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Pénibilité au travail : échec des négociations sur les retraites

by Sara
Pénibilité au travail : échec des négociations sur les retraites
France

Les travailleurs exposés aux facteurs de pénibilité sont déjà pénalisés par la réforme des retraites de 2023, et les récentes négociations n’ont pas permis d’améliorer leur situation. Le gouvernement peut-il inverser la tendance ?

Un conclave infructueux

Après quatre mois et demi de négociations, le conclave s’est soldé par un échec fin juin. Les partenaires sociaux étaient censés proposer des améliorations à la réforme des retraites, mais ils n’ont pas réussi à s’entendre. Le Premier ministre a accordé un délai supplémentaire de dix à quinze jours, mais syndicats et patronat ont déjà manifesté leur opposition à de nouvelles discussions.

Les enjeux de la pénibilité au travail

Au cœur des négociations, la prise en compte de la pénibilité pour les départs anticipés en retraite demeure un sujet de discorde. Les travailleurs soumis à des critères de pénibilité peuvent cumulativement bénéficier de points sur leur compte professionnel de prévention (C2P). Ces points permettent d’accéder à des formations, de passer à temps partiel, ou d’obtenir une majoration de la durée d’assurance pour pénibilité, ce qui facilite un départ anticipé à la retraite.

Depuis la création du C2P en 2010, plusieurs critères ont été supprimés, ce qui a réduit l’accès à ces compensations. Les organisations syndicales ont saisi l’occasion de cette négociation pour demander la réintroduction de trois critères liés aux contraintes physiques, mais le patronat a souhaité conditionner ces départs à un avis médical.

Les critiques des experts

Des experts comme Catherine Delgoulet, ergonome, soulignent que cette exigence de preuve médicale est une manière de nier la prévention, en n’acceptant que des situations déjà critiques. L’économiste Thomas Coutrot a également noté que même si un accord avait été trouvé, il aurait peu changé la réalité, car très peu de travailleurs bénéficient réellement du C2P.

Des seuils inaccessibles

Les données de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) révèlent que l’utilisation du C2P est très limitée. En 2021, sur 700 000 départs à la retraite, seulement 21 000 avaient au moins un point sur leur compte, et seulement 1 900 ont bénéficié d’une majoration de leur durée d’assurance. Moins de 1 % des travailleurs ont pu partir plus tôt grâce à ce dispositif.

Cette situation est exacerbée par la non-rétroactivité du dispositif. Les travailleurs ayant exercé des métiers pénibles avant la création du C2P n’ont pas pu accumuler les points nécessaires. De plus, les critères restrictifs rendent difficile l’accès à ces droits pour de nombreux salariés réellement exposés à des risques.

Les limites du Fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (Fipu)

Pour compenser ces lacunes, le Fipu a été créé en 2023, visant à protéger la santé des salariés exposés à des risques ergonomiques. Toutefois, l’utilisation de ce fonds est également limitée. En 2024, moins d’un quart des 200 millions d’euros alloués ont été consommés, et les actions financées se concentrent souvent sur des aides techniques qui ne répondent pas à tous les besoins.

Il est indiqué que l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) a du mal à dépenser l’argent qui lui est alloué, car les entreprises hésitent à engager des opérations d’amélioration des conditions de travail sous contrôle public.

Une politique publique à revoir

À l’heure actuelle, il n’existe pas de politique publique forte sur ce sujet. Les professions pénibles, souvent occupées par des ouvriers qui doivent travailler le plus longtemps possible, souffrent d’un manque de reconnaissance. Lorsque ces travailleurs atteignent l’âge de la retraite, leur espérance de vie est inférieure à celle du reste de la population.

Après l’échec des négociations, François Bayrou s’est engagé, lors d’une déclaration le 26 juin dernier, à intégrer dans le Budget 2026 les avancées proposées par les partenaires sociaux concernant la pénibilité. Les détails de ces propositions seront dévoilés à l’automne.

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