La situation politique en France est marquée par une confusion croissante : un gouvernement sans majorité parlementaire, un premier ministre issu d’un parti de droite ayant refusé le front républicain, et une gauche divisée qui s’est éloignée du pouvoir après avoir obtenu les meilleurs résultats aux élections législatives. Dans ce contexte, l’extrême droite apparaît comme un arbitre en embuscade, imposant ses thématiques sur la scène publique. Face à ce tableau, les intellectuels progressistes s’interrogent sur les enjeux idéologiques actuels.
Les analyses de Michaël Fœssel et Bruno Karsenti
Le philosophe Michaël Fœssel, en collaboration avec le sociologue Etienne Ollion, a récemment publié *Une étrange victoire. L’extrême droite contre la politique* (Seuil, 192 pages, 19 euros). Cet ouvrage examine comment *« la langue de l’extrême droite a contaminé le débat public »*. Parallèlement, Bruno Karsenti, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, a publié *Nous autres Européens* (PUF, 200 pages, 16 euros), un dialogue avec Bruno Latour, dans lequel il propose une réflexion sur la politique européenne face aux *« néonationalismes »*.
Au sein de la revue *K*, qui aborde des thèmes tels que *« les juifs, l’Europe et le XXIe siècle »*, Karsenti a également dirigé un ouvrage collectif intitulé *La Fin d’une illusion* (PUF, 216 pages, 16 euros), portant sur *« Israël et l’Occident depuis le 7 octobre 2023 »*. Ces travaux nourrissent une réflexion collective sur la recomposition politique actuelle et offrent des pistes pour échapper à la tentation réactionnaire.
Le front républicain et ses implications
Le « front républicain » observé lors des élections législatives des 30 juin et 7 juillet soulève la question de savoir s’il ne s’agit que d’un sursaut temporaire avant l’ascension de l’extrême droite au pouvoir en France. Bruno Karsenti souligne que le principal danger aujourd’hui est la montée des nationalismes agressifs, un échec dont le constat est amer.
Il explique que la dynamique politique a été mal orientée : « Nous pensions que le conflit politique pertinent était celui entre le progressisme et le néolibéralisme, et l’on voit partout des réactions nationalistes se déployer. » Cependant, les élections européennes du 9 juin ont montré une dynamique positive. Le taux de participation élevé a été une bonne nouvelle, car il met en lumière la nécessité de repenser les enjeux entre la nation et l’Europe pour contrer le nationalisme.
Ces élections ont donc servi de moment de repolitisation, permettant à l’opinion publique de réaliser l’impossibilité de prolonger le libéralisme de l’ère Macron et de la nécessité d’une recomposition de la gauche, où la social-démocratie pourrait retrouver sa place.