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L’Espagne : un modèle économique en pleine renaissance
Ce que nous observons aujourd’hui en Espagne est le modèle de croissance le plus équilibré de notre histoire moderne, a déclaré le ministre espagnol de l’Économie, Carlos Cuervo, dans une interview accordée au journal Politico à la fin de l’année 2024.
Il y a dix ans, l’Espagne était citée en exemple de l’échec économique, selon le magazine britannique The Economist, à la suite des conséquences de la grande crise économique qui l’a frappée entre 2008 et 2014, connue sous le nom de « grande récession espagnole ». Cette crise a été causée par l’éclatement soudain de la bulle immobilière qui avait soutenu la croissance espagnole durant les années précédentes, entraînant une contraction économique qui a conduit à un long ralentissement.
Conséquence de cela, le système bancaire du pays s’est effondré, les taux de chômage ont grimpé et l’émigration des jeunes a augmenté en raison du manque d’emplois. De plus, l’Espagne a été classée en 2014 comme le deuxième pays européen où les enfants souffraient le plus des effets de la pauvreté, selon l’organisation Caritas Europe, alors que des dizaines de milliers de familles espagnoles luttaient pour subvenir aux besoins quotidiens de leurs enfants. Les séquelles de cette grande crise financière ont continué à peser sur l’économie espagnole pendant des années, laissant des traces lourdes.
Un revirement économique
Dix ans après cette crise, le paysage a radicalement changé. L’Espagne est de nouveau citée en exemple, mais cette fois pour ses succès économiques. En décembre 2024, The Economist a désigné Madrid comme le meilleur pays en matière de performance économique parmi une liste de 37 pays riches, se basant sur cinq indicateurs économiques clés : le produit intérieur brut (PIB), la performance du marché boursier, l’inflation de base, le chômage et les niveaux de déficit public.
Selon The Economist, Madrid est devenue « l’objet de convoitise du monde riche ». Ce changement significatif ne concerne pas seulement l’Espagne ; les économies du sud de l’Europe, comme celles de la Grèce et de l’Italie, qui étaient synonymes d’échec économique ces dernières années par rapport à d’autres pays développés, enregistrent également des progrès notables alors que des économies traditionnellement fortes comme celle de l’Allemagne sont en difficulté.
La croissance espagnole
Les données de la Direction générale de la Commission européenne à Luxembourg (Eurostat) révèlent que l’économie espagnole a crû de 3,4 % entre juillet et septembre 2024, alors que la moyenne de croissance dans la zone euro pour la même période n’était que de 0,9 %.
Le taux de croissance global de l’Espagne pour l’année 2024 est prévu à 2,9 %, en hausse par rapport à 2,5 % en 2023. Ce taux dépasse de plus de quatre fois celui des années de reprise économique après la « grande récession » entre 2014 et 2019, qui était d’environ 0,7 %. Il surpasse également la plupart des prévisions de croissance formulées avant le début de l’année.
La publication américaine Fortune a souligné que l’économie espagnole est sur la bonne voie pour croître à un rythme trois fois supérieur à celui de l’ensemble de la zone euro, et même supérieur aux taux de croissance des États-Unis.
Facteurs de succès
Les signes de la reprise économique en Espagne ne se limitent pas à la croissance. En ce qui concerne les taux de chômage, qui représentent un problème majeur en Espagne, Madrid a réalisé des progrès relatifs, réduisant le chômage à 11 %, contre 13,8 % en 2019, avant la pandémie de COVID-19. Ce taux, bien que restant le plus élevé de la zone euro, continue de diminuer lentement depuis 2020, atteignant son niveau le plus bas depuis la crise économique de 2008.
La réussite de Madrid dans ce domaine est le reflet de la bonne performance des économies méditerranéennes au sud de l’Europe. Les taux de chômage en Grèce, en Italie et en Espagne ont atteint leurs niveaux les plus bas depuis une décennie. Cependant, l’Italie conserve la première place avec un taux de chômage de 5,7 % après une baisse de 1,4 % l’année dernière.
Rôle de l’immigration
Un autre facteur important ayant contribué à cette transformation est l’immigration. Contrairement à de nombreux pays européens qui perçoivent les migrants comme un fardeau, de nombreux analystes estiment que les immigrants en Espagne ont été un moteur essentiel de la croissance. Entre 2022 et 2024, la population espagnole a augmenté de 1,1 million, avec l’arrivée de 700 000 travailleurs migrants.
Selon Ángel Talavera, responsable des recherches européennes chez Oxford Economics, la capacité de l’Espagne à attirer des migrants qualifiés a surpassé celle de l’Italie, permettant à Madrid de se démarquer en matière de croissance en 2024. Les migrants qualifiés en Espagne se sont intégrés plus efficacement dans l’économie formelle, après des années où l’Espagne était perçue comme un pays peu accueillant pour les immigrants.
Une prospérité inégale
Cependant, certains jeunes Espagnols ne ressentent pas cette prospérité économique. Un article publié sur le site de l’école de commerce ESADE à Barcelone souligne que les Espagnols sont surpris par la reconnaissance internationale de l’économie de leur pays, car ils ne perçoivent pas de changements significatifs dans leur niveau de vie.
Les citoyens expriment également des préoccupations concernant l’impact de l’afflux de touristes sur l’augmentation des prix des loyers et des biens de consommation, ainsi que sur la pression exercée sur les ressources locales. En outre, bien que le PIB espagnol ait augmenté ces dernières années de 4,7 %, la population a crû d’environ 3 %, ce qui indique que le PIB par habitant n’a augmenté que de 1,7 %.
Conclusion
En somme, l’Espagne, autrefois symbole de crises, s’affirme aujourd’hui comme un leader économique en Europe grâce à sa croissance et à l’immigration. Toutefois, des disparités subsistent et la perception de cette prospérité ne correspond pas toujours à la réalité vécue par la population. Un équilibre entre les éléments de croissance et les besoins des citoyens sera crucial pour la pérennité de ce modèle.