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Stabilisation de l’inflation et baisse des taux d’intérêt par la BCE
Les signes d’un changement de cycle économique se multiplient : avec une inflation qui se stabilise, la Banque Centrale Européenne (BCE) a récemment décidé de diminuer à nouveau ses taux d’intérêt. Cette décision est de nature à réjouir les emprunteurs, bien que certains risques demeurent.
Un virage pris par les banques centrales
Les principales banques centrales occidentales affichent désormais un lâcher-prise sur leur politique monétaire. Alors que l’inflation connaît une tendance baissière, la décision de baisser les taux d’intérêt semble désormais irréversible. Par exemple, après avoir atteint un sommet d’inflation de 10,6 % en zone euro en octobre 2022, la BCE prévoit une augmentation modérée des prix de seulement 2,2 % en 2024 par rapport à l’année précédente. C’est dans ce contexte qu’elle a procédé à une seconde réduction de ses taux directeurs en septembre, suivant une première baisse intervenue en juin.
De l’autre côté de l’Atlantique, la Réserve fédérale des États-Unis a également franchi le pas en abaissant ses taux pour la première fois mi-septembre, persuadée que le risque de réactiver l’inflation était désormais écarté.
Selon Eric Dor, directeur des études à l’Ieseg, « la BCE n’a pas eu besoin d’attendre la banque centrale américaine pour réduire ses taux ». Il ajoute que la situation est plus favorable pour l’institution européenne, lui permettant ainsi de poursuivre cette voie sans craindre une dévaluation de l’euro face au dollar, un phénomène qui pourrait entraîner une inflation importée.
Un impact sur le financement des entreprises et des ménages
Ces baisses des taux d’intérêt devraient, par ricochet, réduire le coût de financement des banques et, par conséquent, faire diminuer le coût des emprunts pour les entreprises et les ménages, notamment en ce qui concerne les crédits immobiliers. Après une chute continue depuis début 2022, le volume des nouveaux prêts à l’habitat en France a rebondi en avril, anticipant ces réductions de taux, et cette tendance à la hausse devrait se poursuivre. Les taux des nouveaux crédits immobiliers devraient également continuer à diminuer après avoir dépassé 4 % au début de l’année.
Défis liés à la sortie des politiques non conventionnelles
Toutefois, pour que ces évolutions se concrétisent, les banques centrales, en particulier la BCE, doivent surmonter un défi de taille : assurer une transition fluide hors des politiques dites « non conventionnelles », mises en place suite à la crise financière. Ces mesures, instaurées principalement après 2014, ont consisté à injecter d’importantes liquidités dans le système financier via divers programmes d’achat d’actifs, totalisant plus de 6 000 milliards d’euros entre 2008 et 2022.
A partir de 2022, la BCE, concentrée sur la lutte contre l’inflation – qui trouve son origine davantage dans des goulets d’étranglement logistiques post-Covid et les restrictions énergétiques consécutives à la guerre en Ukraine que dans des facteurs monétaires – a commencé à augmenter ses taux et à réduire progressivement ces programmes.
Comme explique Miklos Vari, professeur à l’Essec Business School, « les obligations issues du programme APP, lancé en 2014, ne sont plus réinvesties lorsque leurs échéances arrivent ». Cela implique que chaque fois qu’un État rembourse une partie de sa dette, le bilan de l’Eurosystème se réduit, affectant ainsi la liquidité des banques.
Maintenir un excédent global de liquidités
Un précédent préoccupant hante les banquiers centraux depuis 2019, aux États-Unis. En effet, le pays avait entamé une restriction de sa politique monétaire plus tôt que l’Europe, entraînant une volatilité imprévue et une hausse inattendue des taux sur le marché monétaire. Cela a abouti à des coûts de prêt élevés pour les banques manquant de liquidités, un scénario qu’il est crucial d’éviter.
Pour prévenir ce risque, la BCE a mis en œuvre une modification en mars de sa politique monétaire, visant à rapprocher deux taux directeurs. Cette mesure a été appliquée en septembre, alignant le taux de refinancement, coût d’emprunt pour les banques, et le taux de facilité de dépôt, rémunération des réserves laissées à la BCE. Ce rapprochement réduit ainsi les coûts de financement.
Eric Dor souligne que l’objectif est de conserver un léger excédent de liquidités au sein des banques, sans recourir aux achats de titres, comme par le passé. Miklos Vari ajoute que le portefeuille d’actifs de la BCE peut certes prendre de la valeur, mais aussi en perdre, compte tenu des pertes subies, estimées à environ 3 % du PIB de la zone euro en raison de l’inflation.
Traditionnellement, la mission de la BCE a consisté à garantir un système financier non asséché. Cependant, les méthodes de cette intervention évoluent avec le temps. Avant la crise financière, les besoins des banques étaient stricts, mais la réponse à la crise a engendré un excédent de liquidités dont nous sortons progressivement. Le retour à la situation d’avant 2008 s’annonce difficile.
La BCE vise à irriguer le système bancaire de manière plus vaste, maintenant un léger excédent de liquidités en raison des besoins changeants des banques, notamment à cause des ratios de liquidité imposés par la réglementation de Bâle III. Ces règles obligent les banques à conserver une réserve de liquidités supérieure à celle d’avant, afin de faire face à d’éventuelles crises.
En conclusion, maintenir un excédent global de liquidités dans le secteur financier pourrait théoriquement rendre les taux d’intérêt plus prévisibles pour les ménages, les entreprises et les États, qui sont désormais beaucoup plus endettés qu’il y a quinze ans, rendant ainsi essentiel le suivi des taux d’intérêt pour évaluer la soutenabilité de cet endettement.