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Les Syriens suivent avec un vif intérêt l’évolution de leur économie, espérant une relance durable qui insufflera un nouvel espoir quant à l’amélioration prochaine de leurs conditions de vie.
Des experts anticipent que la phase de transition, axée sur la reconstruction d’une économie modernisée et intégrée aux dynamiques mondiales, accompagnée d’institutions gouvernementales transparentes et soumises à des normes de gouvernance strictes, créera un terreau favorable à un progrès tangible. Ce progrès devra répondre aux exigences du pays en matière de stabilité et de bien-être.
De l’économie dirigée à l’économie de marché
Après des décennies de contrôle étatique total, la Syrie envisage, dans l’ère post-Assad, d’adopter une économie de marché libre en amorçant la privatisation de certaines entreprises publiques. Damas a récemment conclu plusieurs accords bilatéraux ainsi que des protocoles d’entente avec des partenaires arabes et étrangers, témoignant de la volonté de l’État d’accueillir diverses formes d’investissements.
Le ministre de l’Économie et de l’Industrie, Mohammed Nidal Al-Chaar, a déclaré que le produit intérieur brut (PIB) connaîtrait une hausse notable en 2025 et 2026. Le gouvernement élabore des plans de privatisation des entreprises nationales en vue de leur introduction sur les marchés financiers, tout en favorisant une reconstruction innovante capable de ramener les coûts de plusieurs trillions à quelques centaines de milliards de dollars seulement, pour assurer un redressement économique durable.
Lors du Sommet de l’Information arabe 2025 à Dubaï, il a souligné que les besoins de reconstruction estimés à 400 milliards de dollars sont en réalité dépassés, les opportunités d’investissement pouvant atteindre des trillions de dollars, rendant obsolètes les méthodes traditionnelles de reconstruction.
Outils flexibles et leviers tangibles
La nouvelle Syrie nécessite un cadre législatif moderne ainsi qu’une approche économique capable de répondre aux aspirations des citoyens vers une stabilité et un développement global en harmonie avec les changements récents.
Les autorités prévoient de réviser les lois d’investissement pour en faire des instruments efficaces favorisant le développement et l’attraction des investisseurs. L’objectif est d’offrir aux entrepreneurs la flexibilité nécessaire pour gérer leurs projets tout en les protégeant des désordres hérités des années d’instabilité.
Selon le Programme de développement des Nations Unies, la reprise économique syrienne pourrait prendre une décennie en raison des pertes estimées à environ 800 milliards de dollars, reflet de l’ampleur des dommages aux infrastructures et aux secteurs productifs. Parallèlement, le taux de pauvreté atteint 90%, et la pauvreté extrême 66%, plaçant plus de la moitié de la population dans l’incapacité de satisfaire ses besoins fondamentaux.
Un rapport du Programme souligne que la Syrie a un besoin urgent d’accroître sa croissance par des investissements massifs, des réformes dans la gouvernance, la reconstruction des infrastructures essentielles – notamment dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’énergie – et la relance du secteur productif, afin de générer de l’emploi et réduire la dépendance à l’aide extérieure.
Pour l’économiste Abdel Sattar Damaschié, les défis du redressement économique et social sont sans précédent. Il rappelle que les données des institutions internationales telles que la Banque mondiale et les agences de l’ONU témoignent de l’ampleur des dégâts causés par 14 années de guerre.
Il préconise la libéralisation économique comme meilleure option pour la relance, soulignant que les précédentes stratégies autoritaires ont aggravé les inégalités et creusé un fossé profond entre une élite riche liée au régime et une majorité pauvre souvent en situation de précarité extrême.
Selon lui, ouvrir l’économie nécessite d’équilibrer liberté économique et justice sociale. Il insiste sur la mise en place de filets de sécurité sociale pour protéger les 90% de Syriens vivant dans la pauvreté, garantir l’accès aux soins de santé essentiels, à l’éducation et aux programmes d’aide ciblée afin d’éviter que les plus vulnérables ne sombrent dans une pauvreté encore plus dure.
Ignorer cet aspect aurait des conséquences graves, alimentant un mal-être social qui menacerait la cohésion et la croissance durable.
Perspectives vastes et défis coûteux
Les Syriens perçoivent 2025 comme un tournant crucial pour leur économie. Le rapport « La Syrie à la croisée des chemins » de l’ESCWA (Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale) indique que la chute du régime d’Assad ouvre de larges horizons. Toutefois, le pays fait face à d’énormes difficultés liées à la guerre qui a anéanti l’économie, détruit le tissu social et plongé des millions de personnes dans la pauvreté extrême.
Les données de la Banque mondiale révèlent une contraction de plus de 85% du PIB syrien depuis 2011. Les exportations ont chuté de 89%, les importations de 81%, tandis que la livre syrienne s’est dépréciée de 270 fois face au dollar américain.
Pour l’économiste Ibrahim Qoushji, professeur à l’Université nationale syrienne, la relance économique, conjuguée aux coûts très élevés de reconstruction, représente un défi majeur nécessitant l’attraction d’investissements étrangers, la création de partenariats internationaux et des programmes financiers novateurs.
Malgré un contexte catastrophique, la Syrie dispose d’importantes ressources naturelles qui pourraient constituer le pilier de sa reprise économique, notamment le pétrole, le gaz, les phosphates et les terres agricoles fertiles qui fournissaient autrefois la région en blé et coton.
L’exploitation de ces ressources est toutefois entravée par la destruction des infrastructures productives et le manque d’investissements directs étrangers. La phase post-conflit oblige à prioriser les secteurs ayant des effets immédiats sur la stabilité économique et sociale.
Selon Qoushji, la bonne gestion de ces ressources marquera un tournant vers une stabilité économique renforcée grâce à l’amélioration du taux de change, l’augmentation des exportations et la réduction des importations, tout en renforçant les réserves en devises. L’investissement dans les industries connexes améliorera le pouvoir d’achat, soutiendra l’investissement public et favorisera la création d’emplois.
Une économie bien gérée pourrait transformer la Syrie en un acteur régional sûr et flexible, capable de convertir ses défis en avantages, stimulant ainsi une croissance durable et redéfinissant son rôle dans les économies du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.
La richesse en pétrole, gaz, phosphates, minerais, blé et coton pourrait jouer un rôle décisif dans la substitution aux importations, le renforcement des exportations, le développement des industries locales et l’accroissement de la valeur ajoutée.
Prévisions de production de pétrole, gaz naturel et phosphates
Le secteur pétrolier et gazier est identifié comme l’un des piliers potentiels pour soutenir les efforts gouvernementaux en faveur de la reprise. L’économiste Qoushji souligne que le contrôle exercé par les Forces démocratiques syriennes, une coalition armée kurde, sur les plus grands gisements de pétrole constitue une situation exceptionnelle imposée par la guerre, qui devra impérativement revenir sous autorité étatique.
Les réserves prouvées de pétrole en Syrie sont estimées à environ 2,5 milliards de barils, celles de gaz naturel à 8,5 trillions de pieds cubes, tandis que les réserves de phosphates atteignent environ 1,8 milliard de tonnes.
Le redéveloppement du secteur pétrolier pourrait porter la production à 100 000 barils par jour d’ici cinq ans, générant ainsi des revenus substantiels et réduisant les coûts d’importation de près de 2 milliards de dollars annuellement. L’optimisation des mines de phosphates et l’amélioration de leur production et exportation devraient rapporter environ 1 milliard de dollars par an.
Pour améliorer l’extraction du phosphate, il est nécessaire de moderniser les techniques minières et d’attirer des investissements. La production pourrait couvrir 90% des besoins nationaux en engrais phosphatés et 70% des besoins pour l’industrie des détergents, selon des rapports locaux.
Plutôt que d’exporter du phosphate brut à bas prix, la Syrie pourrait valoriser cette ressource localement en produisant des engrais phosphatés, réduisant ainsi les importations et répondant aux besoins des agriculteurs.
Le Fonds monétaire international a souligné que la production locale d’engrais pourrait économiser plus de 500 millions de dollars annuels.
Qoushji anticipe que la stratégie de fabrication domestique d’engrais contribuera à l’autosuffisance agricole, et que la Syrie pourrait devenir un fournisseur majeur d’engrais phosphatés au lieu de les importer.
Le Programme des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) estime que l’investissement dans l’extraction et la transformation des phosphates générerait un retour économique annuel entre 3 et 5 milliards de dollars.
Ressources agricoles de qualité supérieure
La Syrie figure parmi les principaux pays agricoles du Moyen-Orient grâce à son climat diversifié et à ses terres fertiles. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’agriculture représente 20 % du PIB, offrant plus de 40 % des emplois directs et indirects.
Le blé domine les cultures syriennes, produisant environ 4 millions de tonnes annuellement en temps de paix. L’olivier vient ensuite, avec une production estimée à 700 000 tonnes, faisant de la Syrie l’un des plus grands producteurs mondiaux.
Outre le blé et l’olivier, la Syrie est réputée pour la qualité de son coton, avec une production annuelle d’environ 300 000 tonnes.
L’économiste Qoushji recommande d’investir dans la réhabilitation des terres agricoles et dans des technologies d’irrigation avancées. L’utilisation de méthodes agricoles modernes pourrait augmenter la production de blé, renforcer la sécurité alimentaire et fournir des matières premières à l’industrie agroalimentaire nationale.
L’accroissement de la production de coton alimentera les industries textiles et la confection, secteurs dans lesquels la Syrie jouit d’une renommée internationale. Cette stratégie permettra de réduire la dépendance aux importations et de générer des devises étrangères pour soutenir l’économie.