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La ville d’Akjoujt, capitale de la région de l’Inchiri dans le nord-ouest de la Mauritanie, illustre un contraste saisissant entre sa richesse en ressources minérales rares — telles que l’or, le cuivre et le manganèse — et les conditions de vie difficiles que subissent ses habitants.
Située à environ 250 kilomètres de la capitale Nouakchott, Akjoujt est l’un des principaux centres miniers du pays, abritant des mines stratégiques comme Tasiast et Guelb Moghrein. Pourtant, malgré ce positionnement clé, la ville fait face à une crise de l’eau persistante qui affecte profondément le quotidien des 12 000 habitants recensés par la délégation nationale au recensement de la population.
La majorité des résidents vivent dans des quartiers qui manquent des infrastructures essentielles, tandis que des centaines de milliers d’onces d’or sont extraites et que des milliers de tonnes de cuivre et de manganèse sont exportées.
Malgré les programmes gouvernementaux successifs, les solutions apportées restent partielles, et les citoyens dénoncent de plus en plus un sentiment d’injustice et de marginalisation.
La richesse qui ne calme pas la soif
Akjoujt est emblématique du décalage entre une économie riche et la privation quotidienne des habitants. Ce paradoxe est source d’inquiétude constante pour la population, qui voit ses ressources naturelles exploitées sans bénéficier des infrastructures minimales nécessaires à une vie décente.
La crise de l’eau est aggravée par la quasi-dépendance de la ville à la société Mauritanienne de Cuivre (MCM) pour l’approvisionnement en eau potable. Cette situation place les habitants à la merci des politiques internes et des rapports de cette entreprise.
- MCM ne fournit qu’un tiers des besoins en eau de la population.
- Cette insuffisance entraîne des pénuries récurrentes et des plaintes continues.
- Parallèlement, de grandes quantités d’eau sont utilisées dans le traitement des minerais sans contrôle rigoureux de l’impact environnemental ou social.
La qualité de l’eau pose également problème. Des cas de pollution sont fréquemment signalés, aggravant les problèmes de santé et obligeant les habitants à acheter de l’eau à prix élevé auprès de citernes mobiles.
Origines de la crise de l’eau
La pénurie d’eau est étroitement liée à l’activité minière. L’entreprise MCM monopolise les ressources hydriques, priorisant leur usage pour le traitement minéral plutôt que pour les besoins humains.
Cette activité contribue à la pollution de certaines sources d’eau, mettant en danger la santé publique et augmentant les risques de maladies hydriques.
Pour remédier à cette situation, une intervention urgente des pouvoirs publics et des acteurs concernés est nécessaire afin de garantir l’accès à une eau propre et en quantité suffisante. Il faut aussi instaurer un contrôle strict de l’utilisation des ressources par les sociétés minières, tout en développant les infrastructures d’eau potable et d’assainissement.
Lors d’une visite sur place, de nombreux habitants ont exprimé leur frustration face à la détérioration injustifiée de la situation alors que de grandes entreprises exploitent pleinement les ressources hydriques.
- L’accès à l’eau est devenu une tâche difficile, requérant temps, effort et argent.
- Le maire adjoint d’Akjoujt, Mokhtar Salem Mohamed Abou Bakr, a déclaré que les besoins quotidiens en eau s’élèvent à plus de 3,5 millions de litres, alors que seulement environ 1,2 million de litres sont disponibles.
- Ce déficit pousse les citoyens à recourir à des citernes mobiles provenant de zones éloignées, ce qui pèse lourdement sur les foyers à faible revenu.
Dans le quartier de Matel, Mohamed Al-Amin, vendeur de vêtements d’occasion, témoigne que sa famille dépense plus de 180 ouguiyas par jour pour s’approvisionner en eau potable, soit près de 4,5 dollars américains.
Les habitants dénoncent un manque de coordination entre les autorités et estiment que celles-ci ne font pas assez pression sur les compagnies minières pour qu’elles participent à la résolution durable de la crise. Certains craignent aussi la contamination des nappes phréatiques par les activités minières, en raison d’une faible surveillance environnementale.
Production minière dans la région de l’Inchiri
Malgré ces difficultés, Akjoujt demeure un pôle majeur d’extraction minière en Mauritanie. Selon les rapports officiels publiés par la société Kinross, la mine Tasiast a produit environ 138 000 onces d’or au premier trimestre 2025, témoignant d’une production stable.
En 2024, la région a généré un total de 653 872 onces d’or, dont 95 % provenaient de la mine Tasiast (622 394 onces). Cela confirme la prédominance de cette entreprise dans le secteur aurifère.
Par ailleurs, la société Mauritanienne de Cuivre (MCM) a extrait 31 478 onces d’or, principalement axée sur l’extraction du cuivre. En 2024, la production de cuivre s’est élevée à 17 792 tonnes, accompagnée de 558 657 tonnes de manganèse, soulignant le potentiel géologique important et l’expansion des activités minières.
Ces chiffres illustrent la vigueur du secteur minier de la région, qui est devenu un moteur essentiel de devises étrangères pour le pays via l’exportation de l’or et d’autres minerais.
Cependant, le bénéfice social local de cette richesse demeure largement contesté, en l’absence d’initiatives de développement financées par ces recettes.
Malgré les profits colossaux et les avantages fiscaux dont bénéficient les entreprises, les retombées pour la population sont quasi inexistantes. Les contrats miniers sont souvent attribués avec peu de transparence, suscitant des doutes sur les gains réels de l’État, renforcés par la faiblesse des contrôles financiers et environnementaux.
La mine Guelb Moghrein et son impact économique
La mine Guelb Moghrein, appartenant à MCM, figure parmi les plus grandes du pays. Exploitée depuis les années 1970, elle produit en moyenne 30 000 tonnes de cuivre par an, ainsi que près de 2 000 kilogrammes d’or associé.
Ce site est une pièce maîtresse de l’économie locale d’Akjoujt, et devait théoriquement constituer un levier de développement avec des retombées positives pour les habitants.
MCM a investi dans la modernisation de la mine, visant à accroître la production et à améliorer les normes environnementales et techniques. Toutefois, les bénéfices tangibles pour la ville restent très limités.
L’impact environnemental demeure une source majeure d’inquiétude : les rejets de déchets minéraux et de produits chimiques utilisés dans le traitement ne sont pas soumis à un contrôle suffisant.
Des témoignages locaux rapportent une augmentation de maladies dermatologiques et respiratoires parmi les habitants vivant à proximité des zones de décharge.
À qui profite réellement cette richesse ?
Les habitants s’interrogent sans relâche sur le devenir des revenus générés par leurs ressources naturelles, alors que les autorités n’ont pas établi de stratégie claire liant l’exploitation minière au développement local.
Les militants réclament la mise en place d’un modèle de développement durable, associant extraction des richesses et redistribution équitable, notamment par la création d’un fonds de développement dédié à Akjoujt alimenté par une part définie des bénéfices des sociétés minières.
Ils appellent aussi à imposer des obligations sociales explicites dans les contrats des entreprises, encadrées par un comité de suivi indépendant réunissant l’État, la société civile et les habitants.
Lors d’une récente manifestation, le député local, Sidi Ahmed Mohamed El Hassan, a exigé une révision des contrats miniers et l’instauration d’engagements concrets des entreprises, incluant l’approvisionnement en eau, électricité et le renforcement des infrastructures.
Pauvreté et chômage
Malgré l’importance des activités minières, la majorité des jeunes d’Akjoujt n’en tirent aucun avantage en raison du manque de formation professionnelle adaptée et de politiques locales peu incitatives à l’embauche de la main-d’œuvre locale.
Le taux de pauvreté et de chômage est alarmant, les emplois dans le secteur étant majoritairement occupés par des travailleurs étrangers ou temporaires venus d’ailleurs.
Le secteur privé est quasi inexistant, les marchés commerciaux très réduits et vétustes, avec un seul marché en ville, souffrant d’abandon et de faible activité économique.
La situation d’Akjoujt illustre les risques majeurs liés au sentiment d’injustice sociale et de marginalisation dans une région riche en ressources naturelles.
Les habitants expriment un profond mécontentement face à la perpétuation de l’exploitation de leur richesse minérale sans amélioration concrète de leurs conditions de vie.
Ce ressentiment résulte souvent de la pauvreté croissante, du manque de services essentiels et de l’injustice dans la répartition des richesses.
Certains membres du parti au pouvoir ont rejoint les critiques, dénonçant les contrats miniers conclus avec des sociétés étrangères qui n’offrent pas de retombées palpables à la population locale.
Une « état dans l’État »
Les entreprises minières, en particulier la Société Mauritanienne de Cuivre (MCM), jouent un rôle prépondérant dans l’économie locale, gérant la mine Guelb Moghrein.
Les habitants considèrent que cette société contrôle de manière excessive les ressources naturelles et la vie de la ville, fonctionnant comme un « État dans l’État » du fait de son monopole sur l’eau et de sa domination sur les revenus miniers.
Les contrôles efficaces pour évaluer leur contribution au développement local font défaut.
Des rapports locaux font état d’incidents de pollution, parmi lesquels des fuites de produits chimiques toxiques provenant de la mine, ayant provoqué une dégradation de la santé des habitants et la mortalité de certains animaux d’élevage.
Les habitants estiment que ces problèmes environnementaux n’ont pas reçu l’attention requise de la part des autorités et de la société minière, qui n’ont pas instauré de sanctions dissuasives ni de mesures correctives rapides.