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L’administration Donald Trump a promis un bouleversement historique avec des mesures ambitieuses de relance économique, des slogans martiaux et une politique commerciale perturbatrice. Pourtant, derrière ces annonces spectaculaires, ni l’industrie américaine, ni l’emploi, ni même la réduction de la taille de l’État ne semblent suivre le rythme espéré.
Leçons du passé et comparaison avec Reagan
Pour comprendre les enjeux actuels, il faut revenir à la révolution Reagan, époque où la politique monétaire et le pouvoir politique s’entremêlaient maladroitement. La promesse de Reagan de réduire l’emprise de l’État s’est soldée par un échec : le gouvernement n’a jamais été aussi développé. Toutefois, le soutien apporté à Paul Volcker a permis de briser une inflation galopante, déclenchant un véritable boom économique.
À ce jour, l’équipe Trump reste la plus ambitieuse en matière de nouvelles politiques depuis Franklin Roosevelt. Néanmoins, la majorité de ses mesures risquent de se retourner contre elle ou de sombrer dans l’oubli.
Des annonces spectaculaires, mais un impact limité
La presse s’émerveille et clame que l’équipe Trump « bouleverse » l’ordre établi avec des politiques « qui changent la donne ». Pourtant, sans véritables bouleversements structurels, le pays semble glisser vers la crise.
Par exemple, Donald Trump a annoncé des droits de douane de 25 % sur les voitures importées, affirmant que cela favoriserait la construction d’usines et la création massive d’emplois dans l’industrie automobile américaine. Or, cette mesure risque plutôt de détruire des emplois dans ce secteur, à l’opposé de l’objectif affiché.
La vraie cause de la perte de capacité manufacturière américaine ne réside pas dans les politiques de libre-échange passées, mais dans des politiques monétaires favorisant la création de fausse monnaie. Sans remise en question sérieuse de ce point, il faut s’attendre à des politiques plus souples, mais pas à un véritable boom économique.
La politique énergétique en décalage avec les réalités du marché
Le slogan « drill baby, drill » (fore bébé, fore) et la guerre commerciale visaient à relancer l’industrie pétrolière américaine. Pourtant, dès les 100 premiers jours du second mandat de Donald Trump, les entreprises de forage et d’entretien des puits ont subi de lourdes pertes. Les prix du pétrole brut américain sont tombés sous les 58 euros le baril, soit une baisse de plus de 20 % depuis le début de l’année.
À ces niveaux, il n’est plus rentable pour de nombreuses sociétés de renforcer leur production, d’après une enquête de la Réserve fédérale de Dallas. Les producteurs à bas coût se trouvent au Moyen-Orient et en Russie, tandis que les producteurs américains marginaux souffrent lorsque les prix chutent.
La politique énergétique censée stimuler l’industrie pétrolière américaine pourrait au contraire la mener à la faillite. Bloomberg souligne que le pétrole a plongé après une annonce de hausse massive de la production de l’OPEP+, ravivant les craintes d’un excès d’offre mondial, au moment où la guerre commerciale pèse déjà sur la demande.
Les limites des politiques commerciales activistes
Les politiques activistes échouent souvent car elles perturbent les arrangements naturels entre individus et entreprises. Le véritable libre-échange consiste à permettre aux entreprises de commercer librement, sans diktats imposés sur la monnaie ou la main-d’œuvre.
L’équipe Trump a instauré sa propre « politique commerciale », provoquant un ralentissement du commerce : les transitaires baissent la tête, les ports à conteneurs tournent au ralenti. Bloomberg rapporte qu’un seul navire en route vers le port de Long Beach encaisse déjà 372 millions d’euros de nouveaux droits de douane.
La facture est finalement payée par les consommateurs et les investisseurs, qui obtiennent moins pour un prix plus élevé, tandis que l’administration célèbre une « victoire » qui masque la réalité économique.
Emploi fédéral et industrie manufacturière : des chiffres qui contredisent les attentes
Malgré les reports médiatiques sur des centaines de milliers d’employés fédéraux licenciés, les chiffres officiels montrent que l’emploi total aux États-Unis augmente. Le nombre de fonctionnaires fédéraux reste quasiment identique à celui d’il y a un an, sous la présidence de Joe Biden : 2 379 000 employés contre 2 378 000 auparavant.
Certes, une légère baisse a été observée depuis janvier, avec 9 000 emplois fédéraux en moins en avril, mais l’impact global reste marginal. Il est possible que certains travailleurs récemment licenciés soient encore comptabilisés parmi les employés en raison des indemnités perçues.
Du côté de l’industrie manufacturière, les droits de douane étaient censés encourager la relocalisation des usines aux États-Unis. Pourtant, les derniers chiffres montrent un recul de 1 000 postes dans ce secteur, témoignant d’une absence d’effet positif tangible sur l’emploi.
Le Pentagone : réduction des généraux mais augmentation budgétaire
Récemment, Pete Hegseth, surnommé « l’Hannibal américain », a annoncé une réduction de 20 % du nombre de généraux de haut rang dans le but de diminuer la taille du Pentagone.
Toutefois, l’administration Trump prévoit dans le même temps d’augmenter le budget du Pentagone de 13 %, le portant à 930 milliards d’euros, soit une hausse d’environ 105 milliards d’euros.
Ce double mouvement illustre bien l’absence d’un véritable bouleversement ou changement de paradigme dans la gestion des affaires publiques sous cette administration.
Bill Bonner
Bill Bonner est co-auteur de plusieurs best-sellers sur l’économie américaine et les dettes, explorant les dynamiques des sociétés modernes et les règles nécessaires à leur progrès. Fondateur d’Agora, le plus grand réseau de recherche indépendante, il offre un regard lucide et contrarien sur l’économie et l’investissement, avec une audience de plusieurs dizaines de milliers de lecteurs en France.