Home ActualitéBusinessEconomie et financeDéclin du secteur coopératif du logement en Syrie : pertes et espoirs

Déclin du secteur coopératif du logement en Syrie : pertes et espoirs

by Sara
Syrie

Le secteur du logement coopératif en Syrie connaît un déclin majeur qui a privé de nombreux souscripteurs d’une solution d’accès à un logement abordable. Entre 2003 et 2024, des dysfonctionnements administratifs, des dépassements juridiques et des cas de corruption ont conduit à la dissolution de l’organe central de supervision et à la reprise du contrôle par le ministère des Travaux publics et du Logement. Ce contexte a accentué la crise du logement et fragilisé l’épargne des ménages modestes, faisant du « logement coopératif Syrie » un enjeu central pour les familles affectées.

Défaillances structurelles et décisions administratives

Les autorités ont expliqué le transfert de la supervision au ministère par la détérioration des performances du secteur et l’augmentation des erreurs. Des enquêtes judiciaires et des commissions d’inspection ont été ouvertes suite à la découverte de dysfonctionnements et de manquements au sein de plusieurs associations.

Malgré des assurances publiques sur la protection des droits des souscripteurs, l’annonce par les responsables d’une corruption importante et du refus de certaines associations de fournir des données fiables a alimenté un climat d’incertitude.

Chiffres clés : associations, souscripteurs et fonds

Les rapports officiels font état d’environ 3 248 associations de logement déclarées, regroupant près d’un million de souscripteurs. Les montants versés par ces derniers sont significatifs dans plusieurs provinces :

  • Alep : 65,3 milliards de livres syriennes.
  • Périphérie de Damas : 41,4 milliards de livres.
  • Homs : 37 milliards de livres.
  • Autres provinces : environ 1 milliard de livres.

La valeur des terrains acquis par ces associations est également importante : 25,6 milliards de livres à Damas, 6,3 milliards en périphérie de Damas et 1,2 milliard à Alep.

Héritage des anciennes politiques et manque de transparence

Le secteur du logement coopératif remonte aux orientations socialistes de l’économie syrienne sous le régime précédent. Pendant des années, les coopératives ont bénéficié de terrains à prix très bas, d’incitations administratives et d’avantages pour l’achat de matériaux de construction.

Mais une étude conjointe de chercheurs a relevé des lacunes persistantes : absence de vision à long terme, déconnexion entre la politique du logement et les indicateurs démographiques ou urbains, lenteur et mauvaise exécution des projets, et complexité législative. Ces faiblesses ont réduit la capacité du secteur à répondre à la demande croissante.

Performance insuffisante face à la demande

Avant le conflit de 2011, le déficit annuel moyen en logements était estimé à environ 130 000 unités. Même lors des années les plus productives (2005–2010), le logement social et coopératif ne couvrait pas plus de 20 % de la demande annuelle.

La onzième planification quinquennale (2011–2015) avisait des contributions modestes : 10 % pour le secteur public et 12 % pour le secteur coopératif, alors que le besoin lié à la croissance démographique était estimé à 550 000 logements.

Conséquences pour les souscripteurs : témoignage et réalité

Des souscripteurs comme Fatima, retraitée de 61 ans, témoignent des promesses non tenues. Inscrite depuis 2003, elle n’a vu sortir du sol que trois ou quatre logements sur les plus de 400 prévus par sa coopérative, alors qu’elle a versé environ 7 millions de livres sur deux décennies.

La dépréciation massive de la livre syrienne a effacé la valeur réelle des sommes versées : là où le dollar valait entre 45 et 90 livres lors des premiers paiements, il se négocie aujourd’hui entre 10 000 et 11 000 livres, privant les épargnants de leur pouvoir d’achat et de l’accès au logement attendu.

Crise multidimensionnelle et perte de capital

Un expert économique souligne quatre facteurs aggravants pour le secteur :

  • L’effondrement de la valeur de la monnaie, qui renchérit le coût de la construction.
  • Les retards prolongés dans la livraison des projets, qui augmentent les coûts définitifs.
  • La corruption administrative et la mauvaise gestion des fonds déposés dans certaines associations.
  • L’érosion de l’épargne des souscripteurs à faibles revenus, qui se trouvent entre continuer à payer des mensualités impossibles ou se retirer en perdant la valeur de leur capital.

La responsabilité des pertes est partagée : administrations des associations, organes de contrôle étatiques et politiques macroéconomiques n’ayant pas protégé l’épargne contre l’inflation et la dévaluation.

Mesures gouvernementales récentes et actions envisagées

Après le renversement du régime précédent, la nouvelle gouvernance a constitué une commission chargée d’examiner les associations coopératives et les plaintes des souscripteurs. Le ministre des Travaux publics et du Logement a annoncé la clôture des travaux de cette commission et plusieurs mesures concrètes.

Parmi les actions annoncées figurent :

  • La coordination avec la banque centrale pour débloquer les comptes bancaires des associations, sauf pour celles en cours d’examen.
  • Des poursuites légales contre les associations fictives et les responsables impliqués dans des détournements.
  • La restructuration des directions provinciales du logement coopératif et le renforcement de leurs équipes.
  • La création d’un bureau de réclamations dédié aux souscripteurs, rattaché directement au ministère.

Plan de financement immobilier et obstacles à l’importation de modèles

Le projet annoncé de financement immobilier s’inspire de modèles nordiques et nord-américains, visant la création d’une autorité de régulation et d’un fonds de garantie pour protéger emprunteurs et investisseurs.

Un spécialiste avertit cependant que ces modèles reposent sur un marché immobilier organisé, des institutions financières solides et des garanties publiques — éléments absents ou fragiles en Syrie. Les principaux obstacles identifiés sont :

  • Une faible capacité institutionnelle et un contrôle insuffisant.
  • L’absence d’un marché immobilier entièrement documenté et régulé.
  • La difficulté des ménages modestes à supporter des mensualités longues, même à taux faibles.
  • L’instabilité des taux de change, qui menace la viabilité des schémas de financement importés.

Voies possibles de redressement pour le secteur coopératif

Malgré les contraintes, des pistes d’amélioration sont avancées pour redresser le logement coopératif :

  • Réorganisation et restructuration des associations en difficulté, avec remplacement des administrations corruptes.
  • Intégration des coopératives réhabilitées dans un nouveau système de financement garanti.
  • Soutiens ciblés aux ménages à faibles revenus (subventions, prêts sans intérêt) pour renforcer leur capacité d’accès au logement.
  • Introduction d’options locatives organisées comme alternative à la propriété afin de réduire la pression sur la demande.
  • Réformes législatives garantissant transparence, redevabilité et protection des dépôts des souscripteurs.
  • Liaison des paiements des souscripteurs à un indice des prix ou à une devise plus stable pour préserver la valeur de l’épargne.
  • Numérisation du secteur via une plateforme unifiée pour la documentation des contrats et le suivi des projets.

Images illustratives

Le secteur immobilier et le vécu des habitants figurent au cœur des constats dressés par les enquêtes et témoignages.

Secteur de l'immobilier et du logement en Syrie

Mouvements immobiliers et inquiétudes après des événements sismiques

Perception du logement coopératif dans le contexte historique syrien

source:https://www.aljazeera.net/ebusiness/2025/9/13/%d8%b3%d9%88%d8%b1%d9%8a%d8%a7-%d8%a7%d9%84%d8%a5%d8%b3%d9%83%d8%a7%d9%86-%d9%81%d8%b3%d8%a7%d8%af

You may also like

Leave a Comment