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L’économie italienne traverse une période délicate marquée par une croissance faible, un endettement élevé et un renchérissement du coût de l’emprunt. Malgré sa place parmi les premières économies de la zone euro, l’Italie doit composer avec des pressions démographiques (baisse des naissances, vieillissement) et des tensions sociales et politiques qui compliquent la trajectoire économique.
La lecture conjointe des indicateurs macroéconomiques, budgétaires, démographiques et sociaux — du PIB à la dette, en passant par l’emploi et l’inflation — est essentielle pour évaluer les défis auxquels le pays est confronté en 2025.
Produit intérieur brut
Fin 2024, le produit intérieur brut (PIB) de l’Italie s’établissait autour de 2,19 billions d’euros (≈ 2,31 billions de dollars), la plaçant parmi les plus grandes économies mondiales en valeur nominale.
La croissance réelle enregistrée en 2024 a été d’environ 0,7 % par rapport à 2023 ; l’Institut national de statistique l’a estimée plus prudemment à 0,5 %. Les prévisions tablent sur un taux proche de 0,8 % pour 2025.
L’Italie occupe la 3e place dans la zone euro, derrière l’Allemagne et la France, et la 8e au niveau mondial. Son économie repose principalement sur les services (notamment le tourisme), l’industrie manufacturière et le commerce extérieur.
Dette publique, dette privée, déficit et coût des obligations
Dette publique
Fin 2024, la dette publique italienne atteignait environ 2,85 billions d’euros, soit près de 135 % du PIB. Pour mémoire, en 2010 la dette tournait autour de 1,85 billion d’euros (≈ 118 % du PIB), marquant une hausse d’environ un trillion d’euros et une augmentation de 17 points de pourcentage.
Cette accumulation fait de l’Italie l’un des pays les plus endettés au monde et renforce la sensibilité de l’économie aux variations des taux d’intérêt et aux évolutions de la confiance des marchés.
Dette du secteur privé
La dette du secteur privé (ménages et entreprises non financières) s’élevait fin 2024 à ~1,26 billion d’euros, soit 57,8 % du PIB. Elle se répartit approximativement en 49,4 % du PIB pour les entreprises non financières et 47,2 % pour les ménages.
Ce ratio a fortement diminué depuis 2011 (92,5 % du PIB), sous l’effet d’un resserrement du crédit bancaire, d’une moindre demande d’emprunt des PME et d’une préférence accrue des ménages pour l’épargne. Ce recul traduit une prudence financière mais aussi un manque d’investissement et d’innovation.
Dette extérieure
Au premier trimestre 2025, la dette extérieure totale (engagements vis-à-vis de créanciers étrangers) approchait 2,69 billions d’euros, soit environ 122 % du PIB. Ce niveau met en lumière la dépendance de l’Italie aux financements externes et sa vulnérabilité aux chocs sur les marchés internationaux.
Dette totale
En incluant la dette publique, la dette privée et les engagements des institutions financières, le total de l’endettement italien atteignait près de 6,7 billions d’euros fin 2024, soit environ 313 % du PIB. Même en tenant compte des recouvrements partiels entre postes, ce chiffre illustre l’ampleur et la complexité du fardeau de la dette.
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La montée de l’endettement renforce la sensibilité de l’économie italienne aux variations des taux et à la confiance des marchés.
Déficit budgétaire
En 2024, le déficit public italien s’est réduit à environ 3,4 % du PIB, soit ≈ 75,5 milliards d’euros, une amélioration significative par rapport à 2023 où il avait atteint près de 7,2 % du PIB.
Cette réduction reste fragile et contraint les marges de manœuvre pour des dépenses publiques additionnelles, notamment en investissement et protection sociale.
Obligations souveraines et coût du service de la dette
Les obligations d’État constituent l’outil principal du financement du déficit et du refinancement de la dette. Les rendements ont nettement augmenté ces dernières années.
Au 4e trimestre 2024, le rendement moyen des OAT à 10 ans était d’environ 3,46 %, puis il a grimpé à ~3,71 % au 1er trimestre 2025. Avant la pandémie, ces rendements oscill(ai)ent généralement entre 1 et 2 %.
Début 2025, l’État a émis une « obligation verte » 2037 avec un rendement effectif d’environ 4,1 %, signe que les investisseurs demandent des primes plus élevées pour détenir la dette italienne à long terme.
Une simple hausse de 0,5 point de pourcentage des taux sur un stock de dette publique de plus de 2,8 billions d’euros se traduit par des milliards d’euros supplémentaires de charges annuelles d’intérêts, limitant la capacité d’investissement public.
Sources de recettes et structure économique
Fin 2024, les recettes fiscales et les cotisations sociales obligatoires ont représenté environ 933,7 milliards d’euros, soit 42,6 % du PIB selon l’Institut national de statistique.
En 2023, les recettes fiscales s’élevaient à 882,6 milliards d’euros sur un total de 992,1 milliards de recettes gouvernementales, ce qui signifie que près de 89 % des revenus de l’État proviennent de l’imposition et des cotisations.
Cette forte dépendance aux recettes fiscales rend les finances publiques vulnérables à un ralentissement économique ou à une baisse de l’activité.
Répartition par secteur (données Eurostat 2023) :
- Services : ~72,5 % de la valeur ajoutée
- Industrie manufacturière : ~20,3 %
- Bâtiment : ~5,0 %
- Agriculture : ~2,2 %
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Le poids des services, et en particulier du tourisme, fait partie intégrante du modèle économique italien, aux côtés d’une base industrielle encore significative.
Démographie et fuite des compétences
Le paysage démographique italien s’aggrave : le taux de fécondité est tombé à 1,18 enfant par femme, le niveau le plus bas depuis 1995 et nettement inférieur au seuil de remplacement (2,1).
L’espérance de vie moyenne a atteint 83,4 ans, accentuant la pression du vieillissement sur les systèmes de santé et de retraite.
Environ 156 000 citoyens italiens ont émigré en un an, soulevant des préoccupations sur la fuite des compétences, tandis que le nombre de naturalisations a augmenté à 217 000, indiquant un recours croissant à l’immigration pour compenser le déclin démographique.
La taille moyenne des ménages est passée de 2,6 à 2,2 personnes en deux décennies, reflétant des transformations sociales et des implications pour la demande de logements et les services.
Inflation et prix de l’énergie
L’Italie a réussi à contenir l’inflation après la période post-pandémie : en août 2025, l’inflation annuelle était de 1,6 % (contre 1,7 % en juillet), restant ainsi sous l’objectif de 2 %.
La ventilation montre une hausse annuelle des prix alimentaires de 3,4 %, tandis que les prix de l’énergie ont reculé de 4,8 %, contribuant à stabiliser l’indice global.
Étant fortement dépendante des importations énergétiques (les importations pétrolières couvrant historiquement plus de 80 % des besoins), l’Italie demeure vulnérable à de nouvelles flambées des prix de l’énergie qui pourraient impacter l’inflation, la balance commerciale et le déficit public.
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Conflits et mouvements sociaux
L’Italie est habituée à des vagues régulières de protestations et d’arrêts de travail. Les mouvements syndicaux récents ont manifesté contre l’érosion du pouvoir d’achat et demandé des revalorisations salariales.
Les grèves massives des années 2023-2024, touchant les transports, la fonction publique et l’industrie, ont culminé en novembre 2024 avec des taux de participation dépassant 90 % dans certaines entreprises.
En 2025, les mobilisations se sont poursuivies pour la renégociation des contrats et l’augmentation des salaires. Si l’impact économique direct demeure mesuré, ces tensions entretiennent une instabilité politique susceptible d’affecter la confiance des investisseurs.
Climat politique
La cheffe du gouvernement, Giorgia Meloni, dirige une coalition conservatrice. Après un discours très à droite pendant la campagne, son action au pouvoir s’est montrée plus pragmatique, contribuant à une certaine stabilité politique.
Pourtant, la préparation du budget 2025 dans le respect de la règle européenne (déficit ≤ 3 % du PIB) pose des choix délicats : hausse des impôts ou réductions de dépenses, avec des risques de fissures au sein de la coalition.
La gestion des fonds du plan de relance européen demeure cruciale : accélérer les dépenses avant 2026 est indispensable pour éviter la perte de financements et limiter les critiques de l’opposition.
Par ailleurs, l’agenda constitutionnel proposé (élection directe du chef du gouvernement et réduction du rôle du Parlement) reste controversé et manque encore d’un soutien suffisant au sein de l’alliance dirigeante.
Les agences de notation surveillent de près la trajectoire budgétaire ; toute dérive ou instabilité politique pourrait fragiliser la notation souveraine et renchérir davantage le coût du financement.
Perspectives et tensions extérieures
Malgré des acquis tels que la maîtrise relative de l’inflation et une confiance des consommateurs en légère amélioration, les défis structurels persistent : dette publique élevée, hausse des coûts d’emprunt, croissance faible et productivité stagnante.
À ces facteurs internes s’ajoutent des tensions géopolitiques, notamment les répercussions de la guerre en Ukraine, qui pèsent sur la stabilité européenne et les perspectives économiques à moyen terme.
Reste la question centrale : l’Italie parviendra-t-elle à concilier discipline budgétaire, relance de l’investissement et cohésion politique pour préserver sa stabilité financière et son rôle au sein de la zone euro ?