de la hiérarchie mais à offrir une plus grande flexibilité aux brigades.
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« C’est une décentralisation complète », affirme à l’AFP le directeur de la plateforme, Andriï Hrytseniouk.
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Le ministère assure que Brave1 organise les achats et que les pilotes peuvent laisser des retours sur les équipements, dans une logique de « premier Amazon militaire du monde ». Le programme est présenté comme une façon de moderniser une armée critiquée pour ses rigidités héritées de l’époque soviétique. Avec Brave1, les coordinateurs peuvent augmenter le nombre de points attribués à chaque cible selon les menaces dans chaque zone du front, souligne un responsable.
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Mais les soldats affirment que le système ne remplace pas les commandes centralisées et n’incite pas à contourner la hiérarchie.
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« Notre mission est toujours la priorité, pas les points ou les classements », dit un officier du régiment Achilles, qui se fait appeler Foma.
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Dans les armées ukrainiennes, certains pilotes affichent une fierté pour leur régiment, tout en reconnaissant le malaise induit par l’alliance entre jeu vidéo et combat.
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« Lafayette », un pilote de drones au sein d’Achilles, explique avoir été extrêmement fier de voir le nom de son régiment dans le dernier classement en date. Mais cet homme de 37 ans, qui travaillait dans l’informatique avant le début de la guerre, comprend que ce mélange entre jeux et guerre puisse mettre mal à l’aise. « Quand j’essaie de me remettre dans la peau d’un civil et d’y réfléchir, c’est un peu gênant », admet-il.
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Ces éléments montrent que Brave1 peut influencer les décisions opérationnelles, tout en exposant les soldats à des réflexions éthiques sur la violence et le rôle des jeux dans le conflit.
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Réactions humaines et enjeux
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Des témoignages soulignent que les combats et les pertes humaines restent au cœur du récit. Selon l’un des soldats, les drones ont été responsables de la plupart des pertes humaines et le système soulève des questions sur la perception morale des actions sur le terrain.
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Finalement, « on l\’a tué », dit-il. « J\’ai ressenti un peu de vide dans mon âme ».
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Roubik, soldat du groupe de reconnaissance du 3e corps d\’armée, décrit comment le dispositif peut influencer les choix et rappelle que la technologie ne supprime pas l’angoisse ni le coût émotionnel des combats.
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Si des responsables présentent Brave1 comme un levier d’innovation, les témoignages et les analyses soulignent aussi le dilemme éthique que pose une économie de points forgée dans le feu de la guerre.