Home ActualitéBusinessEconomie et financeBig Data : quand les entreprises transforment l’homme en point de données

Big Data : quand les entreprises transforment l’homme en point de données

by Sara
Monde, États-Unis, Chine, Europe, pays arabes

La révolution du Big Data dépasse aujourd’hui le seul cadre d’une transition numérique : elle reconfigure les connaissances, l’économie et la politique à l’échelle mondiale. Les données sont passées d’un simple sous-produit des activités humaines à un capital stratégique, renouvelable et extensible, que certains qualifient de « nouvel or ». Qui contrôle ces flux d’informations influe désormais sur les rapports de force internationaux et sur la vie quotidienne des individus.

Une explosion spectaculaire du volume des données

La croissance du volume de données produites est vertigineuse et difficile à concevoir. Les chiffres récents témoignent d’une accélération rapide :

  • 2019 : environ 41 zettaoctets produits dans le monde (1 zettaoctet = un milliard de téraoctets).
  • 2020 : 59 zettaoctets (point de comparaison notable).
  • 2022 : passage à 101 zettaoctets.
  • Fin 2025 (estimation) : près de 463 exaoctets produits chaque jour (1 exaoctet = un million de téraoctets).

Cette progression signifie qu’en quelques années seulement l’humanité produit des volumes de données surpassant ceux accumulés au long de son histoire. Mais la valeur ne réside pas uniquement dans la quantité : elle tient surtout à la capacité à transformer ce flux en connaissances exploitables.

Le rôle central de l’intelligence artificielle

L’intelligence artificielle est l’outil principal qui permet d’extraire du sens des masses de données. Elle détecte des modèles invisibles à l’œil humain et génère des prévisions prédictives utiles aux décideurs.

Les estimations économiques prévoient que l’IA pourrait apporter près de 19,9 billions de dollars à l’économie mondiale d’ici 2030, soit environ 3,5 % du produit intérieur brut. Investir dans les capacités d’analyse devient donc une nécessité stratégique pour rester compétitif.

Tendances technologiques et protection des données

Plusieurs innovations techniques redessinent la gestion des données :

  • Analyses en temps réel pour des décisions instantanées sur les marchés et les chaînes d’approvisionnement.
  • Informatique en périphérie (edge computing) pour réduire la latence des applications connectées, comme l’Internet des objets et les véhicules autonomes.
  • Techniques de confidentialité, notamment la confidentialité différentielle et le chiffrement, pour protéger l’information face à des menaces croissantes.
  • Données synthétiques utilisées pour entraîner des algorithmes sans exposer des données sensibles.
  • La promesse de l’informatique quantique, capable de résoudre des complexités mathématiques hors de portée des ordinateurs classiques.

Ces avancées renforcent la puissance d’analyse tout en posant des exigences nouvelles en matière de sécurité et d’éthique.

Concentration du pouvoir et enjeux géopolitiques

La maîtrise des données est devenue une source de pouvoir politique et économique. De grandes entreprises technologiques ont émergé comme des centres d’influence comparables, voire supérieurs, à certains États.

Le face-à-face entre les États-Unis et la Chine prend la forme d’une « guerre des données », tandis que l’Europe tente de répondre par des cadres réglementaires stricts, à l’image du Règlement général sur la protection des données (RGPD).

Au cœur de ce rapport de force, la capacité à contrôler les flux et la gouvernance des données déterminera la souveraineté numérique des acteurs internationaux et régionaux.

Questions éthiques : l’humain réduit-il à un point de donnée ?

La transformation des comportements humains en données soulève des interrogations profondes. Jusqu’où les entreprises peuvent-elles suivre les mouvements et les choix des individus pour en faire une marchandise ?

Les algorithmes qui évaluent les candidats à un emploi, l’accès au crédit ou les opportunités éducatives peuvent façonner l’avenir d’une personne sans transparence ni recours évident. Il faut dès lors trouver un équilibre entre innovation, protection de la vie privée et droits fondamentaux.

Impact environnemental et infrastructures

La croissance du Big Data repose sur des infrastructures massives : centres de données répartis sur plusieurs continents. Ces installations consomment d’énormes quantités d’énergie et contribuent aux émissions de carbone.

La transition vers des énergies renouvelables et l’amélioration de l’efficacité énergétique des centres de données sont devenues des priorités pour éviter que l’essor numérique ne devienne un fardeau écologique majeur.

Situation et opportunités dans le monde arabe

Le paysage arabe présente des spécificités : la région consomme souvent plus de données qu’elle n’en produit et dépend largement d’infrastructures et de plateformes étrangères. Cette dépendance limite la souveraineté numérique et la valeur captée localement.

Pourtant, la région dispose d’un atout majeur : une population jeune. Les moins de trente ans représentent plus de la moitié de la population dans de nombreux pays, offrant une base humaine importante à condition d’être formée aux compétences numériques.

Le défi consiste à transformer cette ressource démographique en forces d’innovation plutôt qu’en simple marché consommateur.

Axes d’action pour une souveraineté numérique régionale

La construction d’une stratégie régionale peut permettre aux pays arabes de tirer profit du Big Data. Parmi les mesures prioritaires :

  1. Créer des centres de données régionaux alimentés par des énergies renouvelables pour assurer souveraineté et résilience.
  2. Élaborer des cadres législatifs protégeant la vie privée et adaptés aux valeurs locales.
  3. Investir massivement dans la formation numérique et les compétences en intelligence artificielle.
  4. Soutenir les startups locales spécialisées en IA, cybersécurité et gestion des données.
  5. Favoriser des alliances régionales pour construire des économies de données capables de concurrencer les monopoles globaux.

Ces actions exigent volonté politique, investissements ciblés et coopération entre secteurs public et privé.

Un tournant historique

La révolution du Big Data n’est pas un simple progrès technique : elle redéfinit les notions de souveraineté, de richesse et de pouvoir au XXIe siècle. Celui qui sait exploiter et gouverner les données a la capacité de dessiner l’avenir économique et politique.

La région arabe se trouve à un carrefour : rester consommatrice marginale ou devenir un acteur influent. La seconde option demande une vision stratégique, des infrastructures adaptées et une mobilisation des talents locaux pour écrire, en données, une nouvelle page de son histoire.

source:https://www.aljazeera.net/opinions/2025/10/11/%d8%b4%d8%b1%d9%83%d8%a7%d8%aa-%d8%aa%d8%ac%d8%b3%d8%b3-%d8%b9%d9%84%d9%89-%d8%a7%d9%84%d8%a5%d9%86%d8%b3%d8%a7%d9%86-%d9%88%d8%aa%d8%ad%d9%88%d9%84%d9%87-%d9%84%d9%80%d9%86%d9%82%d8%b7%d8%a9

You may also like

Leave a Comment