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Un enregistrement diffusé le 27 septembre 2025 montre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, lors d’une rencontre avec des influenceurs à New York, qualifiant les plateformes sociales de « l’arme » la plus importante pour préserver l’appui en faveur d’Israël aux États-Unis. Sa remarque intervient alors que Washington prépare une opération visant à séparer les activités américaines de TikTok de sa maison mère chinoise, ouvrant la porte à un consortium d’investisseurs dominé par Oracle et par son fondateur, Larry Ellison.
Le cadre de l’opération sur TikTok
Le 25 septembre 2025, le président américain Donald Trump a signé un décret exécutif soutenant la cession des opérations américaines de TikTok à un groupe d’investisseurs mené par des acteurs américains.
- La solution imposée par la Maison-Blanche prévoit que ByteDance conserve moins de 20 % du capital de la branche américaine.
- Les investisseurs américains, dont Oracle et des magnats comme Larry Ellison, Robert Murdoch et Michael Dell, prendraient le contrôle opérationnel et auraient un rôle dans la supervision des algorithmes et du stockage des données.
- La valorisation évoquée de TikTok est d’environ 14 milliards de dollars, avec finalisation attendue avant janvier prochain.
Le contexte légal a été façonné par une décision de la Cour suprême du 17 janvier 2025 validant le principe « vendre ou interdire » pour l’application. Selon l’exécutif, la nouvelle structure garantirait que les données des utilisateurs et l’entraînement de la version américaine de l’algorithme se dérouleraient sous supervision américaine.
Qui est Larry Ellison et quel pouvoir détient-il ?
Larry Ellison, fondateur et principal actionnaire d’Oracle, est présenté comme l’un des hommes les plus riches et influents de la tech. Sa fortune et ses investissements récents ont placé son nom au cœur des débats sur le contrôle des médias et de l’infrastructure numérique.
- Origines : né le 17 août 1944, Ellison a cofondé Oracle après avoir exploité des idées issues du modèle relationnel des bases de données.
- Oracle : l’entreprise vend des systèmes de gestion de bases de données, des services cloud et des infrastructures qui hébergent d’immenses volumes de données.
- Portée des données : en acquérant entre autres Cerner en 2022 pour 28 milliards de dollars, Oracle a étendu son emprise au secteur de la santé et à d’autres marchés sensibles.
Des anciens dirigeants d’Oracle ont résumé l’ampleur de l’influence d’Ellison par cette idée : « tout le monde utilise Oracle, ils ne le savent simplement pas ». Cette phrase souligne le rôle central de l’entreprise dans l’infrastructure informationnelle mondiale.
Acquisitions médiatiques et montée d’une influence culturelle
Ces derniers mois, les transactions impliquant Ellison et des entreprises liées à sa famille ont accru les inquiétudes sur une concentration des médias aux États-Unis.
- Investissements familiaux : ses enfants ont été soutenus dans des acquisitions majeures — Annapurna Pictures (fondée par Meghan Ellison) et Skydance (David Ellison) — qui ont permis des rapprochements avec des studios historiques.
- Paramount/CBS : Skydance a acquis en août une large part d’actifs Paramount, renforçant la position du groupe dans l’audiovisuel (transactions chiffrées publiquement autour de plusieurs milliards de dollars).
- Ambitions supplémentaires : des discussions autour d’actifs majeurs comme Warner Bros. Discovery ont alimenté les spéculations sur un remodelage de l’écosystème médiatique américain.
Ces opérations font craindre à certains observateurs une convergence entre l’infrastructure technique (données, cloud) et le contrôle des récits médiatiques traditionnels, ce qui amplifierait l’influence politique d’acteurs privés.
Liens avec Israël et controverses
Les relations d’Ellison avec Israël et certaines de ses donations suscitent des interrogations quant à l’utilisation potentielle des plateformes pour influer sur l’opinion publique américaine.
- Proximité politique : Ellison entretient des liens personnels avec Benjamin Netanyahou et reçoit régulièrement des personnalités politiques; Netanyahou a lui-même qualifié les plateformes numériques de « l’arme » essentielle.
- Contributions : Ellison a été signalé comme donateur significatif en faveur de causes liées à l’armée israélienne — un point souvent évoqué par les critiques.
- Accusations : le mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) a répertorié Oracle parmi les entreprises accusées de coopérations technologiques avec des forces israéliennes.
Ces éléments alimentent la crainte que le contrôle d’une importante plateforme sociale américaine par un groupe d’investisseurs proches d’Israël puisse modifier la visibilité des contenus sensibles, notamment ceux en provenance de Gaza.
Enjeux sur la modération, l’algorithme et la narration
Plusieurs responsables américains ont explicitement évoqué le rôle des images et des vidéos dans la formation de l’opinion publique. Selon eux, la visibilité de certaines images nuit à la « gestion de l’image » d’Israël aux États-Unis, ce qui a alimenté la volonté politique d’intervenir sur TikTok.
- Contrôle algorithmique : le scénario retenu prévoit qu’une version américaine de l’algorithme soit réentraînée sur des données locales sous supervision d’Oracle, avec des garanties de « sécurité » définies par Washington.
- Risques de biais : des voix critiquent ce cadre, estimant qu’il pourrait servir à filtrer ou hiérarchiser le contenu d’une façon favorable à certains récits politiques.
- Structure de propriété projetée : environ 80 % détenus par investisseurs américains et 20 % par ByteDance, selon les descriptions du plan gouvernemental.
Des déclarations publiques — y compris une vidéo citée de responsables comme Mitt Romney et Antony Blinken — ont renforcé l’interprétation selon laquelle la limitation d’accès à certains contenus faisait bien partie des objectifs visés par la pression politique sur l’application.
Conséquences attendues et points de vigilance
Si le rachat se concrétise selon les conditions annoncées, plusieurs éléments seront à surveiller dans les mois à venir :
- Les modifications effectives de l’algorithme et l’impact sur la visibilité des contenus politiques et humanitaires.
- Les mécanismes de gouvernance du stockage des données utilisateur et les garanties de confidentialité.
- La concentration des médias et ses conséquences sur la diversité éditoriale et la liberté d’expression.
L’intersection entre infrastructure technique (cloud, données), pouvoir médiatique et intérêts géopolitiques pose une question centrale : comment préserver un espace numérique pluraliste quand des acteurs privés puissants contrôlent à la fois les tuyaux et les contenus ?
Les prochains mois constitueront un test clé pour mesurer l’ampleur des changements : modifications algorithmiques, nouvelles politiques de modération, et réactions des régulateurs, des médias et des utilisateurs. Le nom de Larry Ellison restera au cœur de ce dossier, entre enjeux économiques, technologiques et géopolitiques.